Mohammad-Reza Djalili : « Le régime iranien a peur de l’ombre de l’ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani »

RFI : L’ayatollah Rafsandjani est exclu de la course à la présidentielle, lui qui a été président de 1989 à 1997. Est-ce que l’on peut dire qu’il a fait les frais de son soutien aux manifestants qui en 2009 contestaient la réélection de Mahmoud Ahmadinejad ?

Mohammad-Reza Djalili  : Très probablement, c’est la raison fondamentale. Mais en 2005, il était déjà candidat à l’élection et il l’avait perdue face à Ahmadinejad. Et déjà à ce moment-là, il se plaignait d’une élection pas très honnête. Cette fois, on ne le laisse même pas participer. C’est un évènement extrêmement important parce que cela prouve à la fois la force du régime islamique et sa faiblesse ; sa force parce qu’il montre qu’il est capable de renvoyer un des fondateurs de la République islamique, véritablement l’homme fort du régime pendant des années ; et sa faiblesse car il a peur qu’un homme comme Rafsandjani, qui fait quand même partie du sérail, arrive au pouvoir et qu’il ne soit pas à 100% sur la ligne du Guide. Cela prouve aussi que ce régime a peur de son ombre, ombre qu’était monsieur Rafsandjani.

Akbar Hachémi Rafsandjani est l’un des piliers du régime. Quel est son poids actuel ? On sait qu’il commence à être âgé également...

Il est âgé, il a 78 ans. Son poids s’est réduit depuis 2009 bien sûr. On lui a fait toutes les misères possibles. De plus, on a arrêté ses deux enfants, sa fille et son fils. Sa fille est même restée six mois en prison. Il est sous surveillance totale. Ils vont essayer de le marginaliser le plus possible pour le temps qu’il lui reste à vivre.

Justement, Rafsandjani et Ali Khamenei, le Guide suprême iranien, sont à la fois amis et rivaux. De quoi pouvait avoir peur ce dernier en prenant cette décision d’écarter Rafsandjani ?

J’ai l’impression qu’il pouvait avoir peur des réactions, des réseaux qu’entretient Rafsandjani à travers le pays, des alliés qu’il a dans le milieu clérical mais surtout dans le milieu commerçant, le bazar de Téhéran, etc. Mais le régime n’a pas hésité. Il préfère avoir des problèmes avec ces gens-là qu’avoir quelqu’un pendant quatre ans ou huit ans à la présidence qui ne soit pas sur la même longueur d’onde que monsieur Khamenei.

Cela veut dire que l’on pourrait se diriger vers un conflit ouvert au sein des religieux ?

Ce sera évidemment, comme à l’habitude, étouffé le plus possible. Il faut aussi savoir, étant donné que monsieur Rafsandjani est lui-même du sérail, qu’il n’y a pas non plus foule dans l’opinion publique iranienne derrière lui. Il avait la possibilité d’avoir le soutien des réformateurs qui ont été complètement éliminés de ces élections, mais je ne pense pas que les gens vont descendre dans la rue pour défendre Rafsandjani.

Le fait qu’il renonce à faire appel - on l’a appris ce matin -, c’est un bon ou un mauvais signe ?

C’est un signe comme quoi il se montre soumis aux règles. Il est l’un des fondateurs de ce système et il ne veut pas mettre en cause ce régime. En Iran, que ce soient les réformateurs ou les pragmatiques comme Rafsandjani, ce sont des gens qui sont à l’intérieur du système, ils ne veulent pas mettre en danger le système.

Un autre nom manque à l’appel, celui d’Esfandiar Rahim Mashaïe. Lui est un proche de Mahmoud Ahmadinejad. Que doit-on comprendre ?

C’est que monsieur Ahmadinejad est de plus en plus marginalisé et qu’il avait essayé à travers la candidature de Mashaïe de garder quelques soutiens au sein du pouvoir. Il a peur par rapport à son avenir et il ne sait pas ce qu’on lui réserve. Est-ce qu’on lui donnera un strapontin dans une des institutions de la République islamiste ou est-ce qu’il sera relégué dans les oubliettes de l’Histoire ?

686 candidats potentiels. Qu’est-ce que cela signifie que de n’en garder que huit ?

Cela signifie que ce ne sont pas les 77 millions d’Iraniens qui désignent le président, mais les 12 membres du Conseil des gardiens dont la moitié sont directement nommés par le Guide et l’autre moitié indirectement par ce même Guide. En un mot, en République islamique, les citoyens votent mais c’est Dieu qui décide.

Sans le dire ouvertement, les Etats-Unis contestent ces décisions. C’est aussi une façon pour le régime de montrer que quoi qu’il arrive, c’est bien lui qui garde la main ?

Oui et le régime doit se référer à ce soutien du bout des lèvres des Etats-Unis pour accuser Rafsandjani comme Mashaïe d’être liés aux Américains, aux étrangers. Ce qui est le discours généralement à développer au sein du régime quand il s’agit de quelqu’un qu’on veut éliminer.

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