L'épidémie de coronavirus fait souffler un vent de panique chez les pays producteurs de pétrole particulièrement dépendants de la croissance économique chinoise. Depuis lundi, les membres de l’Opep et leur allié russe sont réunis en urgence à Vienne pour trouver des solutions à la crise.
La Chine éternue (du Coronavirus) et c’est le monde arabe qui s’enrhume. Du moins les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses partenaires. Depuis que la Chine est touchée par l’épidémie du coronavirus qui a entraîné la mort d’au moins 560 malades en Chine sur les 28 000 personnes infectées dans le monde, les pays exportateurs de pétrole font grise mine.
Les mesures de confinement mises en place par Pékin, notamment sur la limitation des transports aériens, routiers et fluviaux, ont considérablement fait baisser les importations de pétrole. "Or la Chine, ce n’est pas le Liechtenstein, explique à France 24 Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des problématiques énergétiques. Pékin est un acteur clé du marché pétrolier : il est le premier importateur et deuxième consommateur de pétrole au monde."
Deux stratégies en tension
L'arrivée du virus juste avant les congés du Nouvel An lunaire en Chine "n'a fait que renforcer ce phénomène" puisque la population chinoise a l'habitude de se déplacer pendant cette période, explique Michal Meidan, directrice du programme Chine pour l'institut d'études sur l'Énergie de l'université d'Oxford.
Conséquence, les cours du pétrole ont baissé de 20 % en un mois. Pour tenter de trouver une solution à la crise, le comité technique de l'Opep et son allié russe sont réunis en urgence depuis lundi, à Vienne. Initialement prévue les 3 et 4 février, les discussions ont été prolongées jusqu’au 6 février. "Et peut-être au-delà, prévient Francis Perrin. Preuve que le sujet est sensible et que les membres de l’organisation ne sont pas d’accord sur la stratégie à suivre."
Effectivement, deux stratégies s’affrontent au sein du comité technique de Vienne. D’un côté, les partisans d’une baisse de la production pensent, comme l’Arabie saoudite, qu’en diminuant l’offre, on pourra augmenter le prix du baril et ainsi se maintenir à l’équilibre. De l'autre, ceux qui, comme la Russie, refusent d’acter une nouvelle baisse. Il faut dire que la production a déjà diminué de 15 % depuis le 1er janvier.
Le boum du pétrole de schiste américain
À l’issue du troisième jour de la réunion extraordinaire, l'Arabie saoudite et la Russie, premier et deuxième fournisseur d'or noir à Pékin, n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente. Concrètement, l'Arabie saoudite a plaidé pour une réduction supplémentaire de 800 000 à un million de barils par jour, et a proposé une solution de compromis de 600 000 barils par jour. Proposition rejetée en bloc par Moscou, qui voit dans cette mesure un affolement général prématuré. "Les compagnies pétrolières russes, très puissantes dans le paysage économique russe, maintiennent la pression sur Moscou pour ne pas réduire davantage leur production, explique Francis Perrin. Elles craignent que la réduction de la production affaiblisse l’économie russe et ne profite, in fine, qu’aux États-Unis, premier producteur de pétrole non-conventionnel [pétrole de schiste, NDLR] au monde."
Les 14 membres de l'Opep qui ont scellé une alliance avec dix partenaires, dont la Russie, ne sont d’accord que sur un point : prolonger les négociations, sans en préciser le format, a rapporté le Wall Street Journal. Les ministres de l'Énergie algérien, Mohamed Arkab, et russe, Alexandre Novak, ont d’ores et déjà évoqué le possible avancement de la prochaine réunion des ministres de l'Opep+ (membres de l'Opep et alliés) prévue les 5 et 6 mars prochains.
En attendant, les Américains se frottent les mains. Depuis 2008, les cours du pétrole restent largement dictés par l’évolution aux États-Unis, de la production d’huile de schiste, qui n’a cessé de monter ces dernières années. Et l’accord dit de "phase 1" passé entre Washington et Pékin mi-janvier ne devrait pas arranger les affaires de l’Opep : la Chine s'est engagée à acheter pour 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires au cours des deux prochaines années. "Cet accord comprend des produits agricoles mais pas seulement. Il est fort probable que la Chine réduise ses achats pétroliers avec l’Opep et préfère le pétrole américain pour atteindre une telle somme", estime Francis Perrin.
L’Opep contaminé
Est-ce à dire que les pays de l’Opep doivent remettre en question leur modèle économique, principalement basé sur le pétrole ? "Pas dans l’immédiat", estime Francis Perrin. Les pays de l’organisation ont dejà fait face à d’autres crises dans le passé, notamment entre juillet 2014 et février 2016 où le pétrole avait subi une chute de plus de 65 %. La Chine a déjà connu pareille situation avec le virus du Sras en 2002-2003, rappelle le professeur. Cependant, cette épidémie avait fait moins de victimes (349 morts) que l'actuel coronavirus. En outre, depuis 2003, la part de l’économie chinoise a triplé dans l’économie mondiale.
Et les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules. Une étude, publiée jeudi 6 février par le Fonds monétaire international (FMI), avertit que les pays arabes du Golfe, dépendants du pétrole, vont devoir engager des réformes profondes sous peine de voir leurs richesses s'épuiser d'ici 15 ans. Dans son rapport, le FMI conclut qu’"avec la situation budgétaire actuelle, la richesse de la région pourrait s'épuiser d'ici 2034."
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