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MARTIN FAYE, ANCIEN PRESENTATEUR DE L’EMISSION GENIES EN HERBE « J’ai été victime d’une guerre intestine à la Rts»

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MARTIN FAYE, ANCIEN PRESENTATEUR DE L’EMISSION GENIES EN HERBE « J’ai été victime d’une guerre intestine à la Rts»

«Vous avez le droit de concertation». «Vous avez le droit de réplique.» Identification, Questions éclair, Cantonade etc.  Cela vous parle ? Pour les accros de la Rts des années 90, certainement oui. Et pour les férus de culture générale, encore plus. Martin Faye, 57 ans, présentateur vedette de l’émission «Génies en herbe», remonte sur scène. 12 ans après son départ de la Rts, l’enfant de Peykouk (dans la banlieue de Thiès) se rappelle au bon souvenir des téléspectateurs de la chaîne publique. Entretien

Que devient aujourd’hui Martin Faye ?

Je suis toujours journaliste. Mais, j’ai quitté la Rts en 2000 sur la base d’une demande de disponibilité. Je travaillais comme consultant dans un cabinet de Droit en Suisse et, depuis 2006, je suis chef de projet à Bangui (Centrafrique) pour le compte de la fondation Hirondelle (Ong internationale suisse). J’ai mis en place une radio de paix et de développement qui essaie de participer à la reconstruction de la Centrafrique qui est dans une situation post-conflit. Je  passe 3 mois sur 12 au Sénégal où vivent ma femme et mes 4 enfants.

Comment se passe votre vie en Centrafrique ?

En tant que Sénégalais, il y a un petit choc culturel quand vous débarquez. C’est d’autres repères et un autre milieu auxquels il faut vous habituer. La situation du pays qui sort de plus de 40 ans de conflit n’arrange pas grand-chose. Il y a des règles sécuritaires qu’il faut observer. Au plan développement, la plupart des indicateurs sont au rouge et avec la radio, nous essayons de répondre à un déficit d’informations éducatives et de sensibilisation.

Qu’est-ce qui a motivé votre départ du Sénégal ?

Il y avait une opportunité à saisir et, parce que bien avant cela, je faisais déjà de la consultance. J’avais déjà un pied dehors et mes mandants en Suisse m’ont incité à sauter le pas pour finir les programmes d’installation de radios rurales.

Votre départ de la Rts a été assez brutal. Quelle en est la raison ?

En tant qu’agent de la Rts, j’étais appelé à travailler à la télé comme à la radio. J’ai fait de la télé par accident. Je suis essentiellement un produit de la radio. Dans les années 80, j’ai commencé à la télé en animant, avec des collègues comme Sokhna Dieng et Daouda Ndiaye, des émissions de table ronde. Ensuite, j’ai fait l’émission «Génies en herbe» qui m’a plus révélé au public. L’actuel directeur de la télé, Babacar Diagne, qui était à l’époque Rédacteur en chef, avait du mal à trouver un présentateur pour cette émission. Matar Sylla, qui l’animait, était parti diriger Tv5, son successeur Abdoul Mbaye a eu un accident et c’est là que les deux directeurs (radio et télé) se sont concertés pour me proposer l’émission. C’est comme ça que par accident, par effraction même, je me suis installé à la télévision tout en continuant à remplir mon cahier des charges à la radio. Le passage s’est fait naturellement. Un journaliste doit être multimédia.

Pendant combien de temps avez-vous été à la tête de «Génies en herbe» ?

Pendant sept ans, j’ai animé l’émission qui a fini par mourir de sa belle mort (sic). Moi-même j’avais offert de partir, en disant qu’il fallait une nouvelle équipe, mais il y a eu une succession malheureuse de petites situations. Le matériel n’était pas bien entreposé et au moment de reprendre l’émission, tout le système électrique ne marchait plus, le fabriquant Belge avait fait faillite et voilà, l’émission n’a jamais pu renaître.

De tels aléas techniques ne peuvent pas empêcher la reprise d’une émission-phare ?

Vous avez parfaitement raison. J’avais suggéré de confier le travail au Lycée technique Cheikh Ahmadou Bamba de Diourbel dont les élèves qui faisaient électricité avaient réussi à fabriquer le système. Ceux qui faisaient menuiserie avaient refait les meubles etc. J’avais fait la suggestion pour que la Rts et le ministère de l’Education nationale se mettent ensemble pour commander une série de jeux, non seulement pour la Rts mais pour que l’ensemble des lycées du Sénégal puissent être équipés, pour des compétitions internes. Cela n’a pas marché. La Rts trouvait que l’émission coûtait cher à financer.

La Rts n’a pas suivi ?

Non. Elle n’a pas suivi. Je sais que l’émission coûte cher, mais on aurait pu trouver des sponsors. Djibril Wade et moi avions prouvé que «Génies en herbe» pouvait s’autofinancer. On avait pu obtenir Air Sénégal pour les billets d’avion, des librairies de la place pour les lots de livres. On avait fait parrainer toutes les séries de finale nationale par l’Onu, à l’occasion des ses 50 ans. Malheureusement, cela a été mal perçu. Djibril Wade est réalisateur, moi journaliste, nous n’étions donc pas des agents habilités et nos collègues de la publicité se sont plaints. Ils pensaient qu’on avait mis l’argent dans nos poches. Même s’ils ne l’ont pas dit ouvertement. On nous a tapés sur les doigts et on a arrêté.

Vous avez été victime d’une guerre intestine ?

Exactement !

N’est-ce pas ce malaise qui a favorisé votre départ de la Rts ?

