
Depuis quelques mois maintenant, il est beaucoup question de la dette publique au Sénégal. La sortie du Premier ministre, le rapport de la Cour des comptes, la réaction des agences de notation et maintenant les appréciations de la Bceao en font un sujet majeur du débat public à Dakar. Et beaucoup s'inquiètent désormais de la capacité du Sénégal de payer sa dette évaluée à plus de 100% du Pib.
Seneweb a décidé de se pencher sur la question pour voir de manière pratique, comment un Etat s’emploie pour honorer ses engagements financiers vis-à-vis des bailleurs.
Expert financier, Guy Silva Thiam rappelle qu’un Etat s’endette auprès de plusieurs créanciers. Chaque convention de prêt est accompagnée d’un échéancier de remboursement dont la base peut être mensuelle, trimestrielle ou annuelle. L’Etat fait face donc à plusieurs échéances. Pour mieux gérer tout cela, l’Etat du Sénégal par exemple dispose d’une direction dédiée qui est la Direction de la dette publique (DDP) dirigée actuellement par Alioune Diouf.
Chaque année donc, un État dresse un calendrier de remboursement de sa dette appelé tableau d’amortissement dans le jargon. Il prévoit les différentes échéances dans l’année et le montant pour chaque opération.
Pour payer sa dette, explique l’économiste Bouna Niang, un Etat a besoin de ressource notamment en devise. « Pour disposer de devise, il faut soit exporter et se faire payer en devise, soit mobiliser des ressources sur le marché », précise-t-il. A noter que l’argent issu des programmes avec le Fmi ne peut pas servir à payer une dette.
La première option consiste donc à utiliser les ressources disponibles. L’exportation est une modalité. Il y a aussi la mobilisation interne via les impôts, les taxes, les droits de douanes. Si l’Etat a un problème pour mobiliser ces ressources internes, explique Guy Silva Thiam, il peut aussi céder des parts ou vendre un patrimoine. Le rapport de la Cour des comptes révèle que l’ancien régime a en usé et peut-être même abusé avec le patrimoine bâti de l’Etat.
L’autre option est la levée de fonds comme les eurobonds ou les titres sur le marché de l’Uemoa. Autrement dit, il s’agit ici de s’endetter encore pour honorer une échéance afin de ne pas être en défaut de paiement. Guy Silva Thiam rappelle que sur les 1184 milliards d’eurobonds levés en 2018 par le gouvernement de Macky Sall, une partie a servi à racheter un eurobond de 2011.
La crédibilité oblige les gouvernants à être très regardants sur le respect des délais. « Un Etat qui ne rembourse pas à date échue est catégorisé mauvais payeur. Et plus personne ne voudra lui prêter, quelles que soient les relations. Et dans ce cas, il ne pourra plus financer son déficit », souligne Guy Silva Thiam.
En 2024 par exemple, l’Etat du Sénégal s’est acquitté de presque toutes ses dettes à fin septembre, si l’on se fie au troisième rapport d’exécution budgétaire. « Les charges financières de la dette au cours du troisième trimestre 2024 s’élèvent provisoirement à 567,75 milliards, représentant environ 98,2% des prévisions de la LFI 2024 », note le document.
Pour les pays de la zone CFA, le problème de devise se pose moins, selon nos interlocuteurs, du fait de la mutualisation des ressources dans le cadre de l’Union monétaire. Ainsi, si un Etat manque de devise, la Bceao peut compenser. Mais cela n’enlève en rien la responsabilité individuelle de chaque Etat. La dégradation de la note du Sénégal en est d’ailleurs l’illustration parfaite.
Par contre, pour les autres pays qui disposent de leur propre monnaie, la situation peut-être parfois difficile. Notamment lorsque les devises issues des importations sont insuffisantes pour payer la dette. Le problème de la convertibilité de la monnaie peut aussi se poser.
Que faire alors, lorsqu’un pays a des difficultés pour payer ses dettes ? Tout dépend de ses créanciers, répond Bouna Niang. S’il s’était endetté auprès du FMI, de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement, il peut engager des négociations pour un rééchelonnement, c’est-à-dire un réaménagement du calendrier de paiement. Dans ce cas, si les créanciers sont des États ou des institutions publiques, les négociations se font au club de Paris.
Si les prêteurs sont privés, le tour de table a lieu au club de Londres. Mais cette modalité est moins intéressante, puisque l’Etat continue à payer des intérêts pendant que le stock de la dette reste inchangé. Autrement dit, la durée est allongée, mais les intérêts augmentent. Les Etats font recours à cette option lorsqu’un problème de liquidité se pose.
A côté du rééchelonnement, il y a la remise de la dette ‘’plus intéressante’’, selon Bouna Niang, mais plus difficile à avoir. Il s’agit soit d’une réduction, soit d’une annulation pure et simple de la dette. Les pays africains l’ont déjà connue au début des années 2000.
Aujourd’hui, beaucoup de pays africains font face à un surendettement. Le Sénégal a déjà franchi la barre des 100% du Pib, le Ghana a dû faire appel au Fmi. Le président camerounais Paul Biya s’est inquiété de la situation des pays de la Cemac. Faut-il, dans ce contexte, envisager une nouvelle remise en faveur du continent. « Les pays africains doivent constituer une sorte de front pour engager le débat », préconise Bouna Niang qui précise toutefois que ce ne sera pas facile.
7 Commentaires
Rm
il y a 4 jours (08:29 AM)Golden Sentinelle
il y a 4 jours (08:30 AM)Vos contributions sont nécessaires et pertinentes.
Cela permet d'informer les citoyens sur des questions de finances publiques.
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il y a 4 jours (09:14 AM)Liila
il y a 4 jours (13:05 PM)Le Penseurmerci A Toi Macky Sa
il y a 4 jours (13:31 PM)Reply_author
il y a 4 jours (16:17 PM)Right
il y a 3 jours (10:37 AM)Participer à la Discussion