Plusieurs organisations féministes appellent à la grève, mercredi, en Pologne, après l’interdiction quasi-totale de l’avortement par le Tribunal constitutionnel. Mobilisées depuis plus de six jours, les Polonaises contestent la légalité de cette décision.
"C'est la guerre !" Le slogan martial des manifestantes polonaises qui battent le pavé depuis six jours traduit la colère et l'ébullition des esprits face à la quasi interdiction des interruptions volontaires de grossesse (IVG) par le Tribunal constitutionnel polonais, le 22 octobre dernier. Un appel à la grève générale a justement été lancé pour le mercredi 28 octobre afin de bloquer le pays et amplifier le mouvement de contestation.
"On ne sait pas comment ça va être suivi, toute l'organisation se met en place de manière très spontanée. Mais on sent clairement un soutien grandissant de la société polonaise, avec en particulier la mobilisation de jeunes qui n'étaient pas descendus dans la rue par le passé", confie à France 24 Joanna Lasserre, présidente de l'Association de défense de la démocratie en Pologne (ADDP), une organisation créée à Paris, début 2016.
De fait, la mobilisation n'a fait que s'étendre depuis la décision controversée du Tribunal constitutionnel. Lundi, des dizaines de milliers de manifestants ont ainsi tenté d'organiser des blocages dans plusieurs villes polonaises. Dimanche, c'étaient les églises qui étaient la cible des protestataires, avec des slogans anti-cléricaux dénonçant le rôle du clergé polonais dans cette décision de justice.
Illégitimité du Tribunal constitutionnel
La manière dont le Tribunal constitutionnel s'est imposé sur la question de l'IVG n'a fait que renforcer la colère des manifestantes.
"L'interdiction de l'IVG n'a pas pu passer par un vote démocratique au Parlement car chaque tentative se soldait par des mobilisations importantes des femmes. Cette décision a donc été renvoyée vers le Tribunal constitutionnel par l'éminence grise du pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, afin de se défausser de la responsabilité de cette décision", explique Joanna Lasserre.
La Pologne avait déjà l'une des lois les plus restrictives d'Europe en matière d'accès à l'avortement. Les femmes ne pouvaient accéder à l'IVG que dans trois cas : danger vital pour la mère, grossesse provoquée par un viol ou un inceste, et malformation du fœtus. C'est justement cette dernière possibilité - qui représente 98 % des avortements en Pologne - qui vient d'être interdite par le Tribunal constitutionnel, au motif qu'il s'agirait d'une pratique eugénique.
Ce jugement anti-IVG a d’ores et déjà relancé les accusations d'illégitimité à l'égard de cette institution. Le parti conservateur PiS avait partiellement purgé le Tribunal constitutionnel peu après son arrivée au pouvoir en 2015, en renvoyant des juges encore en exercice. Les réformes du système judiciaire polonais ont ensuite été épinglées par l'Union européenne, qui a déclenché, fin 2017, une procédure contre Varsovie pour non-respect des règles garantissant l'État de droit.
La légalité des décisions prises par cette institution est ouvertement remise en question par l'opposition. Pour les Polonaises, la quasi interdiction de l'IVG est une nouvelle étape dans le programme du PiS visant à restreindre les libertés des femmes.
"Le titre 'C'est la guerre' du livre de Klementyna Suchanow fait référence à la guerre qu'ont déclarée les fondamentalistes aux femmes. Ces groupes veulent ramener les femmes à un certain rôle qu'on ne peut pas accepter aujourd'hui en Europe", affirme Joanna Lasserre.
Les Polonaises attachées à la liberté de choix concernant l'avortement n'ont aucune intention de laisser retomber la pression. Le mouvement "La grève des Femmes" a déjà lancé un appel à toutes les manifestantes à converger sur Varsovie, vendredi 30 octobre, pour une grande marche.
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