Une nouvelle frontière vient de tomber pour l'homme: celle des odeurs. Le nez est bien plus subtil que l'œil ou l'oreille. Il serait capable de distinguer au moins 1 000 milliards d'odeurs différentes, au lieu de 10 000, le nombre admis depuis 1927. Tandis que l'œil pourrait distinguer entre 2,3 et 7,5 millions de couleurs et l'oreille de l'ordre de 340 000 tonalités différentes.
Telle est la conclusion de l'expérience publiée, le 20 mars, dans le magazine Science. Andreas Keller, chercheur au laboratoire de neurogénétique du comportement, de l'Université Rockefeller à New York, a élaboré une méthode originale pour tordre le coup aux idées reçues.
Au moyen de 128 molécules odorantes, mélangées par lots de 10, 20 ou 30 composés, 260 solutions ont été créées. Puis, vingt-huit personnes ont distingué ces différentes mixtures au moyen d'un test simple. Pour chaque mixture, ils «devaient sentir au laboratoire trois fioles: deux contenaient le même mélange et la troisième un autre. Chacun devait reconnaître celles qui avaient la même odeur», rappelle Caroline Bushdid, étudiante en master de chimie à l'Université Pierre-et-Marie-Curie, qui a travaillé sur cette expérience aux États-Unis.
Au moyen de cette «discrimination d'odeurs », il a ainsi été possible d'extrapoler le nombre théorique de paires de mélanges qui pourraient être créées. Par un calcul statistique, les chercheurs ont évalué au moins à mille milliards le nombre de stimuli différents reconnus par une personne ayant un odorat moyen.
«L'étude est astucieuse, élégante et donne probablement un nombre beaucoup plus proche de la réalité » des odeurs, estime le Dr Jean-Pierre Royet du centre de recherche en neurosciences, à l'université Lyon-I. Son collègue Moustafa Bensafi ajoute: «Je suis absolument d'accord avec Andreas Keller. Le nombre d'odeurs est beaucoup plus important que celui qui circule toujours dans la littérature en neurosciences et qui reste estimé à 10 000 depuis 1927». À l'époque, deux scientifiques avaient assuré, de manière empirique, que toutes les odeurs pouvaient être classées selon 4 sensations olfactives (florale, brûlée, animale et acide) ayant chacune une intensité comprise entre 0 et 8. D'où un nombre de combinaisons possibles égale à 6 561 (9 à la puissance 4), qui avait été arrondi à 10 000. La réalité est plus complexe. À elle seule, l'odeur de la rose est composée de plus de 275 molécules différentes. «Seulement en 2012, 1 200 parfums nouveaux et différents ont été lancés dans le monde », ajoute Caroline Bushdid. Enfin, l'espace chimique, qui inclut les molécules odorantes et non odorantes, peut être estimé au total à environ 10 puissance 60 (un 1 suivi de 60 zéros), selon une communication personnelle du Dr Jérôme Golebiowski de l'Institut de chimie de Nice, précise Moustafa Bensafi.
350 récepteurs spécifiques pour l'odorat
«Notre nombre de 1 000 milliards est conservateur », convient Andreas Keller. La perception des odeurs le fascine depuis de nombreuses années, car «l'odorat humain est aussi beaucoup plus simple et beaucoup plus primitif que la vision ou l'audition et je pense qu'étudier des systèmes simples rend possible la découverte des principes de base ».
Le fonctionnement du nez fait toujours débat. Des pistes sont tracées. L'homme dispose de 350 récepteurs spécifiques pour l'odorat. «Tandis que le système visuel ne nécessite que 3 gènes pour détecter le spectre des couleurs », ajoute Jean-Pierre Royet, qui précise que «les récepteurs olfactifs, situés dans les narines, sont les seuls types de récepteurs en contact avec l'environnement extérieur. Les récepteurs visuels sont protégés de l'extérieur par la cornée, ceux auditifs par le tympan. Cela explique pourquoi le remplacement des récepteurs olfactifs est très élevé. Ils sont remplacés à peu près tous les mois ».
2 Commentaires
Roglio
En Mars, 2014 (19:03 PM)!
Deudooooo
En Mars, 2014 (19:15 PM)Participer à la Discussion