Non, pas du tout. La preuve, je suis toujours agent de la Rts et c’est au mois de février dernier que j’ai renouvelé encore ma période de disponibilité pour deux ans. La Direction générale ne m’a posé aucun problème. J’avais soif d’expérience. J’ai fait 20 ans à la Rts (1980-2000) pendant lesquelles j’ai eu des occasions d’enrichir mon expérience professionnelle.

«Certaines radios font office de robinets à musique»

Comptez-vous ressusciter «Génies en herbe» ?

Peut-être comme encadreur. Le déroulé de l’émission a été d’ailleurs perdu et récemment une télé de la place, qui souhaite ressusciter l’émission, m’a contacté pour leur écrire le déroulé.

Qui est le concepteur de «Génies en herbe» ?

C’est une émission de Radio Canada. La Francophonie s’en est ensuite saisie pour l’étendre à la plupart des pays francophones.

Vous parliez du caractère culturel de l’émission, quel regard jetez-vous sur les émissions télévisuelles d’aujourd’hui surtout sur celles de la Rts ?

Sur la Rts, je ne saurais dire exactement, mais il me semble qu’avec «Génies en herbe», on alliait le ludique à la culture générale par rapport à nos propres réalités. Avec le staff, on avait fait toute une série sur les réalités socioculturelles du Sénégal comme le cousinage à plaisanterie, les correspondances entre les patronymes. Le public avait bien accueilli cette innovation.

Oui, mais la télé d’aujourd’hui ?

Il y a beaucoup de danses, de rythmes, de déhanchements. Je l’ai dit de manière un peu méchante, mais certaines radios et télés sont des robinets à musique. Il faut les comprendre. La production coûte cher et beaucoup de télés n’ont pas toujours les moyens de leurs ambitions.

Pour en revenir à «Génies en herbe», vous retenez certainement des anecdotes qui ont dû vous marquer lors de la conception et la réalisation de l’émission ?

On a d’excellents souvenirs à bord du «Joola», même s’il est douloureux aujourd’hui de se rappeler de ce bateau. Le souvenir qui m’a le plus marqué, c’est celui d’un petit garçon de la famille du Président Abdou Diouf à Podor. Il obligeait toute sa famille à regarder Martin Faye, au point qu’à Podor on l’avait surnommé Martin Faye, au détriment de Abdou, son vrai. Il était l’homonyme du Président Diouf qui, quand il a eu vent de cette histoire, s’est rendu au domicile du petit garçon pour lui dire «Ainsi, tu préfères le journaliste à ton homonyme ?». Une fois à Podor, Je suis allé lui rendre visite avec beaucoup de cadeaux.

«J’ai été interdit d’antenne pendant 3 mois à la Rts»

Avez-vous des joueurs qui vous ont marqué tout au long de ces 7 ans de présentation ?

Ah oui ! Plusieurs têtes m’ont marqué. Je me souviens de Felwine Sarr qui est aujourd’hui enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Tous ceux qui venaient du Prytanée Charles Tchororé, du Lycée des jeunes filles Ameth Fall de Saint-Louis etc. Ils ne cessent d’évoquer ce que «Génies en herbe» leur a apporté en termes de culture, de renforcement.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire du journalisme ?

Difficile à dire ! Les gens qui m’ont connu adolescent et lycéen n’ont pas été surpris que je sois journaliste. J’étais toujours premier en dictée suivie de questions et en dissertation. J’étais élève au Petit séminaire de Ngasobil, parce que j’aspirais à devenir prêtre. C’est une chance aussi d’avoir réussi au concours du Cesti (Centre d’études des sciences et techniques de l’information). Nous étions 7 Sénégalais dans la promotion. Nous avons eu une formation dense. Papsy, directeur de radio Sénégal et Pathé Fall Dièye, directeur de la télévision me voulaient chacun dans son entité. Finalement, je suis allé à la radio où j’ai été très bien encadré. J’ai reçu mon diplôme le 31 octobre 1980 et j’ai commencé officiellement comme agent à la Rts le 1er novembre.

Vos débuts à la Rts ne devaient pas être faciles ?

J’ai été interdit d’antenne pendant 3 mois parce que j’avais une diction chaotique, qui ressortait mon accent sérère et qui n’épousait pas les résonances senghoriennes. Le Président Léopold Sedar Senghor m’avait reproché de ne pas grasseyer les «R». A l’époque, il recevait les journalistes tous les 6 mois, pour distribuer les cuillérées de miel et de fiel. On m’a fait faire des bulletins en blanc pendant 3 mois et quand je suis revenu je m’étais débarrassé de toutes mes tares. Au point que le responsable du département radio au Cesti m’a proposé de venir animer les cours de micro. Je suis ensuite passé à d’autres rubriques d’enseignement.

Il s’est dit que le Président Senghor intervenait directement à l’antenne pour rectifier un journaliste…

C’est arrivé. Des anecdotes de ce genre, il y en a à la pelle. Il intervenait très souvent pour rappeler à l’ordre les journalistes. Une fois, je me suis amusé à changer le subjonctif imparfait par un indicatif présent dans un communiqué d’un ministre, ce dernier avait appelé en personne pour que je reprenne le communiqué du Conseil des ministres et que je remette son subjonctif imparfait à sa place. J’ai été obligé de reprendre 5 pages de communiqué et de remettre le subjonctif imparfait à sa place d’origine. Il y avait une exigence du français correct. Ce que nous n’avons plus aujourd’hui.

Qu’aurait pensé le Président Senghor en voyant la nouvelle génération de journalistes ?

Il aurait été profondément choqué. Il n’y a plus la rigueur du français. Il y a trop d’emprunts de mots. La fluidité, le respect de la conjugaison et de la syntaxe ne sont plus. Sous Senghor, quand on recrutait un journaliste de radio, l’on insistait sur la maîtrise du français et la voix. Aujourd’hui, il y a des voix qui ne sont pas radiophoniques.



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