PARIS (Reuters) - Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a prêté le flanc à de nouvelles critiques issues de la gauche comme de son propre camp après une opération médiatico-policière dans une cité de banlieue.
L'analyste Claude Fitoussi voit dans les débats surgis dans la presse et au sein de la police sur une communication "ultrasécuritaire", et plus largement dans les polémiques provoquées par les actions ou propos du président de l'UMP, le signe d'un "début d'usure".
"Depuis une semaine, je sens l'usure de quelqu'un qui s'occupe de tout. Il veut faire les deux à la fois, ministre et candidat à l'élection présidentielle", explique-t-il.
"Il risque de donner le sentiment de faire n'importe quoi, ainsi lorsque le ministre de l'Intérieur multiplie les visites à l'extérieur", ajoute-t-il, en allusion aux récents voyages de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis puis au Sénégal.
Selon Claude Fitoussi, l'entourage du président de l'UMP est conscient de ce problème et le presse de quitter plus tôt que prévu - théoriquement en janvier - le ministère de l'Intérieur.
Fin août, plusieurs proches de Nicolas Sarkozy lui avaient déjà conseillé de partir à l'automne pour ne pas s'aliéner le vote des jeunes et des minorités.
Manuel Aeschlimann, conseiller en communication du président de l'UMP, a estimé jeudi que l'on ne peut pas "jeter la pierre au ministre de l'Intérieur de vouloir aller jusqu'au bout de sa mission".
"Mais je persiste à penser qu'il est à la merci d'une éventuelle flambée de violence dans les banlieues" qui pourrait mettre à mal ses ambitions de candidat à la présidentielle de 2007, a-t-il dit à Reuters.
Manuel Aeschlimann avance également, d'un point de vue stratégique, "un problème de lisibilité et de clarté programmatique", les médias considérant toujours Nicolas Sarkozy comme le ministre de l'Intérieur au lieu de s'intéresser à son programme de quasi candidat.
François Fillon, un autre de ses proches, a rétorqué jeudi que tous ceux qui lui conseillaient de quitter le gouvernement, dont l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, ne lui rendaient pas forcément service.
"C'est à lui de répondre à cette question. Je pense que tous ses amis qui parlent pour lui de ce point de vue ne lui font pas un cadeau", a-t-il déclaré sur Europe 1.
"A DOUBLE TRANCHANT"
Pour une partie de la presse, le raid de policiers mercredi matin aux Mureaux (Yvelines) est peut-être l'opération de trop, même si le ministère de l'Intérieur ne semble pas à l'origine de sa surmédiatisation.
La plupart des syndicalistes de la police ont nié avoir informé la presse, mais certains ont reconnu à demi-mots l'avoir fait dans un but pédagogique sur l'action de la police dans les cités, au risque de faire échouer l'opération.
Néanmoins, ce raid avait été précédé d'une série d'interventions médiatisées, comme l'interview sur son lit d'hôpital d'un CRS agressé quelques jours plus tôt dans le département de l'Essonne.
Sous le titre le "Kärcher show", Libération estime qu'à vouloir "jouer au shérif", le ministre de l'Intérieur risque "d'exaspérer encore des tensions déjà très fortes dans de nombreux endroits et d'inquiéter toute une partie de l'opinion".
"Si Sarkozy n'a pas cherché à provoquer cet effet, il ne peut nier que cela lui profite. Et c'est pourquoi son maintien à un poste, qui est une véritable vitrine pour le candidat, devient de plus en plus contestable et même risqué pour lui. Car la confusion des rôles est une arme à double tranchant", écrit jeudi l'Indépendant du midi, cité par Nouvelobs.com.
Le Républicain Lorrain souligne que le Premier ministre, Dominique de Villepin , qui a donné le sentiment mercredi de se poser à nouveau en chef de la majorité, pense "qu'à jouer avec le feu, Nicolas Sarkozy va finir par se brûler les doigts".
Claude Fitoussi s'interroge sur la "tactique constante" de Nicolas Sarkozy, qui consiste à "créer sans arrêt une actualité différente" mais avec une "colonne vertébrale" autour du thème "je veille sur les Français".
"Il sait qu'une actualité chasse l'autre. Lorsqu'il est en difficulté sur un sujet, il crée une actualité sur un autre sujet, ça dissuade les journalistes d'approfondir la première question", estime-t-il.
"Moi, je prédis une baisse de Nicolas Sarkozy dans les sondages. Il va arriver la même chose d'ailleurs à Ségolène Royal", la présidentiable socialiste en tête des sondages.
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