Piliers essentiels de la vie socio-économique de l'île Mémoire, les Baye Fall du Mont Castel se distinguent par leur discrétion. Installés dans des souterrains et d'anciens édifices abandonnés par les colons, ces gardiens infatigables luttent chaque jour pour préserver et valoriser un lieu qu'ils ont su rendre irrésistiblement attractif.
Se rendre à Gorée sans gravir le Mont Castel est un voyage inachevé. Sur ce point culminant de l’île se trouve l’imposant mémorial de Gorée, en forme de demi-bateau pointé vers le ciel. Outre cet édifice, les visiteurs peuvent aussi contempler l’un des vestiges de l’occupation coloniale : les doubles canons qui constituent l'attraction principale du lieu. En se rendant à l'une des extrémités de cette montagne, on découvre un endroit où l'on se laisse subjuguer par la vue panoramique de l’île, marquée par la prédominance du rouge sur les toitures. Bien au-delà d’être une simple attraction touristique, la place centrale du mont Castel recèle un secret bien gardé depuis des années. Sous son sol en béton armé, des familles goréennes vivent dans des souterrains dont les entrées, bien que visibles, sont souvent ignorées par les visiteurs. D’ailleurs, l’une de ces entrées jouxte le mémorial de Gorée. L’endroit était autrefois occupé par l’armée française qui y avait construit une poudrière et une infirmerie pour les soldats. En y accédant, on est immédiatement frappé par l’état de délabrement des lieux avec ses murs décrépis. Nonobstant cet aspect, le lieu semble plein de vie. Il bénéficie d’électricité et, pour l’eau, il faut se ravitailler à une pompe située en contrebas. Ce confort moderne est dû à la réalisation du film « Karmen Guï », tourné sur l’île en 2000.
De l’ombre à la lumière : les Baye Fall et leur mode de vie Hakuna matata
Pour les besoins du tournage de ce film sulfureux, les souterrains avaient été nettoyés et alimentés en électricité. L’un des résidents de ces galeries est Baye Souleye Ly. Arrivé à Gorée en 1984, il vit dans ce bunker avec sa petite famille. Membre de la confrérie mouride, il fait partie de la communauté Baye Fall qui a élu domicile sur le mont Castel. « Ils ont nettoyé la montagne et s’y sont installés avec leur savoir-faire. Ce sont des hommes spirituels, ils ont apporté une autre façon de voir les choses », explique Baye Souleye Ly. Concernant leur mode de vie, ils semblent, comme à l’accoutumée, se contenter du peu qu’ils ont à leur disposition. « Pour se nourrir, ils n'ont pas nécessairement besoin d'un salaire. Ils demandent parfois de la nourriture aux habitants locaux qui partagent leurs repas avec eux », ajoute-t-il en mettant en avant leur implication dans l’artisanat local. À l’instar de ses confrères présents sur la montagne, il tient un atelier de peinture sur sable situé non loin du mémorial de Gorée. En sillonnant la montagne, on peut voir d’autres boutiques d’objets d’art, comme celle d’Ibrahima Barry, artiste peintre. Il y commercialise des colliers en perles et coquillages, des éventails, des robes africaines, des bracelets… Bref, des souvenirs pour tous les goûts.
Juste à côté de son atelier, l’homme vit avec sa famille dans une maison en planches au cadre bien entretenu. Leurs activités commerciales leur permettent de contribuer à l’essor économique de Touba en apportant leur participation financière. Alors que les visiteurs s’empressent de prendre des photos avec les canons du mont Castel, sous leurs pieds, s’affairent des artisans comme Modou Mballo. Cet artiste peintre Baye Fall a fait de cet ancien magasin de stockage de munitions des canons son lieu de travail. Dans cet endroit sombre, éclairé par les faibles rayons de soleil pénétrant par certaines parties du vestige de guerre, il expose ses œuvres et des robes. Grâce aux maigres revenus issus de son commerce, il essaye, tant bien que mal, d’entretenir les lieux qui souffrent de l’impact du temps. À ce sujet, Modou Mballo lance un appel aux autorités afin qu'elles l’accompagnent dans sa lutte pour la préservation de ce lieu.
