Dakar, 6 mars (APS) - Le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Jacques Diouf, a déploré le ''manque d'anticipation et de solidarité'' des Etats dans la gestion de la grippe aviaire.
''Ce sont surtout les Etats qui ont péché par manque d'anticipation et de solidarité. On est incapable de tirer les leçons du passé'', a dit M. Diouf dans un entretien publié lundi par le quotidien français Libération.
''La crise aviaire a vraiment commencé en décembre 2003'', a-t-il rappelé avant d'ajouter que ''dès février 2004, la FAO a injecté 5,5 millions de dollars (...) sur ses fonds propres pour tenter d'aider la Thaïlande, le Vietnam et la Chine''.
Il a relevé qu'à cette époque, la FAO avait ''tous les atouts'' en main. ''On pouvait éliminer rapidement la volaille contaminée, discuter du choix de vacciner ou non, mettre en place des centres de référence, renforcer les services vétérinaires...''
Selon Jacques Diouf, les pays développés ont pensé que cela se passait en Asie, que tout cela était très loin et que l'on exagérait les risques d'épidémie.
''Mais le virus est passé des poulets aux oiseaux sauvages, puis aux migrateurs, et la grippe aviaire s'est retrouvée au Kazakhstan, en Russie. Très vite, on a dégagé 2 millions de dollars pour le Moyen-Orient et l'Afrique, afin de sensibiliser les autorités politiques'', a-t-il ajouté.
Il a ajouté qu'à Pékin, la FAO a demandé 1,2 milliard de dollars et n'a reçu à ce jour que 16 millions de dollars.
A la question de savoir si la FAO n'est pas prise de court par ces crises désormais planétaires, M. Diouf a rappelé que dès 1994, l'organisation a mis en branle un programme de lutte préventive contre les prédateurs, les maladies transfrontalières, avec un système de détection rapide, la mise en réseau de centres spécialisés, etc.
''Ça a marché, mais on n'en a pas parlé. Depuis 2000, on fait face à l'invasion acridienne au Soudan, la fièvre porcine africaine, la fièvre de la vallée du Rift (des moutons et des boeufs)... Mais quand les criquets ont envahi la Mauritanie, les fonds ont cruellement manqué. Cette invasion a été terrible''.
Le directeur général de la FAO estime que pour lutter contre la diffusion du H5N1, la forme la plus pathogène du virus de la grippe, il faut ''renforcer les services vétérinaires dans les pays les plus démunis, multiplier le développement de labos de détection, travailler sur des vaccins plus simples à administrer et moins coûteux, assurer une surveillance des points d'eau et des zones de transit des oiseaux migrateurs''.
Jacques Diouf préconise aussi l'indemnisation des paysans les plus pauvres, la sensibilisation des médias pour qu'ils informent précisément sur les risques.
Estimant que la grippe aviaire est ''en partie'' la crise de la mondialisation, Jacques Diouf a souligné: ''elle (la grippe aviaire) montre que derrière le discours sur le village global et planétaire, les réflexes nationaux l'emportent, l'égoïsme règne et la gouvernance mondiale fondée sur la solidarité tient du rêve''.
Il s'est dit ''inquiet'' pour les pays les plus pauvres où le poulet est souvent la seule source de protéines, ajoutant que ''si les tendances se maintiennent, le nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ne diminuera de 50 % qu'en 2150 et non en 2015, comme les objectifs du millénaire de l'ONU l'avaient fixé''.
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