
C’est hier, vendredi, un peu avant la prière de 14 h, que nous avons la nouvelle. Une nouvelle brusque, violente et triste : Abdallah Faye nous a quittés. Nous le savions souffrant depuis quelque temps, mais qui aurait pu penser qu’il allait partir comme ça, presque sur la pointe des pieds, comme s’il ne voulait pas importuner ses nombreux amis ! Avec sa disparition, la presse sénégalaise, africaine en général, a perdu une plume illustre. Une plume qui savait si bien retenir l’attention des lecteurs à travers de belles formules dont lui seul avait le secret. Aux côtés de Abdallah Faye, nous avons appris l’essentiel de ce que nous savons actuellement du journalisme. Jeunes reporters insouciants, à la fin des années 1980 et au tout début des années 1990, diplômes du Cesti en poche, nous croyions tout savoir, mais à son contact nous nous rendîmes vite compte que le journalisme, c’est avant tout le terrain. Et du terrain, Abdallah Faye nous en a bien fait découvrir. A cause de nos noms, d’aucuns croyaient qu’il était mon grand frère. A l’époque, il aimait admirablement le « Cahier vacances » du Soleil. Ce furent certainement les meilleurs moments que nous avons passés au sein de cette grande rédaction que nous découvrions en compagnie d’autres jeunes journalistes : El Hadj Amadou Mbaye, Vladimir Monteiro, Seynabou Diop, Diatou Cissé Coulibaly, Mamadou Sèye, Moustapha Sène, Alassane Diawara et toute cette génération des années 1990 qui s’est formée grâce aux conseils et à l’expérience de Abdallah Faye.
Son journalisme à lui, c’est la rigueur dans le traitement de l’information, la vérification des faits quelle que soit l’urgence ou l’heure de bouclage, la recherche d’un style et le respect strict de la déontologie. En plus de 30 ans de carrière, il n’a jamais publié (à notre connaissance) une information qui s’est révélée fausse ou qui lui a valu d’être traîné devant les tribunaux. Ses cadets qui officient actuellement dans les différents médias devraient bien s’inspirer de cet exemple de rigueur professionnelle, de probité morale et d’honnêteté intellectuelle. Le journalisme de Abdallah Faye, c’était aussi une certaine joie de vivre qu’il savait communiquer à ses confrères et à tous ceux qui l’entouraient. Un optimisme presque naturel, un style alerte, enjoué, parfois provocateur, quelque peu désinvolte, mais jamais vulgaire ou gratuitement méchant comme on en trouve, hélas, actuellement, dans bon nombre d’écrits de confrères.
Avec lui, nous partagions cet amour pour l’information culturelle, pour la Culture en général. Non pas cette « sous-culture » (excusez du terme) qui a envahi les écrans de nos télévisions, les ondes de nos radios, les pages de nos journaux et que l’on veut faire passer comme une information « qui vend ». En véritable gentleman de la plume, Abdallah savait ciseler ses mots, les peaufiner, les peser et les soupeser avant de les livrer à ses lecteurs. Il était aussi un homme bien, quelqu’un qu’on voyait rarement élever la voix, entrer dans une colère noire ou dire du mal des autres. Il savait partager et était connu pour sa générosité, son humilité et son sens très élevé des relations humaines. Au « Soleil », il a occupé les postes les plus prestigieux au niveau de la rédaction. Il fut un directeur des rédactions qui a permis au quotidien de briller de mille feux. C’était au tout début des années 2000, au lendemain de la première alternance politique qu’a connue le Sénégal. De cette époque à la fois si loin et si proche, nous gardons toujours de merveilleux souvenirs. Et aujourd’hui, nous revoyons le sourire de Abdallah Faye, nous entendons également son rire si caractéristique, qui résonne encore dans les couloirs du journal, comme si son absence (à laquelle nous devons désormais nous habituer) avait laissé un immense vide qui sera difficile à combler. Adieu confrère, adieu grand frère et qu’Allah t’accueille dans le plus beau des Paradis…
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