L’ascension du Mont Castel grâce à des Baye Fall longtemps persécutés
Si le mont Castel est devenu aussi attractif, il ne l’était pas il y a plusieurs années en arrière. Même les habitants de l’île ne s’y rendaient pas. Ce changement de paradigme est en grande partie l’œuvre des Baye Fall. Djibril Seck, conseiller municipal à la mairie de Gorée et qui se revendique aussi membre de cette communauté revient sur le changement apporté par les siens : « Le Castel a été associé aux Baye Fall, car autrefois, les habitants de Gorée n'y allaient pas. En effet, après le départ des colons, ce sont les Baye Fall qui ont occupé les lieux laissés en héritage. Ce sont donc eux qui ont incité les gens à revenir au Castel ». Alors qu’ils semblent, à présent, couler des jours heureux en communion avec la nature - quiétude très souvent perturbée par les touristes - il est difficile d’imaginer qu’ils ont dû traverser des périodes tumultueuses avant de savourer cette paix. Résidents de ces héritages coloniaux depuis le départ des troupes françaises de l’île, les Baye Fall ont longtemps été considérés comme des sans domicile fixe, des squatteurs par les autorités et la population locale. Baye Souleye Ly revient sur ces temps difficiles : « J'ai été emprisonné à deux reprises. Nous avons été soutenus par de nombreux avocats, parmi lesquels Me Yérim Thiam, un avocat de talent qui s'est engagé à nous défendre bénévolement. Il était conscient de la cause que nous défendions et savait que nous étions dans notre bon droit. Souvent, lors des procès, il arrivait que nous ne soyons pas d'accord avec certains juges sur certains termes. Ils se fâchaient et nous enfermaient. J'ai purgé deux mois de détention après avoir dit au juge Badiane : ‘Vous ne comprenez pas réellement la différence entre un talibé mouride et un talibé Baye Fall’. Elle s'est énervée et m'a infligé une peine de deux mois. Cette expérience en prison a été bénéfique pour moi, car j'y ai appris de nombreuses choses ». Cette « chasse aux Baye Fall » a pris fin avec l’arrivée au pouvoir de Me Abdoulaye Wade en 2000.
De la marginalisation à l’inclusion : l’impact de la communauté Baye Fall sur l'environnement de Gorée
Cette alternance a marqué la fin des rafles et facilité l’insertion de la communauté au sein de l’île. Leur voix compte désormais. Leur connexion avec la nature en a fait des acteurs écologiques de premier plan à Gorée. Avec la mairie, ils participent à des projets de gestion des ordures et des programmes de protection de l’environnement. Baye Souleye Ly confie : « Cela nous a permis de devenir des citoyens plus écologiques. Le centre de compostage est situé au niveau de la montagne, où nous l'utilisons pour améliorer notre environnement. Nous pratiquons des reboisements et effectuons des opérations de nettoyage, comme tout le monde. Vous remarquerez qu’au niveau de la montagne, il n'y a pas de dépôts d'ordures, car nous veillons scrupuleusement à maintenir la propreté ».
Depuis son accession à la mairie de Gorée en 2002, Me Augustin Senghor s’est rapproché de cette communauté. La municipalité compte lancer un projet de réfection de certains édifices du mont Castel au profit de ses résidents. Ce projet de réfection qui vient à son heure marque une nouvelle étape dans l’intégration et la reconnaissance des Baye Fall du mont Castel qui continuent de jouer un rôle central dans la préservation écologique et l’attractivité de l’île.
Se rendre à Gorée sans gravir le Mont Castel est un voyage inachevé. Sur ce point culminant de l’île se trouve l’imposant mémorial de Gorée, en forme de demi-bateau pointé vers le ciel. Outre cet édifice, les visiteurs peuvent aussi contempler l’un des vestiges de l’occupation coloniale : les doubles canons qui constituent l'attraction principale du lieu. En se rendant à l'une des extrémités de cette montagne, on découvre un endroit où l'on se laisse subjuguer par la vue panoramique de l’île, marquée par la prédominance du rouge sur les toitures. Bien au-delà d’être une simple attraction touristique, la place centrale du mont Castel recèle un secret bien gardé depuis des années. Sous son sol en béton armé, des familles goréennes vivent dans des souterrains dont les entrées, bien que visibles, sont souvent ignorées par les visiteurs. D’ailleurs, l’une de ces entrées jouxte le mémorial de Gorée. L’endroit était autrefois occupé par l’armée française qui y avait construit une poudrière et une infirmerie pour les soldats. En y accédant, on est immédiatement frappé par l’état de délabrement des lieux avec ses murs décrépis. Nonobstant cet aspect, le lieu semble plein de vie. Il bénéficie d’électricité et, pour l’eau, il faut se ravitailler à une pompe située en contrebas. Ce confort moderne est dû à la réalisation du film « Karmen Guï », tourné sur l’île en 2000.
