Trois questions à Abdoulaye Sall, inspecteur de l’Iden de Pikine
Le Messager : les déperditions scolaires ont été choisies comme thème de cette semaine nationale de l’école de base. Quelle est la situation au niveau de votre Iden ?
Abdoulaye Sall : Les déperditions scolaires sont une réalité dans le système éducatif. Mais, depuis 2 000, avec l’avènement du Pdef, on sent une nette amélioration par rapport à ces déperditions. Ici, à Pikine, particulièrement, nous notons un échec assez important surtout au niveau du Cfee et de l’entrée en 6ème. Les taux de réussite sont en dents de scie. Parfois, on a des taux élevés et d’autres fois des taux très faibles. Cela a été le cas l’année dernière où nous étions l’Iden avant-dernière de la région pour ce qui est du Cfee. Ce qui veut dire que nous devons davantage travailler pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés par rapport à la réussite des élèves mais également par rapport au taux d’achèvement. Nous nous sommes rendu compte qu’au niveau de beaucoup de quartiers de Pikine, qui est une zone défavorisée du point de vue des infrastructures et des revenus, il y a beaucoup de redoublements et d’abandons. Les élèves, dés qu’ils redoublent deux fois, abandonnent l’école. Ils se retrouvent ainsi dans une autre école qui est l’école de la rue. Les garçons deviennent des apprentis tandis que les filles s’adonnent au commerce. Et c’est cette population qui, aujourd’hui, peuple les marchés de Dakar. Pratiquement, tous ceux qui évoluent dans l’informel viennent de la banlieue. Il y a un autre problème à Pikine, à savoir le changement de paradigme par rapport à la perception que les gens ont de l’école. Souvent, à côté de l’école officielle, il y a ce que j’appelle, personnellement, l’école de la lutte. Il n’y a pas une école à Pikine qui ne se transforme pas en arène d’entraînement à partir de 17 heures. Et les élèves sont quelquefois pressés de quitter l’école pour venir regarder ces entraînements. Aussi, nous devons revoir le type d’école que nous avons dans la banlieue, essayer de voir comment faire pour prendre en charge les préoccupations des jeunes, comment arriver à un taux d’achèvement plus important. Il faut que les enfants puissent aller jusqu’en classe de troisième au moins, qu’ils restent davantage dans les écoles. Si nous arrivons à atteindre cet objectif, je suis sûr que la référence va revenir à ceux-là qui réussissent dans le système éducatif. Mais, aujourd’hui, le modèle, c’est Balla Gaye ou les chanteurs. Je ne dis pas que ce qu’ils font n’est pas bon, mais tout le monde ne peut pas réussir dans ces domaines.
Quelles solutions préconisez-vous concrètement pour inverser la tendance ?
Des solutions, il y en a. Nous, au niveau de Pikine, par exemple, nous venons de décrocher avec la Banque mondiale un plan d’actions qui va nous permettre de prendre en charge les classes qui font de mauvais résultats et de former les enseignants. De plus en plus, du fait de la retraite des doyens, nous avons de jeunes enseignants qui viennent des corps émergents et qui ont besoin de plus de formation. C’est dans ce cadre que nous avons sollicité la Banque mondiale pour requalifier ces enseignants, les professionnaliser afin qu’ils puissent bien gérer les écoles. Il y a un autre aspect qui a été réglé par l’Etat, à savoir l’accès. Aujourd’hui, il y a partout des écoles à Pikine et les effectifs sont en train d’être stables avec 40 à 50 élèves par classe. Ce qui permet de faire un bon apprentissage. Il faudrait, cependant noter qu’il y a des zones telles que Guinaw Rail, où les effectifs sont encore assez importants avec le système des
double- flux. A Guinaw rail, nous n’avons que deux écoles primaires. Ce qui pose problème. Mais, si nous arrivons à réduire le coût des charges des parents, ce à quoi le maire de Pikine compte s’atteler dès l’année prochaine, je pense que les élèves vont davantage rester dans le système. Il faudrait également faire en sorte que les filles, de plus en plus, puissent rester dans les écoles. A ce niveau, nous sommes en train de faire un travail de sensibilisation et d’information et sous peu, il y aura des améliorations.
Est-ce que l’Etat est en train de jouer le rôle que l’on attend de lui dans le sens de cette recherche de solutions ?
L’Etat, c’est moi. Et l’année dernière, j’ai acheté, avec le crédit que j’ai, près de 30 000 cahiers que j’ai mis à la disposition des écoles. C’est rare. Tous les élèves ont pu disposer de cahiers. Il y a aussi la formation des enseignants avec le curriculum de l’éducation de base qui est totalement pris en charge par l’Etat. Maintenant, c’est vrai, il y a un aspect qui me semble important et qu’il faudrait régler, c’est que, ces élèves, quand ils réussissent au niveau du Cm2 ont des problèmes pour continuer parce qu’ils n’ont pas assez de lycées d’accueil. Les Cem, aujourd’hui, ont des effectifs pléthoriques. Cela ne motive pas les enfants. Au-delà du cycle primaire, on doit aussi penser à régler le problème de l’accès au niveau des classes du moyen secondaire pour pouvoir accueillir tous ces élèves qui réussissent à l’entrée en 6ème.
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