Il n’est pas exagéré de dire qu’on a failli assister à l’extinction définitive du Soleil, le journal gouvernemental, aîné des quotidiens d’informations générales du pays, qui a fêté cette année son quarantième anniversaire. Par la faute de El Hadji Kassé et Mamadou Seck, les deux Directeurs généraux – et Directeur de publication du journal – qui se sont succédé, durant les neuf premières années du troisième millénaire, aux commandes de la Société sénégalaise de presse et de publication (Sspp), éditrice du Soleil. Le constat ressort du rapport de la Cour des comptes sur les gestion 2004 à 2007 de la Sspp, qui détaille le quotidien de cette société durant cette décennie : passations de marchés hasardeux et nébuleux, management scandaleux, bamboula indescriptible pour des non ayants droit dans une entreprise de presse où les journalistes sont relégués au rang de serfs, en termes de traitement salarial – une assistante et un chauffeur étant mieux payés respectivement que le Directeur des Rédactions et un Chef de Bureau régional. En somme, c’est à un véritable braconnage – le mot n’est pas fort – que se sont livrés MM. Kassé et Sèye, qui a scandalisé la Cour des comptes et poussé ce corps de contrôle de l’État à demander l’ouverture d’une information judiciaire contre le prédécesseur direct de Cheikh Thiam, l’actuel Directeur général de la Sspp, héritier d’un chaos qu’il s’attèle à restructurer.
C’est un euphémisme de dire que la Sspp, éditrice du quotidien national «Le Soleil», traverse des moments difficiles, en dépit des mesures hardies prises par son Directeur général, Cheikh Thiam, en place depuis septembre 2009 ; durant la première décennie 2000, l’opinion publique était habituée aux sorties rageuses des syndicalistes de la maison, qui alertaient sur la situation désastreuse de la Sspp. Cependant, nul n’avait encore quantifié avec exactitude l’ampleur du mal. C’est présentement chose faite par la Cour des comptes, qui s’est penchée sur un segment (2004-2007) de la gestion des deux prédécesseurs de Cheikh Thiam. À la lecture du rapport de ce corps de contrôle de l’État, dont Libération a eu copie, qui a étudié minutieusement la situation comptable, financière et administrative du «Soleil», il ressort que El Hadji Kassé (août 2000 à avril 2005), aujourd’hui Conseiller spécial chargé de la Communication du président de la République, laudateur attitré du «Yoonu Yokkute» (ndlr : La voie du progrès), le slogan qui a porté au pouvoir le Président Macky Sall, a ouvert à la Sspp le «Yoonu Yaxxute» (ndlr : La voie de la régression), avant que son remplaçant, Mamadou Sèye (avril 2005 à septembre 2009) ne fasse flirter la société avec les abysses.
Hausse de 457% de la dette de 2004 à 2007
En pistant les documents de gestion sous M. Kassé, la Cour des comptes a pu dénicher ce qu’elle qualifie de «dossiers litigieux». Ainsi, en 2004, à la suite d’un appel d’offres international lancé par la Sspp, la société International Trading Service est adjudicataire du marché portant sur la commande annuelle de 500 tonnes de papier journal pour un montant de 237 500 000 F Cfa. Selon les termes du contrat liant les deux parties, la totalité de la commande doit être livrée au plus tard le 31 décembre 2004. Les règlements se feront sous forme de traites ordinaires à 90 jours, selon un échéancier mensuel jusqu’au dernier jour de cette année.
Cependant, le vérificateur relève que le contrat liant les deux parties n’a pas fait l’objet d’enregistrement fiscal, en violation des dispositions du Manuel de procédures de la Sspp et du Code des marchés publics. Pis, toujours selon la Cour des comptes, les engagements des deux parties ne sont pas respectés : au 31 décembre 2004, International Trading Service n’a pas totalement livré la commande ; la dernière livraison de 188,257 kg de papier journal intervient le 22 juin 2005, parce que la Sspp n’a pas honoré ses paiements. L’attributaire ayant escompté les traites auprès de la Banque islamique du Sénégal (Bis), de la Banque sénégalo-tunisienne (Bst) et d’Ecobank, dont certaines sont revenues impayées, les banques se retournent contre la Sspp. Incapable une nouvelle fois de respecter ses engagements, elle négocie deux moratoires avec la Bis portant sur des montants respectifs de 68 792 825 F Cfa et 59 850 000 F Cfa. Mais, jamais deux sans trois : si le premier moratoire est entièrement réglé, le second ne l’est qu’en partie ; à la date du 31 décembre 2008, il ressort de l’extrait du compte de la société attributaire du marché que la Sspp doit à la Bis 28 385 096 FCfa au titre des traites escomptées.
En somme, cet espace étant trop exigu pour restituer toutes les facettes du volet financier de la gestion désastreuse de l’actuel Conseiller spécial du président de la République et de son remplaçant, un chiffre donné par la Cour des comptes illustre les méfaits subis par la Sspp : sous El Hadji Kassé puis Mamadou Sèye, en seulement quatre années, de 2004 à 2007, le montant des dettes a connu une augmentation de quatre cent cinquante sept pour cent (457%). Chiffre qui témoigne de l’ampleur des difficultés financières de la société.
Lorsqu’arrive Mamadou Sèye aux commandes de la Sspp, en 2005, l’espoir est permis : le nouveau Directeur général était réputé souffler sur les pompes syndicales qui pressaient son devancier. Mais, il se comporte comme un braconnier en chef. En effet, malgré une «situation financière désastreuse» héritée de El Hadji Kassé, le nouveau patron de la Sspp enfonce le clou. À peine installé, il s’offre, en 2005, comme hors d’œuvre, un marché nébuleux. Mamadou Sèye s’approche de la société italienne Ats Srl par l’intermédiaire de Amadou Top, Directeur général du Groupe d’Intervention Technique et d’Etude (Gite), société de droit sénégalais, aux fins du préfinancement, à des conditions favorables, de l’achat de divers matériels pour renforcer l’outil de travail.
