Le nouveau coronavirus mute sans cesse. Cette réalité peut faire peur, mais à ce stade, ses mutations n'ont modifié ni sa contagiosité ni sa virulence, estiment la plupart des experts, malgré des publications évoquant l'émergence de souches plus agressives.
Dans une étude non validée par d'autres scientifiques et mise en ligne la semaine dernière, une équipe du Laboratoire national de Los Alamos (Etats-Unis) s'est penchée sur les diverses mutations d'une des protéines du virus, qui permet son entrée dans les cellules.
Selon eux, leurs résultats révèlent "l'émergence d'une forme plus transmissible" du nouveau coronavirus. Cette variante porteuse d'une mutation spécifique de cette protéine S aurait commencé à se répandre en Europe début février et "remplace la forme originelle de Wuhan rapidement" à travers le globe, écrivent-ils.
Spéculations sur l’émergence de souches plus agressives
Cette étude, qui a été relayée dans les médias, a été mise en cause par de nombreux scientifiques. Certains ont noté que cette théorie n'avait pas été testée in vitro pour vérifier cette possible contagiosité plus importante, d'autres ont mis en avant l'influence du hasard.
"Cette variante a peut-être eu de la chance en étant introduite très tôt dans des lieux hors de Wuhan avec des approches différentes en manière de distanciation sociale", a noté sur Twitter William Hanage, épidémiologiste à la Harvard School of Public Health. "Ça ne concerne pas le virus, c'est l'environnement et les opportunités de transmission".
Un grand nombre de spécialistes semblent ainsi s'accorder sur le fait que rien ne prouve à ce stade une évolution majeure du virus. "Les spéculations vont bon train sur la possible émergence de souches plus agressives du Sars-Cov-2", a commenté le Pr Lawrence Young, de l'université britannique de Warwick.
A chaque réplication, des erreurs se produisent dans la copie du génome du virus. Certaines de ces mutations persistent, permettant aux experts de traquer la progression du virus dans le temps et l'espace, en étudiant les plus de 15.000 génomes du Sars-Cov-2 séquencés jusqu'ici.
"Surinterprétation”
Mais ce virus "ne mute pas à un rythme élevé, contrairement à d'autres virus à ARN comme le VIH, (...) et il n'y a actuellement pas de preuve convaincante que ces mutations aient un impact important sur la façon dont le virus nous affecte", a insisté le Pr Young. Une autre étude, publiée dans la revue Virus Evolution il y a quelques jours, remet également en cause des annonces faites en mars par des chercheurs chinois sur l'existence de deux souches du virus, dont l'une plus virulente et plus contagieuse.
L'équipe de l'université de Glasgow assure ainsi qu'il n'existe "aucune preuve de types distincts dans l'évolution du Sars-Cov-2", et met en garde contre la "surinterprétation des données génomiques en période de pandémie". Malgré tout, ce type d'analyse devra "être répété au fur et à mesure que l'infection progresse", a commenté le Pr George Griffin, de l'Université Saint-George de Londres. Le fait qu'aucune mutation adaptative n'ait été prouvée jusque-là n'exclut pas qu'elle se produise un jour.
“Pas de tendance vers une version 2 du virus”
"Séquencer plus de génomes (du virus) nous aidera à mieux comprendre sa propagation et à déterminer si les quelques changements mineurs observés sont importants dans son comportement, et comment nous pouvons développer des vaccins efficaces", a renchéri le Pr Young.
La question des mutations du virus est en effet cruciale dans le cadre des recherches lancées sur des vaccins, l'efficacité de certains pouvant être mise à mal par une évolution du virus. Mais malgré les mutations constantes, "la traque du virus n'indique pas pour l'instant de tendance vers une version 2 du virus", a assuré il y a quelques jours Ian Jones, professeur de virologie à l'université de Reading.
"Plutôt que d'être distraits par ces potentiels mutants, nous devrions rester concentrés sur la détection et le traitement du virus tel qu'il est maintenant", a-t-il plaidé. "A nos dépens, le virus se débrouille déjà assez bien pour coloniser la population humaine, je ne vois pas ce qui le pousserait à devenir plus méchant de sitôt", selon lui.
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