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"Plaque du Peuple", demande de réformes : les manifestants thaïlandais bravent la monarchie

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Des manifestants thaïlandais installent une "plaque du Peuple" à Sanam Luang, une place royale proche du Grand Palais dans le centre de Bangkok
Les manifestations en Thaïlande débutées samedi se poursuivent dimanche avec des milliers de personnes présentes près de l'ancien palais royal à Bangkok pour défier la royauté.

Installation d'une "plaque du Peuple" pour dire que le pays n'appartient pas au roi, demande de réformes en profondeur de la monarchie : des milliers de manifestants rassemblés près de l'ancien palais royal à Bangkok, dimanche 20 septembre, défient la royauté, un sujet totalement tabou il y a encore un mois.

La manifestation a commencé samedi et réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la soirée. Elle se poursuit dimanche, conformément au souhait des organisateurs.

Il s'agit du plus grand rassemblement depuis le coup d'État de 2014 qui a placé au pouvoir l'actuel Premier ministre, Prayut Chan-O-Cha, légitimé depuis par des élections controversées. Au cœur des revendications : une Constitution plus démocratique, la dissolution du Parlement et la démission du chef du gouvernement. Une partie des contestataires va même plus loin et ose se confronter ouvertement à la monarchie depuis quelques semaines. Le ton s'est encore durci ce week-end.

Dimanche, des militants ont cimenté une plaque à Sanam Luang, une place royale proche du Grand Palais dans le centre de la capitale, devant plusieurs milliers d'opposants encore présents. "À cet endroit, le peuple a exprimé sa volonté : que ce pays appartient au peuple et n'est pas la propriété du monarque", est-il écrit. "La nation n'appartient à personne, mais à nous tous", a renchéri Parit Chiwarak, dit "Penguin", une des figures du mouvement. "À bas la féodalité !"

Le geste est très symbolique : une plaque, installée depuis des années dans le centre de Bangkok pour célébrer la fin de la monarchie absolue en 1932, a été retirée dans des conditions mystérieuses en 2017, peu après l'accession au trône de Maha Vajiralongkorn.

"Le peuple s'est déjà réveillé"

C'est "un défi immédiat" à la royauté, a relevé Paul Chambers, politologue à l'université thaïlandaise de Naresuan. "Le durcissement de la contestation pourrait conduire à une violence étatique à l'encontre des manifestants."

Les opposants se sont ensuite rendus près de l'influent Conseil privé, qui assiste le souverain dans ses fonctions. Une organisatrice a remis une lettre contenant leurs doléances au chef de la police royale, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"C'est une première victoire (...), le peuple s'est déjà réveillé", a estimé Napassorn Saengduean, un étudiant de 20 ans.

Sollicité, le Palais royal n'était pas disponible pour commenter.

Se confronter ouvertement à la monarchie est inédit en Thaïlande, où, en dépit des renversements successifs de régimes (12 coups d'État depuis 1932), la royauté, défendue par les élites et l'armée, restait jusqu'à présent intouchable.

"Notre objectif n'est pas de détruire la monarchie, mais de la moderniser"

Les demandes des contestataires sont audacieuses : ils réclament la non-ingérence du roi dans les affaires politiques, l'abrogation de la très sévère loi sur le délit de lèse-majesté et le retour des biens de la Couronne dans le giron de l'État, des revendications jugées inacceptables par le gouvernement.

"Notre objectif n'est pas de détruire la monarchie, mais de la moderniser", souligne Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung, autre figure du mouvement d'opposition.

Le souverain thaïlandais, bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, dispose d'une influence considérable qu'il exerce le plus souvent dans l’ombre. D’autant que Maha Vajiralongkorn, monté sur le trône en 2016 à la mort de son père, le vénéré roi Bhumibol, a renforcé les pouvoirs d'une monarchie déjà toute puissante en prenant notamment directement le contrôle de la fortune royale.

Un autre rassemblement est prévu jeudi devant le Parlement où les députés débattront de possibles changements constitutionnels. Les organisateurs appellent à une grève générale le 14 octobre.

"Cette manifestation n'était qu'une étape. Un éventuel processus de démocratisation prendra des années", avertit Sophie Boisseau du Rocher, spécialiste de la Thaïlande à l'Institut français des relations internationales.


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