Contrats nébuleux
Ainsi, Gite propose à la partie italienne un procédé dit «remise documentaire» que cette dernière rejette. Alors, la Sspp a recours à des virements bancaires pour payer à son fournisseur l’achat de vingt-trois (23) véhicules d’occasion, sept (07) photos-caméras, dix (10) lecteurs de cartes mémoire, quatorze (14) cartes mémoire, des scanneurs et graveurs de Cdrom, vingt (20) ordinateurs Pc Pentium 4 et dix (10) imprimantes laser monochrome. Montant de la transaction ? 158 654 euros, soit 104 022 854 F Cfa que la Sspp règle entièrement. Seulement, Ats Srl ne livre qu’une infime partie de la commande : 07 photos-caméras, 02 scanneurs et 14 cartes mémoire. Le reste du matériel, y compris les 23 véhicules d’occasion commandés et payés par la Sspp, s’évapore entre l’Italie et le Sénégal. Incroyable, mais vrai ! Montant du préjudice égal à la valeur du matériel non livré ? 147 705 euros, soit 94 264 157 F Cfa. La foultitude de correspondance adressées à Ats Srl et le déplacement en Italie de deux responsables de la Sspp, à savoir le Directeur des Opérations et le responsable du Réseau informatique, n’y feront rien ! De guerre lasse, suite aux multiples rappels demeurés infructueux, la Sspp intente une procédure de recouvrement par voie judiciaire en commettant un pool d’avocats et en saisissant les autorités du ministère des Affaires étrangères. En vain ! À ce jour, le contentieux n’a pas trouvé un dénouement.
Évidemment, relativement à ces faits graves, la Cour des comptes relève que l’exploitation de la documentation montre que la transaction commerciale entre Ats Srl et la Sspp, en dépit des sommes importantes en jeu, a été menée avec beaucoup de légèreté par Mamadou Sèye. En effet, le vérificateur n’a trouvé dans le dossier Ats Srl ni bon de commande, ni contrat liant les deux parties et précisant les engagements réciproques, mais uniquement des devis sur la base desquels la Sspp a entièrement réglé la commande, au préjudice des intérêts de la boîte. Renversant ! Et la Cour des comptes n’emprunte pas quatre chemins pour demander au garde des Sceaux, ministre de la Justice, l’ouverture d’une information judiciaire contre le Directeur général de la Sspp, qui va faire… pire.
Une imprimerie, vingt véhicules etc., commandés et payés, mais jamais livrés
Une année après l’affaire italienne, Mamadou Sèye, qui donne l’impression de rêver d’un Soleil plus éclatant, même si en réalité il concourt à son extinction, va initier une transaction financière digne d’un grand pilleur de deniers publics. Dans l’optique, dit-on, de diversifier les produits et d’accroître les performances de production du quotidien «Le Soleil», il commande, en 2006, une imprimerie numérique de la gamme Duco Color de Xerox distribuée exclusivement au Sénégal par la société Burotech Sa. Coût de ce marché… par entente directe ? Deux cent trente cinq millions (235 000 000) de francs Cfa. Selon la facture proforma jointe au dossier, la Sspp doit verser un acompte de cinquante (50) millions de francs Cfa à la commande, et le solde selon dix traites mensuelles à l’ordre du fournisseur et avalisées par une banque locale de premier ordre, les frais et agios étant à la charge de la société. La livraison est prévue neuf semaines après la réception du bon de commande, qui est établi le 07 août 2006 et le premier acompte versé en même temps, par chèque N°9748398 tiré à la Sgbs. Mais, neuf mois après, la Sspp n’est pas toujours en mesure de verser le reliquat dû ; le fournisseur la saisit par voie épistolaire pour lui signifier qu’elle est responsable de la non livraison de la commande et que les désagréments subis par Burotech Sa – frais de stationnement, magasinages, pénalités – lui seront incessamment répercutés. Pis, la société indique à Mamadou Sèye que la machine étant stationnée au Maroc, les services de la douane de ce pays l’ont sommé de l’enlever immédiatement sous peine de sa mise en vente aux enchères. Le cas échéant, la situation serait imputable à la Sspp pour non respect de son engagement. Une mise en garde qui préfigure une suite incroyable…
En réponse, le Directeur général de la Sspp informe Burotech Sa que la situation va être débloquée grâce à un appui à sa société de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) pour un montant de 185 millions F Cfa, déjà inscrit au budget de ladite agence. Cet appui concrétisé, Mamadou Sèye demande, le 14 février 2008, à la Cbao d’effectuer un virement bancaire de 185 millions FCfa par le débit du compte de la Sspp ouvert dans ses livres au profit du compte Sgbs de Burotech Sa. Ainsi, la Sspp règle entièrement sa commande à Burotech Sa, qui ne procède qu’à une livraison… partielle du matériel. Eh oui ! Et dans une lettre datée du 13 juin 2008, le fournisseur argue que le retard de paiement de la Sspp a entraîné des problèmes dont la saisie du modèle de finition par la douane française pour… retard d’enlèvement. Cependant, Burotech s’engage à livrer le reste dans les meilleurs délais. Sans tenir parole. Aussi, la machine livrée de façon partielle n’a pu être utilisée de façon optimale pour répondre à toutes les attentes qu’elle suscitait.
Le chef du Service Approvisionnement et Logistique de la Sspp affirme aux vérificateurs n’avoir pas été associé à la commande et n’a pas signé de procès-verbal de réception. Il en est de même du Contrôleur interne qui affirme avoir refusé de viser le procès-verbal de livraison pour non-conformité entre la commande et la livraison. Il ressort de cette situation que les dispositions du Manuel de procédures ont été violées en ce sens que tout règlement doit s’effectuer sur la base de la régularité de la facturation par rapport au marché et au bon de commande. Pis, ce marché par entente directe est passé sans être soumis préalablement à l’autorisation de la Commission nationale des contrats de l’Administration (Cnca).
En somme, en plus de la violation de la réglementation, il apparaît clairement, selon la Cour des comptes, que la Direction générale de la Sspp Le Soleil n’a pas fait valoir les intérêts de la société en payant intégralement le prix de l’imprimerie numérique alors que la livraison n’a été que partielle.
