Vingt-cinq otages étrangers, dont deux Japonais, se sont enfuis jeudi du site gazier d'In Aménas, en Algérie, occupé depuis la veille par des islamistes affirmant agir en représailles à l'intervention militaire française au Mali, a-t-on appris de source proche des services de sécurité algériens. Selon la chaîne de télévision algérienne Ennahar, 15 étrangers, dont deux Français, ont réussi à s'échapper. Rien ne permet de dire dans l'immédiat s'il s'agit des mêmes otages. François Hollande a confirmé jeudi qu'il y avait des Français parmi les otages, sans en préciser le nombre. "La situation est très confuse sur ce site, elle évolue heure par heure. Dès lors, toute communication pourrait apparaître presque comme dépassée par les événements", a dit le président français. Un groupe islamiste se présentant comme la "katiba des Moulathamine" a pris mercredi matin le contrôle de ce complexe, où il affirme avoir pris 41 otages étrangers, dont des Américains, des Japonais et des Européens. Les ravisseurs, dont le nombre fluctue selon les sources entre une vingtaine et une soixantaine d'hommes lourdement armés, ont exigé de l'armée algérienne qui les encercle qu'elle leur garantisse une sortie sécurisée du complexe avec leurs otages. Le site serait cependant sous le feu de l'armée algérienne, rapportent pour leur part divers médias algériens et mauritaniens. Une quarantaine d'Algériens ont par ailleurs été libérés, selon la chaîne Ennahar. L'agence de presse algérienne APS avait auparavant rapporté l'évasion d'une trentaine d'Algériens, sans fournir de détails. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a assuré que Paris, dont les islamistes réclament l'arrêt de l'opération militaire Serval au Mali, faisait "totalement confiance" aux autorités algériennes pour résoudre la crise. CEINTURES D'EXPLOSIFS La chaîne de télévision France 24 a diffusé de son côté l'enregistrement d'un témoignage présenté comme celui d'un otage français selon lequel des Japonais, des Norvégiens, des Philippins, des Sud-Coréens et des Malaisiens figurent aussi parmi les captifs. Toujours selon ce témoignage, les ravisseurs auraient contraint certains otages à enfiler des ceintures d'explosifs et menaceraient de faire sauter le site en cas d'intervention de l'armée algérienne. Un autre otage, présenté comme un Britannique, a appelé sur Al Djazira l'armée algérienne à se retirer de la zone. "Nous sommes bien traités par les ravisseurs. L'armée (algérienne) ne s'est pas retirée et elle tire sur le complexe", a-t-il affirmé. "Il y a environ 150 otages algériens. Nous voulons dire à tout le monde que les négociations sont un signe de force et qu'elles sauveront des vies." La chaîne qatarie a également interrogé un otage irlandais qui s'est dit détenu avec des "Français, Américains, Japonais, Britanniques et Norvégiens". "La situation se dégrade (...) Nous sommes inquiets à cause de la poursuite des tirs. Nous appelons l'armée algérienne à se retirer", a-t-il dit. L'agence de presse mauritanienne Ani, principal canal de communication des ravisseurs, a publié jeudi une mise en garde lancée par l'un d'eux: "Nous tuerons tous les otages si l'armée algérienne lance l'assaut." Elle a par la suite cité un des ravisseurs selon lequel des hélicoptères algériens bombardaient le complexe et auraient blessé deux otages japonais. Cette information n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante. ACTION PRÉPARÉE DE LONGUE DATE? Le ministre algérien de l'Intérieur a déclaré que les assaillants étaient sous les ordres de Mokhtar Belmokhtar, un vétéran des groupes islamistes qui ont ensanglanté l'Algérie dans les années 1990 et co-fondateur d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont il a fait sécession en décembre pour fonder son propre mouvement. Les preneurs d'otages disent avoir mené cette opération en représailles à l'ouverture de l'espace aérien algérien aux avions français qui bombardent les rebelles islamistes dans le nord du Mali. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a cependant jugé jeudi que cette attaque en Algérie présentait "un degré considérable de planification". Des experts estiment également probable que les islamistes avaient décidé d'attaquer l'exploitation gazière avant le début de la guerre au Mali. "L'opération était très probablement déjà programmée, on n'improvise pas dans ce domaine", a déclaré sur Europe 1 l'ancien chef du contre-espionnage français Yves Bonnet, qui s'est dit surpris par l'ampleur de l'attaque. Un avis partagé par l'ancien ministre de la Défense UMP Gérard Longuet, invité de LCI jeudi matin. "On ne peut pas imaginer qu'en moins d'une semaine, une telle prise d'otages ait pu être conçue par une filiale d'Al Qaïda ou Aqmi", a-t-il dit. "En tout état de cause, c'est un objectif qui avait été préparé." Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a confirmé jeudi la mort d'un Britannique au cours de l'assaut des islamistes contre le complexe. Avec Julien Ponthus et Elizabeth Pineau à Paris, Tangi Salaün pour le service français, édité par Marc Angrand
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