« Mes relations avec le Sénégal sont vieilles. Vous savez au Tchad il y a une très ancienne communauté sénégalaise dans ce pays. Sénégalais qui sont venus à l’époque coloniale, qui sont restés et puis se sont mariés et ont eu des enfants. Leurs enfants ont eu des enfants leurs petits enfants ont eu des enfants. Certains ne connaissent pas le Sénégal. D’ailleurs beaucoup ne connaissent pas le Sénégal. Et parmi les enfants d’origine sénégalaise, certains ont assumé des responsabilités particulièrement importantes dans le Tchad avant l’indépendance et après l’indépendance et aujourd’hui encore. Dieu a fait que moi-même personnellement, mon père avait un ami. Il s’appelait Bachir Sow, d’origine sénégalaise. C’est une famille très connue au Tchad. Et donc, nous sommes devenus une famille. La famille Bachir Sow et la famille Habré, à tel point qu’un de mes fils porte le nom Bachir. C’est une famille originaire de Louga. La souche ancienne familiale de Bachir est toujours à Louga. Et ce monsieur Bachir Sow, il est mort maintenant, fut directeur de cabinet du gouverneur Robé à l’époque coloniale à Fort Lami. Par la suite, il a été ministre et ensuite maire de Fort Lami, actuel N’Djamena, la capitale du Tchad. Aujourd’hui ses enfants et ses petits enfants sont en relation étroite avec nous. Souvent, ils viennent ici. D’autres sont au Tchad et certains en France.
Et mes relations avec les Sénégalais ont continué quand j’étais en France comme étudiant. Et ensuite, quand j’étais rebelle ou révolutionnaire (cela va de soi), j’ai continué mes relations avec le Sénégal quand la Libye a occupé le nord du Tchad ».
« Ce n’est pas par hasard que je suis ici au Sénégal… »
« En Afrique, un certain nombre de chefs d’états m’ont aidé dans ma lutte contre l’invasion libyenne. A l’époque tout le monde avait peur de Kadhafi, parce que c’était un homme qui a énormément de ressources. Il était très riche. Il pouvait déstabiliser à droite à gauche les pays africains les plus faibles. D’ailleurs il a essayé de déstabiliser le Sénégal aussi. Et les présidents qui m’ont vraiment aidé, c’était Houphouët et Senghor, mais particulier Senghor, quand les Libyens nous ont chassés de Ndjamena lors de la bataille de 1980. Parce qu’en fait il y a eu ce qu’on appelle la guerre de Ndjamena qui a duré 9 mois. Nous avions pratiquement vaincu nos adversaires locaux les Goukouni Weddeye et autres. Mais Goukouni a fait appel aux Libyens qui étaient venus massivement à son secours. C‘était près de 10 000 éléments de l’armée libyenne qui se sont déversés sur le Tchad en particulier à Ndiamèna. Donc nous avons fait ce qu’on appelle un retrait tactique. Nous avons quitté Ndiamèna pour aller en province. On leur a laissé Ndiamèna. Et c’est à cette époque que je suis venu au Sénégal. C’était encore Senghor qui était là. Et j’étais venu avec ma délégation. Nous nous sommes installes à la résidence de Médina (NDLR : actuel Douta Seck.).
Le lendemain de notre arrivée, le Président Senghor (que Dieu l’accueille dans son paradis) m’a reçu à 8 heures du matin. J’étais étonné. Je ne savais pas qu’il était aussi matinal. Parce que Senghor, je ne le connaissais qu’à travers les livres, la radio et quand j’étais étudiant, mais pas physiquement. Pour moi, c’était un grand homme, je m’attendais à une situation protocolaire. Mais j’ai trouvé un homme humble, comme un homme ordinaire. Il m’a reçu aimablement, m’a mis à l’aise et nous avons discuté. Et il m’a dit ceci « le Sénégal est un petit pays pauvre. Mais le Sénégal, moi-même nous avons des principes. Nous avons des valeurs morales, éthiques. Le Sénégal n’accepte pas, n’acceptera jamais et combattra l’agression libyenne contre le Tchad. Nous accepterons pas l’occupation libyenne ». Parce qu’à l’époque la Libye occupait tout le nord du Tchad. « Le Sénégal va vous aider. Ni par l’argent ni par des armes, mais nous avons des amis. Le Sénégal va vous ouvrir des portes. Nos amis ont les moyens de vous aider ». Effectivement, Senghor nous a ouverts des portes. Je ne vais pas vous citer ces pays. Mais nous avons reçu de l’argent et des armes et nous avons poursuivi la révolution jusqu’à Ndiamèna en 1982 ».
« J’avais également des relations avec tous les chefs religieux… »
Moustapha Niasse, il est là. Il est vivant, alors ministre des affaires étrangères, a défendu la cause du Tchad bec et ongles, parce que c’est un homme qui parle bien. Il était respecté sur le plan international. Il était pratiquement le ministre des affaires étrangères du Tchad. Tout ça pour vous dire avant même mon arrivée, j’avais des liens très étroits avec le Sénégal. J’avais également des relations avec tous les chefs religieux, la confrérie Tidjanya, Niassène, la famille Tall, la famille de Sergine Touba. Je recevais beaucoup de leurs représentants quand j’étais président à Ndiamèna. Et donc feu Abdoul Aziz Sy Dabakh, c’est mon père pratiquement. Et ce n’est pas par hasard que je suis ici au Sénégal. L’Egypte, le roi Hassan 2 et d’autres pays m’ont spontanément offert l’asile politique. Mais j’ai choisi le Sénégal. Parce que moi, je suis musulman. Je connais le monde arabe. J’ai beaucoup d’amis parmi les Arabes. Je connais presque tous les pays arabes. Mais comme on dit, « on est bien que chez soi ». Et Dieu merci, le président Diouf m’a bien accueilli, je suis chez moi. Les traditions sénégalaises et les traditions tchadiennes sont pareilles. Leurs modes vie sont pareils. Les traditions se ressemblent. Donc on est un peu comme le poisson dans l’eau. Et au Sénégal, je suis en plein milieu de la communauté lébou. Je suis dans ma famille, ma famille est ‘’lébou’’ ».