En réponse à l’observation n°13 du rapport particulier provisoire, Mamadou Sèye sert aux vérificateurs un argument qui autoriserait que l’on se torde de rire, si le sujet n’était pas aussi sérieux : «pour éviter un détournement d’objectif et les avis à tiers détenteur des fournisseurs», il fallait «sécuriser les fonds en les débloquant au profit du fournisseur de l’imprimerie numérique après avoir pris les garanties nécessaires de ce dernier» dit-il. Évidemment, pour la Cour des comptes, l’option de Mamadou Sèye pose problème dans la mesure où le principe de la livraison faite ou du service fait a été violé et que des fonds ont été mobilisés pour une imprimerie, qui n’est pas encore fonctionnelle, faute de finition alors que la société traverse des tensions de trésorerie.
Comme on le voit, la Sspp frôle la banqueroute du fait de ces deux Directeurs généraux qui ont posé des actes suspects allant même jusqu’à privilégier des fournisseurs au détriment du quotidien de référence.
Selon le bilan social au 31 décembre 2007, le personnel de la société est composé de deux cent treize (213) agents, dont 150 permanents et 63 non permanents. Une hausse de 27 agents par rapport à 2004. Et une inflation galopante de la masse salariale entre 2004 et 2007 (38,19 %), qui, par rapport à l’ensemble des charges de la société, constitue le poste de dépenses le plus élevé. Ainsi, sur la période 2004-2007, ce n’est que durant l’exercice 2004 que la masse salariale n’a pas entièrement englouti la valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse créée par l’entreprise. En 2005, la masse salariale a représenté 121% de la valeur ajoutée de l’entreprise. «Cette situation signifie que la richesse créée par l’entreprise ne peut même pas payer les salaires et, a fortiori financer des investissements pour améliorer l’état de l’outil de production», selon la Cour des comptes.
Rapportées au chiffre d’affaires, «les charges de personnel ont représenté 85% du chiffre d’affaires en 2006, contre 52% en 2004. Cela signifie qu’au moment où les recettes de l’entreprise baissent, les charges de personnel s’accroissent de plus en plus», selon toujours l’auditeur.
Par rapport à cette situation, il faut constater que la Direction générale de la Sspp, qui s’était engagée à «maîtriser au maximum le niveau des charges», n’a pas gelé les recrutements et les dépenses sociales avec pour objectif de «ramener le ratio masse salariale/chiffre d’affaires de 50 à 25%».
Les administratifs servis, les journalistes desservis
Même si la Cour des comptes comprend parfaitement la logique de motivation visant à mettre les agents dans les meilleures conditions de productivité, elle se pose néanmoins la question de savoir si les rémunérations versées sont en parfaite adéquation avec les moyens de la société. Cela est d’autant plus vrai que la productivité du personnel a baissé alors que son coût a largement augmenté. À preuve, l’analyse de la structure du personnel permet de constater que le ratio journalistes/administratifs est assez élevé pour une société de presse écrite (51 journalistes pour 74 administratifs en 2007). À cela, s’ajoute le fait que le niveau moyen de rémunération du personnel administratif est plus élevé que celui des journalistes. La Cour des comptes s’interroge : du point de la rentabilité économique, la Sspp a-t-elle besoin de tout ce personnel administratif pour une entreprise de presse dont les recettes sont tirées d’un seul produit ?
L’autre fait qui intrigue les vérificateurs est l’importance du nombre de pigistes par rapport aux journalistes. En 2007, vingt-huit (28) pigistes sont dénombrés contre trente et un (31) journalistes en poste à la rédaction centrale. Autre interrogation pertinente de la Cour des comptes : «du point de vue de la logique productive, est-il utile d’utiliser tout cet effectif pour la rédaction d’un seul quotidien ?» Car, au vu du nombre et de l’importance des rémunérations versées aux pigistes – plus de trente (30) millions de francs Cfa en 2007 – qui reflètent le niveau de leur charge de travail au détriment des journalistes, qui ne signent plus ou signent de moins en moins d’articles dans «Le Soleil», d’une part, et l’absence de contrôle des présences du personnel, d’autre part, «il est urgent de mettre en place un mécanisme d’évaluation et de contrôle du personnel», pour la Cour des comptes.
Car, pour les journalistes, ce mécanisme devrait permettre de surveiller leur production et de trouver les solutions afin de réduire le nombre de pigistes au niveau de la rédaction.
Par ailleurs, la Cour des comptes a constaté que des agents malades continuent de bénéficier de l’intégralité de leur salaire depuis plusieurs années. Une question que se renvoient comme dans un jeu de ping-pong la Direction générale et le Conseil d’administration ; ce dernier, alors présidé par Samba Diouldé Thiam, allant jusqu’à demander à la première, lors de sa réunion du 07 septembre 2005, «que la Sspp assume le lourd fardeau des journalistes indisponibles pour raison de maladie». À ce jour, aucune solution concrète n’a été trouvée.
Relativement à la gestion du personnel de la Sspp, le cas le plus scandaleux, qui renseigne sur le pillage des maigres ressources de cette société, est relatif au traitement accordé à Mamadou Kassé, mis à la disposition du ministère de la Communication, depuis 2005, comme Conseiller. Il continue à être pris en charge par la Sspp. Pour le compte du «Soleil», M. Kassé bénéficie toujours d’une prime de responsabilité (100 000 F Cfa), d’une prime de fonction (80 000 F Cfa), d’une indemnité kilométrique (70 000 F Cfa) et d’une indemnité spéciale de téléphone mobile (80 000 F Cfa). 330 000 FCfa qui lui sont versés au titre de membre du Directoire de la Stratégie et des Projets (Dsp) qui lui confère un rang de… Directeur.
Comme si cette bamboula ne suffisait pas, la Cour des comptes a constaté que la plupart des indemnités n’avaient aucun caractère réglementaire et leur octroi n’a fait l’objet d’aucune délibération du Conseil d’administration. Il s’agit du cumul de la prime de fonction avec la prime de responsabilité et de l’octroi de cette dernière à des agents n’y ayant pas droit, comme les Assistantes et Attachés de Direction (35 000 F Cfa), les deux agents commerciaux (35000 F Cfa et 50 000 F Cfa) et une Assistante de gestion (25 000 F Cfa).
La Cour des comptes s’interroge aussi sur la généralisation et du versement de la prime de 14ème mois à l’ensemble du personnel au moment du départ en congé. Selon les vérificateurs, cette prime, qui a été généralisée à partir de juin 2006, n’est prévue dans aucun des textes régissant le personnel administratif de la société et la décision de l’accorder à l’ensemble du personnel n’a fait l’objet d’aucune délibération du Conseil d’administration.
