Des centaines de mécaniciens et de vulcanisateurs s’agitent encore sur les monticules de gravats, plus de 24 heures après l’incendie des Allées Papa Guèye Fall. Ils fouillent dans l’espoir de récupérer ce qui est récupérable. Les plus faibles sur le plan psychologique ont les yeux débordants de larmes. Leurs économies de plusieurs décennies sont parties en fumée.
Les allées Papa Guèye Fall sont fermées à la circulation depuis lundi nuit. Des barrières sont alignées sur toute la largeur, des policiers effectuent des allers et retours. Une femme frêle, vêtue de « ?thioub? » multicolore, tournoie sur les cendres de ce qui reste de sa cantine. Elle a les larmes aux yeux. Elle essaie de nous faire quelques confessions. Sa petite sœur s’oppose? : « ?Il faut arrêter. Depuis hier, vous avez beaucoup parlé à la presse? », dit-elle. La dame a tout perdu. Derrière les trois arbres de sapin calcinés, des nuées de fumées s’élèvent toujours.
Des gravats occupent plusieurs centaines de mètres. Perchés sur ces monts de ferraille et de béton, les vulcanisateurs et les vendeurs creusent. Les sinistrés, armés de pelles ou de pioches de fortune, fouillent les décombres. Ils tentent, dans le désespoir, de trouver ce qui est récupérable. Moustapha Seck est accroupi sur un tas de ruines, ce qui reste de sa cantine, il s’évertue à retirer les jantes. Ses frères musclés tirent les jantes des décombres pour les acheminer vers le trottoir. « ?J’ai perdu des pneus d’une valeur de deux millions. Ce n’est pas facile. Nous devons continuer à travailler? », lâche Moustapha Seck en sueur.
L’effervescence sur les décombres
Ses deux frères ont retiré plus d’une vingtaine de jantes. Sur les vallons qui séparent des amas de ferraille, plus d’une dizaine de garçons dégagent les gravats. Des personnes tentent de récupérer une partie de leurs biens. L’intensité des flammes se lit à travers ces deux sapins, ces tonnes de zincs noircis. « ?Ici, il ne reste rien. Je connais bien ce lieu. Les personnes se donnaient corps et âme au travail. C’est triste, c’est une grande perte? », ne cesse dire le vieux El Hadji Ndiaye Ngom de « ?Djolof pneumatique? », qui fait partie des premières personnes qui ont ouvert des cantines sur cet espace. Aujourd’hui, il continue à vendre des pneus sur l’avenue Lamine Guèye.
40 ans d’économie en fumée
Un jeune, se tenant le menton, se promène sur les chaînes de gravats. Il monologue. Sa fortune bâtie sur plusieurs années de labeur est réduite en cendres. Les tas de décombres fourmillent. Des centaines de personnes couvertes de suie portent des jantes ou des lamelles d’aluminium. Elles se déplacent avec difficulté pour regagner la chaussée dégagée, posent les matériels récupérés près du camion-citerne des sapeurs pompiers avant de repartir. Sur le trottoir mitoyen des allées Papa Guèye Fall, les envolées de compassion fusent. « ?Nul ne peut quelque chose contre la volonté divine? », ne cessent de répéter les parents et les commerçants venus de Touba ou des autres centres de commerce. Les femmes des victimes, couvertes de foulard, sont aussi venues soutenir leurs époux en ces moments douloureux. La tristesse est palpable sur leur visage. Le trottoir est noir de monde, comme si l’incendie venait d’éclater. Une foule s’agglutine autour d’un coffre-fort calciné. « ?Personne ne peut évaluer les pertes causées par cet incendie. Plusieurs cantines sont réduites en cendre », laisse entendre Cheikh Thiaw. Son père, Djiby Thiaw, y travaille depuis 40 ans. Deux pelles mécaniques sont à l’œuvre, elles chargent des bennes qui se retirent en sifflant. Un engin excave sous l’œil de Ndiogou Fall. Cet homme de grande taille est stoïque. Il retient l’attention des curieux. Il a le regard suspendu sur l’activité des engins. Ndiogou Fall est le commerçant le plus âgé. Ses parents sont venus partout du Sénégal pour le soutenir. En bon talibé mouride, il s’en remet au Bon Dieu. « ?Je ne vais pas vous dire combien j’ai perdu en termes d’argent. Mes cinq cantines remplies de pneus et de chambres à air sont incendiées? », confesse Ndiogou Fall. Jusqu’à 13 heures, les personnes continuent à affluer vers le lieu de l’incendie. La foule devient de plus en plus compacte. Jusqu’aux environs de 13 heures, le mystère entoure encore l’origine de l’incendie. Un grand marabout mouride a formulé des prières pour conjurer le mauvais sort.
Au total, ce sont 12 engins des sapeurs-pompiers du Sénégal et des Forces françaises du Cap Vert qui sont entrés en jeu pour éteindre le feu. Sur les lieux, des flammes continuent à s’élever plus de 24 heures après l’éclatement de l’incendie.
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