Malgré le rôle prépondérant qu’ils jouent, aussi bien pour leur pays d’origine que pour leur pays d’accueil, on ne parle des migrants que sous un visage hideux. Les médias s’intéressent rarement à eux. Notamment ceux des pays africains qui n’ont pas les moyens de les suivre dans leurs pérégrinations.Rétablir la place du migrant dans le traitement de l’information reste l’objectif auquel souhaite parvenir l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (Ipao) qui, en partenariat avec l’Union européenne (Ue), tient à Dakar depuis hier, un atelier de cinq jours sur le journalisme d’investigation, afin de mieux outiller les journalistes dans la couverture des questions de migration. « On a constaté que la question de la migration fait de temps en temps irruption dans l’actualité, mais elle n’est pas traitée comme il se doit. Elle est traitée souvent de manière très biaisée, avec des stéréotypes », a déploré Pauline Bend, Directrice des programmes de l’Ipao, en marge de la rencontre. Delon elle, « il nous a paru essentiel de rétablir la place du migrant dans le traitement de l’information, de rééquilibrer le débat, pour en avoir un qui est plus juste, en prenant en compte les points de vue des migrants, et non pas seulement celui des décideurs et des autorités en charge de la question. La question de la migration est souvent abordée de manière anecdotique, spectaculaires, sécuritaire », d’où la volonté des initiateurs d’instaurer un débat dans sa globalité qui inclurait les réalités des pays de départ et des pays d’arrivée. « On souhaite que les médias donnent davantage la parole aux migrants, à leurs familles. C’est ce qui permettrait de quitter le côté anecdotique, sécuritaire pour aller vers la vérité, en n’allant pas seulement vers les postes de police, les porte-parole des familles d’accueil et des responsables de la migration », indique Mme Bend. L’atelier, qui s’inscrit dans le cadre du projet « Sans papiers, sans clichés, libres voix : Mieux informer sur les migrations » et conçu par l’Ipao, vise à stimuler la couverture médiatique sur les enjeux de la migration en Afrique de l’Ouest, au Maghreb et en Europe. Il a enregistré la participation de 12 journalistes, dont huit Sénégalais, un Marocain, un Algérien, un Tunisien et un Français. « Il y a une faible proportion des journalistes à couvrir cette question, sans compter qu’ils ne le font pas parfois correctement, parce qu’ils sont très peu outillés », note Khadim Mboup, chargé du projet migration à l’institut Panos. Selon lui, une étude commanditée par ce projet fait état de 1% de couverture médiatique en Mauritanie, 6% au Sénégal et entre 1 et 2% au Mali. La rencontre cherche à contribuer, par la spécialisation des journalistes, « au respect accru des droits des migrants »
. Dans cette perspective, elle entend apporter aux journalistes des connaissances sur la thématique migratoire, inscrite dans une perspective nationale, régionale et intercontinentale. « La couverture des médias n’est pas encore assez approfondie, elle n’est pas régulière et ne pose pas les véritable questions qui entourent les migrations », note Tidiane Kassé, facilitateur des débats de l’atelier et Directeur de publication de Walf Sports. M. Kassé estime que la migration est devenue une question importante, avec des dimensions multiples.
« Ce sont des dimensions économiques, sociales, sociologiques, politiques qui, toutes, font que cette question occupe une place centrale dans le traitement médiatique ». Malheureusement, déplore-il, les médias ne traitent cette question que dans les cas extrêmes, comme quand il y a des drames dans la migration clandestine ou, de temps à autre, quand il y a des événements qui poussent les médias à revenir sur cette question. « C’est une question qui devrait nous intéresser, car il n’y a peut-être pas une seule famille au Sénégal où il n’y a pas de migrant ou un proche qui est un migrant ».
En outre, M. Kassé invite les médias à se pencher davantage sur cette question, vu son importance. « Elle devrait nous interpeller tout le temps, elle structure les relations sous-régionales, mais aussi les relations Nord-Sud », a-t-il encore dit. Le manque de moyens limite les journalistes dans le traitement de l’information liée à la migration. « Les moyens sont limités, il faut en avoir pour être là où cela se passe, et les médias dans nos pays n’ont pas toujours les moyens de se déplacer pour aller voir comment les Sénégalais vivent à l’étranger. Il y a donc des difficultés qui font que les journalistes ne sont pas bien informés des tenants et des aboutissants de ces questions, de tout ce qu’il y a comme accords qui tournent autour de la migration, des conventions entres les Etats pour gérer les flux migratoires », a-t-il analysé.
1 Commentaires
Ofans
En Septembre, 2012 (23:26 PM)Participer à la Discussion