De l’ombre à la lumière : les Baye Fall et leur mode de vie Hakuna matata
Pour les besoins du tournage de ce film sulfureux, les souterrains avaient été nettoyés et alimentés en électricité. L’un des résidents de ces galeries est Baye Souleye Ly. Arrivé à Gorée en 1984, il vit dans ce bunker avec sa petite famille. Membre de la confrérie mouride, il fait partie de la communauté Baye Fall qui a élu domicile sur le mont Castel. « Ils ont nettoyé la montagne et s’y sont installés avec leur savoir-faire. Ce sont des hommes spirituels, ils ont apporté une autre façon de voir les choses », explique Baye Souleye Ly. Concernant leur mode de vie, ils semblent, comme à l’accoutumée, se contenter du peu qu’ils ont à leur disposition. « Pour se nourrir, ils n'ont pas nécessairement besoin d'un salaire. Ils demandent parfois de la nourriture aux habitants locaux qui partagent leurs repas avec eux », ajoute-t-il en mettant en avant leur implication dans l’artisanat local. À l’instar de ses confrères présents sur la montagne, il tient un atelier de peinture sur sable situé non loin du mémorial de Gorée. En sillonnant la montagne, on peut voir d’autres boutiques d’objets d’art, comme celle d’Ibrahima Barry, artiste peintre. Il y commercialise des colliers en perles et coquillages, des éventails, des robes africaines, des bracelets… Bref, des souvenirs pour tous les goûts.
Juste à côté de son atelier, l’homme vit avec sa famille dans une maison en planches au cadre bien entretenu. Leurs activités commerciales leur permettent de contribuer à l’essor économique de Touba en apportant leur participation financière. Alors que les visiteurs s’empressent de prendre des photos avec les canons du mont Castel, sous leurs pieds, s’affairent des artisans comme Modou Mballo. Cet artiste peintre Baye Fall a fait de cet ancien magasin de stockage de munitions des canons son lieu de travail. Dans cet endroit sombre, éclairé par les faibles rayons de soleil pénétrant par certaines parties du vestige de guerre, il expose ses œuvres et des robes. Grâce aux maigres revenus issus de son commerce, il essaye, tant bien que mal, d’entretenir les lieux qui souffrent de l’impact du temps. À ce sujet, Modou Mballo lance un appel aux autorités afin qu'elles l’accompagnent dans sa lutte pour la préservation de ce lieu.
L’ascension du Mont Castel grâce à des Baye Fall longtemps persécutés
Si le mont Castel est devenu aussi attractif, il ne l’était pas il y a plusieurs années en arrière. Même les habitants de l’île ne s’y rendaient pas. Ce changement de paradigme est en grande partie l’œuvre des Baye Fall. Djibril Seck, conseiller municipal à la mairie de Gorée et qui se revendique aussi membre de cette communauté revient sur le changement apporté par les siens : « Le Castel a été associé aux Baye Fall, car autrefois, les habitants de Gorée n'y allaient pas. En effet, après le départ des colons, ce sont les Baye Fall qui ont occupé les lieux laissés en héritage. Ce sont donc eux qui ont incité les gens à revenir au Castel ». Alors qu’ils semblent, à présent, couler des jours heureux en communion avec la nature - quiétude très souvent perturbée par les touristes - il est difficile d’imaginer qu’ils ont dû traverser des périodes tumultueuses avant de savourer cette paix. Résidents de ces héritages coloniaux depuis le départ des troupes françaises de l’île, les Baye Fall ont longtemps été considérés comme des sans domicile fixe, des squatteurs par les autorités et la population locale. Baye Souleye Ly revient sur ces temps difficiles : « J'ai été emprisonné à deux reprises. Nous avons été soutenus par de nombreux avocats, parmi lesquels Me Yérim Thiam, un avocat de talent qui s'est engagé à nous défendre bénévolement. Il était conscient de la cause que nous défendions et savait que nous étions dans notre bon droit. Souvent, lors des procès, il arrivait que nous ne soyons pas d'accord avec certains juges sur certains termes. Ils se fâchaient et nous enfermaient. J'ai purgé deux mois de détention après avoir dit au juge Badiane : ‘Vous ne comprenez pas réellement la différence entre un talibé mouride et un talibé Baye Fall’. Elle s'est énervée et m'a infligé une peine de deux mois. Cette expérience en prison a été bénéfique pour moi, car j'y ai appris de nombreuses choses ». Cette « chasse aux Baye Fall » a pris fin avec l’arrivée au pouvoir de Me Abdoulaye Wade en 2000.