Un exemple de la bamboula : le journaliste Mamadou Kassé
Que dire du versement de la prime spéciale aux comptables, agents administratifs et secrétaires intervenant à Grafisol, l’imprimerie de la Sspp, selon une note de service signée par Mamadou Sèye ? Pour la Cour des comptes cette prime est versée à des agents qui n’interviennent pas directement dans le fonctionnement de l’imprimerie, comme les assistantes principales. Il y’a aussi le versement d’une prime d’usure de vêtement d’un montant de 30 000 F Cfa à tous les chauffeurs de la société, selon une note de service signée par Mamadou Sèye.
En effet, il a été constaté par la Cour des comptes que le personnel technique (journalistes, techniciens) est moins bien rémunéré que le personnel administratif. Ainsi, sur les vingt agents les mieux rémunérés de la société, les onze premiers sont des administratifs, le journaliste le mieux payé, qui se trouve être le Directeur des rédactions, arrive à la douzième position avec un salaire brut de moins de 700 000 F Cfa. Moins que le salaire brut d’une secrétaire, d’une Assistante principale, mieux traitées que le Directeur des rédactions et le Directeur commercial.
Les paradoxes entre certains agents ne s’arrêtent pas là. À titre d’exemple, le chauffeur B.T., ayant 5 ans et 3 mois d’ancienneté au 30 juin 2007, a un salaire net d’un peu moins 240 000 F Cfa, supérieur à celui de C.M. Coly Chef de Bureau régional, qui a une ancienneté de 6 ans et 4 mois. Face à ces injustices manifestes, la Cour des comptes rage : «Cette situation pose un réel problème d’équité dans la mesure où la production dans une société de presse est essentiellement assurée par les journalistes et les autres agents de la rédaction».
Des gestions de El Hadji Kassé à Mamadou Sèye, la situation financière de la Sspp est caractérisée, sur la période 2004 à 2007, par une baisse des principaux indicateurs financiers : le chiffre d’affaires, l’excédent brut d’exploitation, le résultat financier et le résultat d’exploitation. Concernant le chiffre d’affaires, il a connu une chute de 20,42% entre 2004 et 2007. Cette baisse s’explique par la chute des abonnements au siège (- 27,89%) et surtout des recettes tirées des abonnements chez un célèbre vendeur de journaux (-59,37%). Quant au résultat financier, il est également resté négatif sur toute la période de contrôle avec un pic en 2005 à cause de la dotation aux provisions financières des titres de l’Agence de distribution de presse (Adp) à 100%. De 1998 à 2007, les résultats de la Sspp ont été toujours déficitaires et les capitaux propres sont devenus négatifs (-3,128 milliards F Cfa en 2007) ; ce qui signifie que les résultats déficitaires cumulés dépassent le capital social de l’entreprise. Malgré la cession à la Sspp des titres fonciers Tf n° 1520/dg et 5080/Dg et leur inscription à l’actif de la société, la situation n’a pas été régularisée, conformément aux dispositions du Syscohada.
Pour ne pas arranger les choses, la Cour des comptes note que, durant la période sous contrôle, les projets de budget ont été préparés avec beaucoup de retards et soumis à l’approbation du Conseil d’administration, quelques mois après le début de l’exercice en cours. Or, ces retards entraînent l’engagement de dépenses non encore autorisées par le Conseil d’administration. Relativement à l’exécution du budget, les vérificateurs ont noté que les dépassements budgétaires n’ont pas été autorisés par le Conseil d’administration, en violation des dispositions de la loi n°90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, et que des dépenses non budgétisées ont été exécutées sans l’accord dudit conseil.
Cheikh Thiam, l’actuel Directeur général va-t-il réussir là où ses deux prédécesseurs ont échoué en plus d’assombrir les finances de l’astre national ? Macky Sall va-t-il transmettre ce dossier à la Justice comme il l’a fait avec le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de Dakar Dem Dikk malgré la mise en cause formelle d’un de ses proches ?
C’est un euphémisme de dire que la Sspp, éditrice du quotidien national «Le Soleil», traverse des moments difficiles, en dépit des mesures hardies prises par son Directeur général, Cheikh Thiam, en place depuis septembre 2009 ; durant la première décennie 2000, l’opinion publique était habituée aux sorties rageuses des syndicalistes de la maison, qui alertaient sur la situation désastreuse de la Sspp. Cependant, nul n’avait encore quantifié avec exactitude l’ampleur du mal. C’est présentement chose faite par la Cour des comptes, qui s’est penchée sur un segment (2004-2007) de la gestion des deux prédécesseurs de Cheikh Thiam. À la lecture du rapport de ce corps de contrôle de l’État, dont Libération a eu copie, qui a étudié minutieusement la situation comptable, financière et administrative du «Soleil», il ressort que El Hadji Kassé (août 2000 à avril 2005), aujourd’hui Conseiller spécial chargé de la Communication du président de la République, laudateur attitré du «Yoonu Yokkute» (ndlr : La voie du progrès), le slogan qui a porté au pouvoir le Président Macky Sall, a ouvert à la Sspp le «Yoonu Yaxxute» (ndlr : La voie de la régression), avant que son remplaçant, Mamadou Sèye (avril 2005 à septembre 2009) ne fasse flirter la société avec les abysses.
Hausse de 457% de la dette de 2004 à 2007
En pistant les documents de gestion sous M. Kassé, la Cour des comptes a pu dénicher ce qu’elle qualifie de «dossiers litigieux». Ainsi, en 2004, à la suite d’un appel d’offres international lancé par la Sspp, la société International Trading Service est adjudicataire du marché portant sur la commande annuelle de 500 tonnes de papier journal pour un montant de 237 500 000 F Cfa. Selon les termes du contrat liant les deux parties, la totalité de la commande doit être livrée au plus tard le 31 décembre 2004. Les règlements se feront sous forme de traites ordinaires à 90 jours, selon un échéancier mensuel jusqu’au dernier jour de cette année.
