![]() Des soldats se dirigent vers le palais présidentiel à Islamabad après l'instauration de l'état d'urgence, le 3 novembre 2007 © AFP |
ISLAMABAD (AFP) - Le président pakistanais Pervez Musharraf a imposé samedi l'état d'urgence alors que la Cour suprême devait se prononcer sur la légalité de sa réélection début octobre et que le pays fait face à une grave insurrection islamiste.
L'ordre présidentiel instaurant l'état d'urgence, dont l'AFP a obtenu une copie, affirme qu'une partie du pouvoir judiciaire "interfère" avec l'exécutif.
Le gouvernement a d'ailleurs nommé un nouveau président pour la Cour suprême. Le juge Iftikhar Mohammed Chaudhry, épine au flanc du président Musharraf dont il n'a cessé de contrarier les desseins, a été remplacé par Hameed Dogar.
Le juge Chaudhry avait été suspendu en mars par le chef de l'Etat pour de présumés abus de pouvoir, mais il avait été rétabli en juillet après d'imposantes manifestations de soutien dans tout le pays.
La Cour suprême devait rendre dans les prochains jours sa décision sur la validité de la réélection de M. Musharraf à la présidentielle du 6 octobre.
![]() Capture d'écran montrant Pervez Musharraf (G), le 3 novembre 2007 © AFP ho |
Immédiatement, la police et l'armée ont encerclé le siège de la plus haute juridiction du pays à Islamabad.
"Certains membres de l'institution judiciaire travaillent à l'encontre des pouvoirs exécutifs et législatifs dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme, affaiblissant par là-même le gouvernement et la détermination de la nation, et amoindrissant l'efficacité de son action pour juguler cette menace", estime l'ordre présidentiel.
La constitution a par ailleurs été suspendue, mais le Parlement et les assemblées provinciales continueront de fonctionner.
Le général Musharraf a prévu de s'adresser à la nation samedi soir, a dit un de ses conseillers.
Les Etats-Unis, qui ont fait du général Musharraf leur allié clé dans leur guerre contre le terrorisme, ont jugé "très décevante" l'instauration de l'état d'urgence, selon la Maison Blanche.
L'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, qui négociait avec M. Musharraf pour un partage du pouvoir et qui était rentrée d'exil le 18 octobre, avant de repartir jeudi, est finalement revenue samedi à Karachi (sud) en provenance de Dubaï, a déclaré à l'AFP son porte-parole à Londres.
Un autre Premier ministre en exil, Nawaz Sharif, a réclamé la démission de son ennemi Musharraf. L'opposant Imran Khan a pour sa part dénoncé un acte de "haute trahison punissable", selon lui de "la peine de mort".
Toutes les communications téléphoniques mobiles et terrestres ont été coupées et les retransmissions de certaines télévisions privées ont été interrompues.
Des rumeurs faisaient état depuis plusieurs jours d'une possible proclamation de mesures d'exception en cas d'invalidation de la candidature du général Musharraf à l'élection présidentielle. Son mandat s'achève officiellement le 15 novembre.
L'était d'urgence se justifie aussi, selon l'ordre présidentiel, par "une augmentation notable des actions d'extrémistes et des incidents liés à des attentats terroristes".
![]() Bénazir Bhutto à Karachi, le 31 octobre 2007 © AFP Rizwan Tabassum |
L'armée pakistanaise se bat depuis des années contre des combattants islamistes proches des talibans et d'Al-Qaïda dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan et affronte des extrémistes dans une région jadis touristique du nord-ouest du pays.
Surtout, depuis juillet, le Pakistan a été ensanglanté par une vingtaine d'attentats suicide, ayant tué 420 personnes, perpétrés par des islamistes ou attribués à cette mouvance radicale.
La pire attaque suicide de l'histoire du pays a frappé Karachi le 18 octobre, tuant 139 personnes, le jour du retour d'exil de Mme Bhutto.
L'instauration de l'état d'urgence compromet les législatives de janvier 2008. Ce scrutin était considéré comme une étape importante pour le retour de la démocratie au Pakistan, puissance nucléaire de 160 millions de musulmans dirigée par M. Musharraf depuis son coup d'Etat en 1999.
L'état d'urgence met également à mal les pourparlers engagés pour le partage du pouvoir. Washington et Londres soutenaient ce processus qui devait voir le général Musharraf devenir un président civil après avoir renoncé à son mandat de chef des armées et Mme Bhutto diriger le gouvernement.
0 Commentaires
Participer à la Discussion