« Je suis algérienne. J’ai 27 ans et je suis vraiment dans la même galère que vous. Je cherche aussi à faire l’hyménoplastie car c’est ma survie qui en dépend. Pour moi c’est une question de vie ou de mort. Seulement, je ne sais pas si ce genre de chirurgie se pratique ici, en Algérie. J’espère trouver quelqu’un qui pourra m’aider, m’orienter ou même me donner une adresse ». [1] Cet appel à l’aide fait partie des nombreux messages que l’on trouve sur divers forums de discussion sur Internet. Des forums où des musulmanes pétrifiées à l’approche d’un mariage s’informent auprès de celles qui sont déjà passées par là.
Hymen saignant à point
« L’intervention est assez simple, explique le site Chirurgie Intime.info. Une des techniques, très naturelle, consiste à utiliser les séquelles hyménéales en les incisant dans leur partie médiane et en les réunissant. L’opération dure une demi-heure sous anesthésie locale accompagnée de sédation ». La réfection dure entre quelques jours et plusieurs semaines, selon le procédé et le type de fils utilisés, et doit provoquer un saignement lors de la nuit de noces - bien qu’il soit prouvé que tous les hymens ne saignent pas lors de la première pénétration. Auparavant, en France, d’autres religions que l’islam sacraient aussi l’hymen. « Cela fait trente ans que je travaille et, quand j’ai commencé, la première génération d’immigration était des familles portugaises et espagnoles catholiques qui plaçaient leur honneur sur la virginité des filles. Elles avaient donc la même détresse pour se faire une nouvelle virginité que les Maghrébines et les Gitanes aujourd’hui », se souvient Emmanuelle Piet, médecin spécialiste des violences faites aux femmes et présidente du Collectif féministe contre le viol.
Grand écart des prix
Aujourd’hui, ce sont les femmes maghrébines ou d’origine, de toutes classes sociales et en général âgées de moins de 30 ans, qui seraient en tête des demandes de réfection d’hymen. L’intervention est accessible dans certains hôpitaux et cliniques de chirurgie esthétique. Une pratique que ne cautionnent pas le Collège nationale français des gynécologues et obstétriciens et plusieurs spécialistes, qui estiment qu’elle représente « une atteinte à la dignité des femmes ». Reste que les requêtes seraient en augmentation. Elles semblent varier en fonction des régions. « En 2006, je n’ai pas vu de femmes. Début 2007 non plus », confie le Dr Sébastien Madzou, gynécologue-obstétricien à Angers. Le Dr Stéphane Saint-Léger, qui exerce à Aulnay-sous-Bois, estime pour sa part qu’« il y a une augmentation, mais cela reste infime. Ce n’est pas tous les jours ». Le Dr Marc Abécassis est chirurgien plasticien à la Clinique du Rond-Point des Champs-Elysées de Paris. Le nombre de femmes qu’il opère est bien plus important que celui de nos praticiens hospitaliers. « Il y a quatre ou cinq ans, on faisait quatre ou cinq opérations par an. Aujourd’hui, on en a trois par semaine, entre sept et dix par mois », explique le spécialiste. L’écart des prix entre les secteurs public et privé est énorme. « Je compte ça comme une plastie vulvaire, donc, à partir de là, c’est remboursé par la sécurité sociale », indique un gynécologue. « Quand l’opération est faite en consultation, elle coûte juste le prix de la consultation. En hôpital, c’est un peu plu cher », poursuit un de ses confrères. Le Dr Abécassis indique pour sa part que l’opération coûte « 2 500 euros, mais il faut insister sur le fait que toutes les charges sont comprises ».
Quand on a peur, on ne compte pas
2 500 euros, c’est une forte somme. Mais, quand on est morte de peur, on ne compte pas. Lamia* en sait quelque chose. Elle doit se fiancer ce mois-ci avec son petit ami, qui n’est pas vierge et ignore qu’elle a déjà une expérience sexuelle. Et mieux qu’il n’en sache rien. « Je lui ai demandé s’il ne trouvait pas que c’était bien que des filles fassent l’opération pour repartir sur de bonnes bases avec leur copain. Il a dit que non, que c’étaient des salopes », raconte-t-elle, la rage au ventre devant cette injustice qu’elle ne peut crier, de peur de confirmer les soupçons de son ami, de provoquer un scandale familial et de « passer pour une pute ». Sur les conseils d’une amie, elle a donc fait une hyménoplastie chez le Dr Abécassis. « J’ai fait du baby-sitting deux ans et j’ai pu gagner 1 700 euros, mais j’ai dû en emprunter 800 à une copine. Côté finances, c’est mal parti ! », regrette la jeune femme, que son amie a accompagnée le jour de l’opération. D’autant qu’elle a « découvert après que certains faisaient l’opération pour 300 euros à Nice ». Elle reconnaît toutefois que l’équipe de la clinique s’est montrée « sympa » et qu’elle avait la quasi-assurance de ne pas croiser quelqu’un qu’elle connaît au moment de l’hospitalisation. Un confort qui n’a pas de prix.
« Un business » lucratif
Le soulagement a cependant été de courte durée. « J’étais inquiète car j’ai perdu un fil au bout d’une semaine. J’ai cru que ça ne marchait pas ! Et, si à la fin ça ne marche pas, j’aurais dépensé tout mon argent mais personne ne me remboursera ! Ce n’est pas normal ! », lance Lamia avec inquiétude. Et d’ajouter, avec une pointe d’amertume : « C’est un bon business. C’est le chirurgien qui rappelle le premier qui rafle la mise car la fille est trop désespérée pour attendre et comparer les prix ». Un « business » que certains gynécologues dénoncent vigoureusement. Ils arguent qu’il existe d’autres moyens, bien moins onéreux, d’aider ces femmes à se faire passer pour vierges : utiliser du foi de poulet cru ou une ampoule contenant du sang de poulet mélangé à un anti-coagulant. Le petit ami peut prendre part au subterfuge - comme il le fait parfois lors de l’hyménoplastie - pour soutenir sa future femme, avec qui il a déjà a eu des relations sexuelles ou dont il accepte son passé sexuel. Dans le cas contraire, il pourrait se retrouver complice malgré lui : d’aucuns estiment que le stress de la nuit de noces est tel que le jeune homme n’y verra que du feu. Lamia a fait le maximum, mais elle craint toujours que son opération ne donne pas le change. Très angoissée, elle dresse cet amer constat : « Avant, je me disais que j’allais être tranquille, mais maintenant je me dis que je suis dans une situation pire que la première ».
*Son prénom a été changé [1] La ponctuation des propos a été modifiée, ainsi que certaines tournures de phrases
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