Cependant, le vérificateur relève que le contrat liant les deux parties n’a pas fait l’objet d’enregistrement fiscal, en violation des dispositions du Manuel de procédures de la Sspp et du Code des marchés publics. Pis, toujours selon la Cour des comptes, les engagements des deux parties ne sont pas respectés : au 31 décembre 2004, International Trading Service n’a pas totalement livré la commande ; la dernière livraison de 188,257 kg de papier journal intervient le 22 juin 2005, parce que la Sspp n’a pas honoré ses paiements. L’attributaire ayant escompté les traites auprès de la Banque islamique du Sénégal (Bis), de la Banque sénégalo-tunisienne (Bst) et d’Ecobank, dont certaines sont revenues impayées, les banques se retournent contre la Sspp. Incapable une nouvelle fois de respecter ses engagements, elle négocie deux moratoires avec la Bis portant sur des montants respectifs de 68 792 825 F Cfa et 59 850 000 F Cfa. Mais, jamais deux sans trois : si le premier moratoire est entièrement réglé, le second ne l’est qu’en partie ; à la date du 31 décembre 2008, il ressort de l’extrait du compte de la société attributaire du marché que la Sspp doit à la Bis 28 385 096 FCfa au titre des traites escomptées.
En somme, cet espace étant trop exigu pour restituer toutes les facettes du volet financier de la gestion désastreuse de l’actuel Conseiller spécial du président de la République et de son remplaçant, un chiffre donné par la Cour des comptes illustre les méfaits subis par la Sspp : sous El Hadji Kassé puis Mamadou Sèye, en seulement quatre années, de 2004 à 2007, le montant des dettes a connu une augmentation de quatre cent cinquante sept pour cent (457%). Chiffre qui témoigne de l’ampleur des difficultés financières de la société.
Lorsqu’arrive Mamadou Sèye aux commandes de la Sspp, en 2005, l’espoir est permis : le nouveau Directeur général était réputé souffler sur les pompes syndicales qui pressaient son devancier. Mais, il se comporte comme un braconnier en chef. En effet, malgré une «situation financière désastreuse» héritée de El Hadji Kassé, le nouveau patron de la Sspp enfonce le clou. À peine installé, il s’offre, en 2005, comme hors d’œuvre, un marché nébuleux. Mamadou Sèye s’approche de la société italienne Ats Srl par l’intermédiaire de Amadou Top, Directeur général du Groupe d’Intervention Technique et d’Etude (Gite), société de droit sénégalais, aux fins du préfinancement, à des conditions favorables, de l’achat de divers matériels pour renforcer l’outil de travail.
Contrats nébuleux
Ainsi, Gite propose à la partie italienne un procédé dit «remise documentaire» que cette dernière rejette. Alors, la Sspp a recours à des virements bancaires pour payer à son fournisseur l’achat de vingt-trois (23) véhicules d’occasion, sept (07) photos-caméras, dix (10) lecteurs de cartes mémoire, quatorze (14) cartes mémoire, des scanneurs et graveurs de Cdrom, vingt (20) ordinateurs Pc Pentium 4 et dix (10) imprimantes laser monochrome. Montant de la transaction ? 158 654 euros, soit 104 022 854 F Cfa que la Sspp règle entièrement. Seulement, Ats Srl ne livre qu’une infime partie de la commande : 07 photos-caméras, 02 scanneurs et 14 cartes mémoire. Le reste du matériel, y compris les 23 véhicules d’occasion commandés et payés par la Sspp, s’évapore entre l’Italie et le Sénégal. Incroyable, mais vrai ! Montant du préjudice égal à la valeur du matériel non livré ? 147 705 euros, soit 94 264 157 F Cfa. La foultitude de correspondance adressées à Ats Srl et le déplacement en Italie de deux responsables de la Sspp, à savoir le Directeur des Opérations et le responsable du Réseau informatique, n’y feront rien ! De guerre lasse, suite aux multiples rappels demeurés infructueux, la Sspp intente une procédure de recouvrement par voie judiciaire en commettant un pool d’avocats et en saisissant les autorités du ministère des Affaires étrangères. En vain ! À ce jour, le contentieux n’a pas trouvé un dénouement.
Évidemment, relativement à ces faits graves, la Cour des comptes relève que l’exploitation de la documentation montre que la transaction commerciale entre Ats Srl et la Sspp, en dépit des sommes importantes en jeu, a été menée avec beaucoup de légèreté par Mamadou Sèye. En effet, le vérificateur n’a trouvé dans le dossier Ats Srl ni bon de commande, ni contrat liant les deux parties et précisant les engagements réciproques, mais uniquement des devis sur la base desquels la Sspp a entièrement réglé la commande, au préjudice des intérêts de la boîte. Renversant ! Et la Cour des comptes n’emprunte pas quatre chemins pour demander au garde des Sceaux, ministre de la Justice, l’ouverture d’une information judiciaire contre le Directeur général de la Sspp, qui va faire… pire.
Une imprimerie, vingt véhicules etc., commandés et payés, mais jamais livrés
Une année après l’affaire italienne, Mamadou Sèye, qui donne l’impression de rêver d’un Soleil plus éclatant, même si en réalité il concourt à son extinction, va initier une transaction financière digne d’un grand pilleur de deniers publics. Dans l’optique, dit-on, de diversifier les produits et d’accroître les performances de production du quotidien «Le Soleil», il commande, en 2006, une imprimerie numérique de la gamme Duco Color de Xerox distribuée exclusivement au Sénégal par la société Burotech Sa. Coût de ce marché… par entente directe ? Deux cent trente cinq millions (235 000 000) de francs Cfa. Selon la facture proforma jointe au dossier, la Sspp doit verser un acompte de cinquante (50) millions de francs Cfa à la commande, et le solde selon dix traites mensuelles à l’ordre du fournisseur et avalisées par une banque locale de premier ordre, les frais et agios étant à la charge de la société. La livraison est prévue neuf semaines après la réception du bon de commande, qui est établi le 07 août 2006 et le premier acompte versé en même temps, par chèque N°9748398 tiré à la Sgbs. Mais, neuf mois après, la Sspp n’est pas toujours en mesure de verser le reliquat dû ; le fournisseur la saisit par voie épistolaire pour lui signifier qu’elle est responsable de la non livraison de la commande et que les désagréments subis par Burotech Sa – frais de stationnement, magasinages, pénalités – lui seront incessamment répercutés. Pis, la société indique à Mamadou Sèye que la machine étant stationnée au Maroc, les services de la douane de ce pays l’ont sommé de l’enlever immédiatement sous peine de sa mise en vente aux enchères. Le cas échéant, la situation serait imputable à la Sspp pour non respect de son engagement. Une mise en garde qui préfigure une suite incroyable…
En réponse, le Directeur général de la Sspp informe Burotech Sa que la situation va être débloquée grâce à un appui à sa société de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) pour un montant de 185 millions F Cfa, déjà inscrit au budget de ladite agence. Cet appui concrétisé, Mamadou Sèye demande, le 14 février 2008, à la Cbao d’effectuer un virement bancaire de 185 millions FCfa par le débit du compte de la Sspp ouvert dans ses livres au profit du compte Sgbs de Burotech Sa. Ainsi, la Sspp règle entièrement sa commande à Burotech Sa, qui ne procède qu’à une livraison… partielle du matériel. Eh oui ! Et dans une lettre datée du 13 juin 2008, le fournisseur argue que le retard de paiement de la Sspp a entraîné des problèmes dont la saisie du modèle de finition par la douane française pour… retard d’enlèvement. Cependant, Burotech s’engage à livrer le reste dans les meilleurs délais. Sans tenir parole. Aussi, la machine livrée de façon partielle n’a pu être utilisée de façon optimale pour répondre à toutes les attentes qu’elle suscitait.
