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Justice

Se sentant marginalisés : Les magistrats sénégalais étalent leur mécontentement

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Se sentant marginalisés : Les magistrats sénégalais étalent leur mécontentement

Frustrés et se sentant marginalisés, les juges sénégalais ne sont vraiment pas contents. En effet, ces magistrats ne peuvent comprendre que nombre de leur compétences et pouvoirs soient aujourd’hui passés entre les mains des juridictions communautaires. Face au chef de l’Etat ce jeudi, lors de l’audience  solennelle des Cours et tribunaux, ils ont dit, dans les détails, les raisons de leur courroux.


 «Les juridictions nationales de cassation sont écartées»


 «Nous constations une émergence de juridictions communautaires qui s’ajoutent aux juridictions nationales et qui nous éloignent du modèle traditionnel d’un ordre judiciaire, rattaché à un Etat en vertu de sa souveraineté», fustige Mamadou Badio Camara, procureur général près la Cour suprême. «La Cour de Justice et d’arbitrage siégeant à Abidjan statue sur les recours en cassation contre les décisions des cours d’appel des Etats membres dans les matières entrant dans le domaine du droit des affaires par application des règles communes qualifiées actes uniformes. Dans ce système, les juridictions nationales de cassation sont écartées au profit de la Cour commune», décrie le magistrat au cours de la cérémonie dont le thème était «l'application des règles communautaires par le juge sénégalais».


Dessaisis des pourvois en cassation


Il explique que la Cour commune de justice et d'arbitrage d’Abidjan est aujourd’hui la seule juridiction communautaire à juger les recours en cassation en lieu et place des juridictions nationales. «Comment comprendre que les cours suprêmes nationales, juges du droit, et à ce titre chargés d’examiner la conformité au droit, des décisions des juges qui se sont prononcés en appliquant aux faits qui leurs ont été soumis les règles de droits applicables, soient dessaisis des pourvois en cassation au profit des juridictions communes», se demande le procureur général. Pis, «il y a un autre problème», ajoute le magistrat : «l’objectif de sécurité se limiterait-t-il aux juridictions suprêmes ? Nous ne le croyons pas, car même si l’administration de la justice n’est pas à l’abri d’erreurs, comme toute œuvre humaine, la Cour suprême dont les décisions sont irrévocables, tient de sa loi organique le pouvoir de rectifier sur certaines conditions, ses propres erreurs», dit-t-il.

M. Camara estime surtout que cette délocalisation du recours en cassation reste un obstacle important à l’objectif de rapprochement de la justice du justiciable. Car, «dans les matières relevant du droit harmonisé, les justiciables, pour soutenir un recours en cassation, devront se rendre à Abidjan siège de la Cour commune». C’est pourquoi, suggère-t-il une révision rapide des traités en conférant aux juridictions nationales de cassation, la compétence en matière de contentieux relatifs à l’application des actes uniformes. «Il faut donc oser réajuster ces traités», clame-t-il. Ce, pour leur assurer souplesse et pérennité. 


L’Ohada, l’anti-juge national ?


Son collègue, Pape Omar Sakho, premier Président de la Cour Suprême, renseigne que «la marginalisation de la Cour suprême est encore plus nette dans le cadre de l’Ohada». Dans ce système, dit-il, «c’est la technique du pourvoi en cassation qui est retenue comme mode de saisine de la juridiction communautaire». Ce, alors que «ce mode de saisine  a pour effet d’exclure la Cour suprême de tout le processus de mise en œuvre du droit produit par le système Ohada». Ce qui fait dire au bâtonnier de l’ordre national des avocats  que nous assistons à un «rôle de plus en plus marginal dévolu au juge national».



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