« J’ai dit au président Diouf que je suis sûr et certain qu’un jour la Libye et la France vous demanderont la tête d’Hissène Habré »
« Quand je suis arrivé, le président et son épouse m’ont rendu une visite d’amitié et de solidarité. Et j’ai dit au Président Diouf que le Sénégal en tant que Etat a des relations internationales, a une politique extérieure, a des intérêts légitimes sur le plan diplomatique. Je ne voudrais pas en quoi que ce soit être un gène pour le Sénégal. Je ferai tout pour ne pas me mêler des affaires politiques du Sénégal. D’ailleurs moi, je n’ai jamais été un politicien de salon. Donc je m’interdirai de faire de l’agitation, des déclarations. Je respecterai les engagements qu’exige mon statut de réfugié politique. Et je lui ai dit j’ai des amis mais j’ai beaucoup d’ennemis. J’ai fait la guerre pendant près de 8 ans et demi, en tant que chef d’Etat et avant d’être chef d’Etat, en tant que révolutionnaire. Et j’ai dit au président Diouf que je suis sur et certains un jour, la Libye et la France vous demanderont la tête d’Hissène Habré. Diouf a dit : « je sais, je sais, je sais, ne vous en faites pas. Je connais l’histoire du Tchad. Même si je ne la connais pas autant que vous ».
Malheureusement il est arrivé ce que je savais. Mais pendant longtemps le président Diouf a résisté contre les agressions de Kadhafi. Kadhafi l’a harcelé, Diouf a dit non. Il demandé à Diouf de remettre Hissène Habré à la Libye. Quand Kadhafi a échoué avec Diouf, il a continué en déclenchant cette poursuite judiciaire. Disant que j’ai tué 40 000 personnes, machin !!! machin !!! Comment pourrai-je faire une chose pareille dans mon pays ? »
« Toute cette affaire, c’est la Libye et la France qui sont derrière ».
« Cette histoire, c’est celui qui m’a remplacé Idriss Deby qui a fait écrire un rapport. Et lui-même quant il a pris le pouvoir, son souhait était qu’Hissène Habré parte le plus loin possible. Mais il n’avait aucune intention de me poursuivre en justice. Nous avons fait lors de cette guerre, plus d’un millier de prisonniers libyens. Quand je suis parti, tous étaient vivants. Les chefs ne voulaient pas retourner en Libye, ils se sont tous réfugiés aux USA. Ce n’est qu’après, quand ils ont décidé de me poursuivre en justice qu’ils ont demandé à Idriss Deby,, de faire ce rapport disant que j’ai tué 40 000 personnes. Toute cette affaire, c’est la Libye et la France qui sont derrière. Tous ces Tchadiens qui crient sont des gens qui ont reçu de l’argent pour crier. Pour dire que toute cette affaire a été montée, c’est une machine politique financière parce qu’il y a beaucoup d’argent dans cette affaire. Et on veut régler des comptes. Les gens qui n’ont pas pu avoir le pétrole du Tchad, les gens avec qui j’ai eu énormément de problèmes : les Français, les Libyens. La justice sénégalaise a réglé trois fois l’affaire, une première fois devant la Cour d’appel, une autre fois à la Cour de Cassation et une troisième fois devant la Cour des justice. Trois jugements qui m’ont donné raison. L’affaire est morte. Elle est réglée. On a pris l’affaire pour aller à l’UA (NDLR : Union africaine). On n’a jamais vu une chose pareille. Est ce que chaque fois que la justice sénégalaise règle une affaire, on va voir l’UA ? Maintenant c’est la cour de la CEDEAO qui a pris l’affaire et qui par la suite m’a donné raison. Malgré cela, la France, la Belgique la Libye ont décidé d’apporter de l’argent pour me juger. Voilà aujourd’hui où nous en sommes depuis dix ans, six (6) jugements et ça continue. Je n’aime pas que cette affaire soit politisée. Je suis un membre de la famille lébou et en tant que membre de la famille vous avez le droit de dire stop.
12 Commentaires
Boy Bou Rew
En Décembre, 2010 (10:40 AM)B52
En Décembre, 2010 (10:47 AM)Diego
En Décembre, 2010 (10:48 AM)Lebouc
En Décembre, 2010 (11:03 AM)Sapsaf
En Décembre, 2010 (11:12 AM)Hbake
En Décembre, 2010 (11:24 AM)Lou takh lolou way ?
Seyni Mbaye
En Décembre, 2010 (11:42 AM)Mamediara
En Décembre, 2010 (12:06 PM)Kos
En Décembre, 2010 (12:12 PM)Les belges qui ont assassiné Lumumba Patrice n'ont rien à dire ainsi que les occidentaux comme la france, l'amérique et même Israel
Ibou Diene
En Décembre, 2010 (14:34 PM)Kentucky
En Décembre, 2010 (20:38 PM)Monty
En Décembre, 2010 (18:26 PM)Participer à la Discussion