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«Virus inquiétant créé en Chine» : cinq questions sur cet article qui vous intrigue

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«Virus inquiétant créé en Chine» : cinq questions sur cet article qui vous intrigue
Depuis quelques jours, un de nos articles, traitant d’un virus créé en laboratoire en Chine en 2013, suscite l’intérêt, voire l’inquiétude, de nombreux internautes. Explications.

« Est-ce un vrai article de votre journal ou un fake ? » « Cet article date de 2013 ! Quelles saloperies ont-ils créées depuis ? » « Y’a de quoi se poser des questions si on ajoute ça au fait qu’il était sûrement stocké dans le seul labo P4 de Chine, à Wuhan »… Depuis quelques jours, les questions de lecteurs concernant une de nos publications, datant de mai 2013, se multiplient.

L’article en question, intitulé « Un virus inquiétant créé en Chine », a été beaucoup lu ces derniers jours et repris, parfois, par des sites alternatifs. Cette information, qui est vraie, nécessite cependant une remise en contexte précise, afin de ne pas la lier au nouveau coronavirus apparu en Chine fin 2019.

De quoi parle cet article ?
Cet article, daté du 5 mai 2013 dans Le Parisien, relaie une polémique qui a émergé dans le milieu de la recherche. De nombreux scientifiques partageaient alors leur inquiétude au sujet de travaux menés en Chine sur la création, en laboratoire, d’un virus combinant des éléments du virus de la grippe A H1N1 (d’origine partiellement animale, transmissible entre humains) et du virus H5N1 (d’origine animale, transmissible des oiseaux à l’humain mais pas entre humains).

Cette information est bien vraie, comme nous le confirme notre ancienne journaliste Claudine Proust, spécialiste santé. « Ce sujet est probablement parti d’une dépêche de l’Agence France Presse », nous explique-t-elle. Il a été accompagné d’un éclairage du virologue Jean-Claude Manuguerra, aujourd’hui responsable de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Cibu) à l’Institut Pasteur. Contacté ce dimanche, ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos demandes.

Le Parisien n’est d’ailleurs pas le seul journal à avoir traité cette information. On la retrouve sur le site de France Info, Futura Sciences, ou encore Le Quotidien du Médecin.

Cette création a-t-elle un lien avec le coronavirus ?

Non, nous répond le biologiste américain Richard H. Ebright, qui faisait partie des scientifiques critiques de cette étude sur le virus hybride. « Il n’y a aucun lien entre le virus hybride H5N1-H1N1 et le SARS-CoV-2 (le nom scientifique du nouveau coronavirus, NDLR). Ces deux virus sont de phyla (des embranchements) différents. Ils sont aussi différents qu’un ver de terre l’est de l’être humain », commente le directeur de laboratoire au sein du Waksman Institute of Microbiology, dans le New Jersey (Etats-Unis).

D’autres internautes suggèrent que, si la création de ce virus hybride était possible, alors le SARS-CoV-2, pourrait lui aussi être une création humaine. En réalité, tout indique aujourd’hui qu’il est d’origine naturelle. Une étude parue dans la revue Nature le 17 mars, menée par des chercheurs américains, britanniques et australiens, concluait « que le SARS-CoV-2 n’est pas une production de laboratoire ou un virus délibérément manipulé ». Et les scientifiques de détailler qu’il est issu de plusieurs autres coronavirus passés par deux types de chauve-souris et un type de pangolin, comme le résume le chercheur Meriadeg Le Gouil de l’Institut Pasteur, dans Sciences et Vie.

En quoi consistait cette expérimentation de 2013 ?

Cette étude mélangeait le matériel génétique du virus de la grippe aviaire H5N1 et celui de la pandémie « H1N1 » pour donner naissance à ce qu’on appelle un « virus réassorti ». Elle a été menée par une équipe de chercheurs chinois de l’Institut de recherche vétérinaire de Harbin, sous la tutelle de l’Académie chinoise des sciences agricoles, au nord-est de la Chine (à plus de 2200 kilomètres de Wuhan).

L’étude montrait que ce virus hybride se transmettait « très facilement entre deux cochons d’Inde, via les voies respiratoires », « par un simple éternuement, par exemple ». Les chercheurs en ont déduit qu’il suffisait au virus H5N1 (celui qui, justement, ne passait que des oiseaux à l’homme) d’une petite mutation pour devenir transmissible entre mammifères. De quoi inquiéter : le virus H5N1 est bien plus mortel que le virus H1N1. Les résultats de ces travaux, d’abord mentionnés en mai 2013 dans la revue Nature, ont été diffusés quelques semaines plus tard dans la revue Science.

Quel a été l’impact de cette étude ?

Une polémique a émergé avec d’autres scientifiques, notamment à l’Institut Pasteur en France et à l’Université Queen Mary de Londres, qui jugeaient que l’étude n’apprenait rien de nouveau, et que les risques pris étaient donc inutiles au vu du résultat. Une erreur de manipulation, une fuite, une mauvaise intention et un virus de ce genre pouvait aisément « contaminer les gens, et provoquer entre 100 000 et 100 millions de morts », estimait alors le chercheur Simon Wain Hobson, de l’Institut Pasteur.

Mais son collègue Jean-Claude Manuguerra le rappelait dans nos colonnes : le risque de fuite restait minime, puisque des protocoles de sécurité encadraient ces recherches, comme pour toutes les autres.

À la suite de la polémique, la plupart de ces chercheurs chinois ont continué à travailler sur d’autres virus et d’autres animaux, sans forcément travailler avec des virus réassortis. L’un d’entre eux a notamment étudié la propagation du virus H7N9 par des gouttelettes entre des furets, et les bénéfices des vaccins contre le virus H7N9 sur les mammifères.

Est-il courant de créer des virus ?

Oui, mais cela reste très encadré par de multiples protocoles de sécurité. Ce qu’il faut noter, c’est que la création du virus hybride H1N1-H5N1 s’est inscrite dans un contexte où la création en laboratoire de virus mortels et contagieux, surnommés les « Frankenvirus », faisait débat.

Avant ce virus hybride, deux équipes de chercheurs, une aux Pays-Bas et une aux Etats-Unis, avaient fait muter le virus H5N1 et l’avaient testé sur des furets, afin d’évaluer sa transmissibilité entre mammifères. L’initiative a tellement inquiété les autorités qu’elles leur avaient imposé, temporairement, un moratoire, raconte Le Monde.

De nombreux chercheurs contestent fréquemment ce procédé, tandis que d’autres continuent à travailler dessus encore aujourd’hui. C’est le cas de Ron Fouchier et Yoshihiro Kawaoka, les fameux chefs des deux équipes néerlandaises et américaines, selon la radio américaine NPR.


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