Le chef du Service Approvisionnement et Logistique de la Sspp affirme aux vérificateurs n’avoir pas été associé à la commande et n’a pas signé de procès-verbal de réception. Il en est de même du Contrôleur interne qui affirme avoir refusé de viser le procès-verbal de livraison pour non-conformité entre la commande et la livraison. Il ressort de cette situation que les dispositions du Manuel de procédures ont été violées en ce sens que tout règlement doit s’effectuer sur la base de la régularité de la facturation par rapport au marché et au bon de commande. Pis, ce marché par entente directe est passé sans être soumis préalablement à l’autorisation de la Commission nationale des contrats de l’Administration (Cnca).
En somme, en plus de la violation de la réglementation, il apparaît clairement, selon la Cour des comptes, que la Direction générale de la Sspp Le Soleil n’a pas fait valoir les intérêts de la société en payant intégralement le prix de l’imprimerie numérique alors que la livraison n’a été que partielle.
En réponse à l’observation n°13 du rapport particulier provisoire, Mamadou Sèye sert aux vérificateurs un argument qui autoriserait que l’on se torde de rire, si le sujet n’était pas aussi sérieux : «pour éviter un détournement d’objectif et les avis à tiers détenteur des fournisseurs», il fallait «sécuriser les fonds en les débloquant au profit du fournisseur de l’imprimerie numérique après avoir pris les garanties nécessaires de ce dernier» dit-il. Évidemment, pour la Cour des comptes, l’option de Mamadou Sèye pose problème dans la mesure où le principe de la livraison faite ou du service fait a été violé et que des fonds ont été mobilisés pour une imprimerie, qui n’est pas encore fonctionnelle, faute de finition alors que la société traverse des tensions de trésorerie.
Comme on le voit, la Sspp frôle la banqueroute du fait de ces deux Directeurs généraux qui ont posé des actes suspects allant même jusqu’à privilégier des fournisseurs au détriment du quotidien de référence.
Selon le bilan social au 31 décembre 2007, le personnel de la société est composé de deux cent treize (213) agents, dont 150 permanents et 63 non permanents. Une hausse de 27 agents par rapport à 2004. Et une inflation galopante de la masse salariale entre 2004 et 2007 (38,19 %), qui, par rapport à l’ensemble des charges de la société, constitue le poste de dépenses le plus élevé. Ainsi, sur la période 2004-2007, ce n’est que durant l’exercice 2004 que la masse salariale n’a pas entièrement englouti la valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse créée par l’entreprise. En 2005, la masse salariale a représenté 121% de la valeur ajoutée de l’entreprise. «Cette situation signifie que la richesse créée par l’entreprise ne peut même pas payer les salaires et, a fortiori financer des investissements pour améliorer l’état de l’outil de production», selon la Cour des comptes.
Rapportées au chiffre d’affaires, «les charges de personnel ont représenté 85% du chiffre d’affaires en 2006, contre 52% en 2004. Cela signifie qu’au moment où les recettes de l’entreprise baissent, les charges de personnel s’accroissent de plus en plus», selon toujours l’auditeur.
Par rapport à cette situation, il faut constater que la Direction générale de la Sspp, qui s’était engagée à «maîtriser au maximum le niveau des charges», n’a pas gelé les recrutements et les dépenses sociales avec pour objectif de «ramener le ratio masse salariale/chiffre d’affaires de 50 à 25%».
Les administratifs servis, les journalistes desservis
Même si la Cour des comptes comprend parfaitement la logique de motivation visant à mettre les agents dans les meilleures conditions de productivité, elle se pose néanmoins la question de savoir si les rémunérations versées sont en parfaite adéquation avec les moyens de la société. Cela est d’autant plus vrai que la productivité du personnel a baissé alors que son coût a largement augmenté. À preuve, l’analyse de la structure du personnel permet de constater que le ratio journalistes/administratifs est assez élevé pour une société de presse écrite (51 journalistes pour 74 administratifs en 2007). À cela, s’ajoute le fait que le niveau moyen de rémunération du personnel administratif est plus élevé que celui des journalistes. La Cour des comptes s’interroge : du point de la rentabilité économique, la Sspp a-t-elle besoin de tout ce personnel administratif pour une entreprise de presse dont les recettes sont tirées d’un seul produit ?
L’autre fait qui intrigue les vérificateurs est l’importance du nombre de pigistes par rapport aux journalistes. En 2007, vingt-huit (28) pigistes sont dénombrés contre trente et un (31) journalistes en poste à la rédaction centrale. Autre interrogation pertinente de la Cour des comptes : «du point de vue de la logique productive, est-il utile d’utiliser tout cet effectif pour la rédaction d’un seul quotidien ?» Car, au vu du nombre et de l’importance des rémunérations versées aux pigistes – plus de trente (30) millions de francs Cfa en 2007 – qui reflètent le niveau de leur charge de travail au détriment des journalistes, qui ne signent plus ou signent de moins en moins d’articles dans «Le Soleil», d’une part, et l’absence de contrôle des présences du personnel, d’autre part, «il est urgent de mettre en place un mécanisme d’évaluation et de contrôle du personnel», pour la Cour des comptes.