De la marginalisation à l’inclusion : l’impact de la communauté Baye Fall sur l'environnement de Gorée
Cette alternance a marqué la fin des rafles et facilité l’insertion de la communauté au sein de l’île. Leur voix compte désormais. Leur connexion avec la nature en a fait des acteurs écologiques de premier plan à Gorée. Avec la mairie, ils participent à des projets de gestion des ordures et des programmes de protection de l’environnement. Baye Souleye Ly confie : « Cela nous a permis de devenir des citoyens plus écologiques. Le centre de compostage est situé au niveau de la montagne, où nous l'utilisons pour améliorer notre environnement. Nous pratiquons des reboisements et effectuons des opérations de nettoyage, comme tout le monde. Vous remarquerez qu’au niveau de la montagne, il n'y a pas de dépôts d'ordures, car nous veillons scrupuleusement à maintenir la propreté ».
Depuis son accession à la mairie de Gorée en 2002, Me Augustin Senghor s’est rapproché de cette communauté. La municipalité compte lancer un projet de réfection de certains édifices du mont Castel au profit de ses résidents. Ce projet de réfection qui vient à son heure marque une nouvelle étape dans l’intégration et la reconnaissance des Baye Fall du mont Castel qui continuent de jouer un rôle central dans la préservation écologique et l’attractivité de l’île.
10 Commentaires
Momo
En Août, 2024 (13:10 PM)Ce sont des citoyens exemplaires qui ne connaissent que le travail.
Reply_author
En Août, 2024 (19:48 PM)Il faut dire d'emblée que le conseiller municipal qui prétend que Castel a été revalorisé par les baye fall raconte des histoires.
Les 1ers baye fall venus s'installer à Gorée n'avaient aucune motivation spirituelle ou religieuse. Ils sont venus et sont restés d'une part parce qu'ils avaient un havre pour fumer leur yamba sans être dérangés ,et d'autre part cette île très fréquentée par les touristes européens et américains était pour eux le terrain de chasse idéal pour s'acoquiner avec les blanches et afroamericaines shootées à toutes les substances psychotropes imaginables. C'est le plus court chemin pour avoir un visa pour les Eldorado que sont les Usa et l'Europe.
Les baye fall se sont ensuite transformé en vendeurs à la sauvette d'objets dits d'art puis de drogue. Ce processus de colonisation a débuté dans les années 1980.
Nous fréquentions Gorée durant toute notre adolescence parce que j'y avais des parents et des amis. À plus de 70 ans aujourd'hui ce journaliste veut nous conter des romances baye fall dans un décor de montagne imaginaire.
Ces baye fall sont des parasites nuisibles à la société et le prouvent par leur comportement partout où ils s'installent. En ville leur mendicité invasive et agressive, leur addiction à toutes les drogues ont fini de mettre tout le monde d'accord qu'il faut les chasser de nos villes et les renvoyer près de leurs vénérés maîtres au lieu de rester en ville à ne rien foutre et indisposer les honnêtes gens.
886
En Août, 2024 (23:25 PM)Reply_author
En Août, 2024 (15:30 PM)Sidi Mbacké
En Août, 2024 (15:59 PM)Diaxlé
En Août, 2024 (17:45 PM)Au Sénégal certains vont construire sous les files à Haute Tension 15 000 Volts et quelques années aprés vont dire que c' est leur titre foncier parce que les 10 gosses sur 12 y sont nés. Il faut expulser ces gens rapidement et amenager.
Sandjoxo
En Août, 2024 (19:44 PM)Cependant deux choses me dérangent :
-L'irresponsabilité criminelle des services de l'urbanisme et de l'habitat qui laisse des familles vivre en sous-sol dans des espaces confinés, sa ventilation ni éclairage naturel. Le moindre incendie peut faire un hécatombe.
-Pourquoi donc ces citoyens bossent, se serrent la ceinture pour engraisser des gourous qui se coulent douce à des centaines de km. La promesse du paradis ?
Sandjoxo
En Août, 2024 (19:46 PM)Cependant deux choses me dérangent :
-L'irresponsabilité criminelle des services de l'urbanisme et de l'habitat qui laisse des familles vivre en sous-sol dans des espaces confinés, sa ventilation ni éclairage naturel. Le moindre incendie peut faire un hécatombe.
-Pourquoi donc ces citoyens bossent, se serrent la ceinture pour engraisser des gourous qui se coulent douce à des centaines de km. La promesse du paradis ?
Moom
En Août, 2024 (18:42 PM)Participer à la Discussion