Car, pour les journalistes, ce mécanisme devrait permettre de surveiller leur production et de trouver les solutions afin de réduire le nombre de pigistes au niveau de la rédaction.
Par ailleurs, la Cour des comptes a constaté que des agents malades continuent de bénéficier de l’intégralité de leur salaire depuis plusieurs années. Une question que se renvoient comme dans un jeu de ping-pong la Direction générale et le Conseil d’administration ; ce dernier, alors présidé par Samba Diouldé Thiam, allant jusqu’à demander à la première, lors de sa réunion du 07 septembre 2005, «que la Sspp assume le lourd fardeau des journalistes indisponibles pour raison de maladie». À ce jour, aucune solution concrète n’a été trouvée.
Relativement à la gestion du personnel de la Sspp, le cas le plus scandaleux, qui renseigne sur le pillage des maigres ressources de cette société, est relatif au traitement accordé à Mamadou Kassé, mis à la disposition du ministère de la Communication, depuis 2005, comme Conseiller. Il continue à être pris en charge par la Sspp. Pour le compte du «Soleil», M. Kassé bénéficie toujours d’une prime de responsabilité (100 000 F Cfa), d’une prime de fonction (80 000 F Cfa), d’une indemnité kilométrique (70 000 F Cfa) et d’une indemnité spéciale de téléphone mobile (80 000 F Cfa). 330 000 FCfa qui lui sont versés au titre de membre du Directoire de la Stratégie et des Projets (Dsp) qui lui confère un rang de… Directeur.
Comme si cette bamboula ne suffisait pas, la Cour des comptes a constaté que la plupart des indemnités n’avaient aucun caractère réglementaire et leur octroi n’a fait l’objet d’aucune délibération du Conseil d’administration. Il s’agit du cumul de la prime de fonction avec la prime de responsabilité et de l’octroi de cette dernière à des agents n’y ayant pas droit, comme les Assistantes et Attachés de Direction (35 000 F Cfa), les deux agents commerciaux (35000 F Cfa et 50 000 F Cfa) et une Assistante de gestion (25 000 F Cfa).
La Cour des comptes s’interroge aussi sur la généralisation et du versement de la prime de 14ème mois à l’ensemble du personnel au moment du départ en congé. Selon les vérificateurs, cette prime, qui a été généralisée à partir de juin 2006, n’est prévue dans aucun des textes régissant le personnel administratif de la société et la décision de l’accorder à l’ensemble du personnel n’a fait l’objet d’aucune délibération du Conseil d’administration.
Un exemple de la bamboula : le journaliste Mamadou Kassé
Que dire du versement de la prime spéciale aux comptables, agents administratifs et secrétaires intervenant à Grafisol, l’imprimerie de la Sspp, selon une note de service signée par Mamadou Sèye ? Pour la Cour des comptes cette prime est versée à des agents qui n’interviennent pas directement dans le fonctionnement de l’imprimerie, comme les assistantes principales. Il y’a aussi le versement d’une prime d’usure de vêtement d’un montant de 30 000 F Cfa à tous les chauffeurs de la société, selon une note de service signée par Mamadou Sèye.
En effet, il a été constaté par la Cour des comptes que le personnel technique (journalistes, techniciens) est moins bien rémunéré que le personnel administratif. Ainsi, sur les vingt agents les mieux rémunérés de la société, les onze premiers sont des administratifs, le journaliste le mieux payé, qui se trouve être le Directeur des rédactions, arrive à la douzième position avec un salaire brut de moins de 700 000 F Cfa. Moins que le salaire brut d’une secrétaire, d’une Assistante principale, mieux traitées que le Directeur des rédactions et le Directeur commercial.
Les paradoxes entre certains agents ne s’arrêtent pas là. À titre d’exemple, le chauffeur B.T., ayant 5 ans et 3 mois d’ancienneté au 30 juin 2007, a un salaire net d’un peu moins 240 000 F Cfa, supérieur à celui de C.M. Coly Chef de Bureau régional, qui a une ancienneté de 6 ans et 4 mois. Face à ces injustices manifestes, la Cour des comptes rage : «Cette situation pose un réel problème d’équité dans la mesure où la production dans une société de presse est essentiellement assurée par les journalistes et les autres agents de la rédaction».
Des gestions de El Hadji Kassé à Mamadou Sèye, la situation financière de la Sspp est caractérisée, sur la période 2004 à 2007, par une baisse des principaux indicateurs financiers : le chiffre d’affaires, l’excédent brut d’exploitation, le résultat financier et le résultat d’exploitation. Concernant le chiffre d’affaires, il a connu une chute de 20,42% entre 2004 et 2007. Cette baisse s’explique par la chute des abonnements au siège (- 27,89%) et surtout des recettes tirées des abonnements chez un célèbre vendeur de journaux (-59,37%). Quant au résultat financier, il est également resté négatif sur toute la période de contrôle avec un pic en 2005 à cause de la dotation aux provisions financières des titres de l’Agence de distribution de presse (Adp) à 100%. De 1998 à 2007, les résultats de la Sspp ont été toujours déficitaires et les capitaux propres sont devenus négatifs (-3,128 milliards F Cfa en 2007) ; ce qui signifie que les résultats déficitaires cumulés dépassent le capital social de l’entreprise. Malgré la cession à la Sspp des titres fonciers Tf n° 1520/dg et 5080/Dg et leur inscription à l’actif de la société, la situation n’a pas été régularisée, conformément aux dispositions du Syscohada.
Pour ne pas arranger les choses, la Cour des comptes note que, durant la période sous contrôle, les projets de budget ont été préparés avec beaucoup de retards et soumis à l’approbation du Conseil d’administration, quelques mois après le début de l’exercice en cours. Or, ces retards entraînent l’engagement de dépenses non encore autorisées par le Conseil d’administration. Relativement à l’exécution du budget, les vérificateurs ont noté que les dépassements budgétaires n’ont pas été autorisés par le Conseil d’administration, en violation des dispositions de la loi n°90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, et que des dépenses non budgétisées ont été exécutées sans l’accord dudit conseil.
Cheikh Thiam, l’actuel Directeur général va-t-il réussir là où ses deux prédécesseurs ont échoué en plus d’assombrir les finances de l’astre national ? Macky Sall va-t-il transmettre ce dossier à la Justice comme il l’a fait avec le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de Dakar Dem Dikk malgré la mise en cause formelle d’un de ses proches ?
32 Commentaires
Ilem
En Août, 2012 (12:18 PM)Constat
En Août, 2012 (12:24 PM)Xeme
En Août, 2012 (12:39 PM)Jo
En Août, 2012 (12:43 PM)Aucun corps de contrôle ne doit être soustrait à un contrôle. CECI EST D'UNE NECESSITE VITALE.
Hem
En Août, 2012 (13:21 PM)Diola Bi
En Août, 2012 (13:28 PM)Laké
En Août, 2012 (13:52 PM)Ald
En Août, 2023 (01:18 AM)Cgfhdzgzdgd
En Août, 2012 (13:56 PM)Peuls,
En Août, 2012 (14:01 PM)Sererbi
En Août, 2012 (15:11 PM)Sanor
En Août, 2012 (15:11 PM)Ngor V
En Août, 2012 (15:22 PM)Vérité
En Août, 2012 (15:41 PM)avant de publier leur rapport d'audit, quel est l'utilité d'un tel rapport
autrement dit les audits de 2012 ne seront publier qu'en 2017 le décalage est trop important pour etre faire un audit efficace
Gorg
En Août, 2012 (15:43 PM)Aaaa
En Août, 2012 (17:07 PM)Tigui
En Août, 2012 (17:55 PM)Sere
En Août, 2012 (19:21 PM)Julius
En Août, 2012 (19:30 PM)Vrai
En Août, 2012 (20:18 PM)Boy Dakar
En Août, 2012 (20:42 PM)Malley Thiam
En Août, 2012 (21:17 PM)Ms B
En Août, 2012 (22:03 PM)Le rapport a oublie de noter que sous Kasse le SOLEIL nous livrait de bonnes feuilles avec d'excellents editoriaux signes bien sur par Eh Hadj Kasse himself. Je crois que beaucoup d'internautes reagissent après lecture du titre de l'article mais Ne prennent pas le temps de lire tout l'article. Et beaucoup ne connaissent pas la signification de certains indicateurs mentionnes dans l'article. Donc arretons la critique facile. El Hadj Kasse est un philosophe, un journaliste et un ecrivain honnete.
Los
En Août, 2012 (07:51 AM)Monsieur Dgp, Dpn, Dppdh, Dsd
En Août, 2012 (09:41 AM)Au contraire, le principal braconnier du Soleil, n'est ni lui encore moins l'actuel directeur Ch
Basel
En Août, 2012 (10:25 AM)Au contraire, le principal braconnier du Soleil, n'est ni lui encore moins l'actuel directeur Cheikh Thiam qui est là seulement depuis 2009.
D’ailleurs en lisant l’article, les auteurs parlent plutôt du braconnage Dg Mamadou Seye et de ses amis dont la plupart des responsabilités importantes dans l’entreprise.
Le rapport ne parle pas de la manière dont Mr. Seye et ancien Conseiller spécial du président Wade, chargé des médias du service public, a géré l'astre de Hann deux ans après (c'est-à-dire de 2004 à 2007).
Vous serez tous scandalisés de constater que les comptes du Soleil étaient tellement au rouge que les employés de l’entreprise étaient obligés d’attendre deux à trois mois pour percevoir leur salaire.
Pendant ce temps, les amis de l'ex dg Mamadou Seye, bien installés à la présidence, sous l’ère des Wade et fils, concoctaient un plan de liquidation du Soleil et de récupération de son vaste domaine foncier pour y construire des immeubles à leur profit.
Avec le soutien de ces derniers, il avait également réussi à évincer le pauvre Dg Elhadj Kassé avant terme en se proclamant déjà secrétaire général du Soleil dès 2004.
Donc, Mr Seye s’est servi de quelques responsables syndicalistes maison et de son appartenance au Pds pour écarter définitivement « l’indésirable » Elhadj Kassé de la direction générale.
Ce dernier n’avait jamais accepté d’être membre de cette formation politique libérale et de cautionner certaines pratiques de l’ancien régime qui étaient de règle.
Rappelez-vous comment il a été débarqué.
C’est suite aux vociférations de farba senghor, un des collaborateurs de la première Dame de l’époque qui n’avait pas du tout apprécié le fait que le dg Kassé n’avait ni participé personnellement ni contribué à la manifestation qu’organisait sa fondation.
Basel
En Août, 2012 (11:01 AM)...de la direction générale.
Ce dernier n’avait jamais accepté d’être membre de cette formation politique libérale et de cautionner certaines pratiques de l’ancien régime qui étaient de règle.
Rappelez-vous comment il a été débarqué.
C’est suite aux vociférations de farba senghor, un des collaborateurs de la première Dame de l’époque qui n’avait pas du tout apprécié le fait que le dg Kassé n’avait ni participé personnellement ni contribué à la manifestation qu’organisait sa fondation.
Lui
En Août, 2012 (17:27 PM)Quand vous émettez une traite, celle-ci est soutendue par une prévision de recettes et si ces recettes n'arrivent pas, mais on n'arrive pas à honorer celle-ci par défaut de trésorerie.
Je pense que ce journaliste (ou celui qui a écrit ce texte) a un contentieux avec El Hadj Kasse et qu'il voulait régler; mais c'est vraiment raté.
Examideseye
En Août, 2012 (03:13 AM)Ahmadou Thiam
En Janvier, 2014 (00:21 AM)article, en effet, il n'est mentionné nul part que K
asse a fait perdre un rotin a la sspp Le SOLEIL. En conséquence, la volonté de nuire est manifedte. A moins que M. Mbaye soit si nul pour ne rien comprendre du rapport. Arrêtez ce mode de chantage!! Amoul moudj; ça risque de conduire leur auteur en taule
Anonyme
En Février, 2017 (11:14 AM)Jack Off All
En Février, 2017 (12:44 PM)Participer à la Discussion