Chacun serait bien inspiré d’économiser son crédit de plaintes. Depuis des lustres, d’un bout à l’autre du continent et bien avant les « janvioses » – dèches de janvier – qu’on dit toujours plus profondes, l’on entend dire, à l’approche des fêtes de fin d’année : « Ça n’est plus comme avant », « le cœur n’y est plus », ou encore « il n’y a plus à boire et à manger », comme au temps de Mobutu ou de Ben Ali.
Bien entendu, il y a plusieurs Afriques, et l’angoisse que les Maliens ou les Centrafricains éprouvent pour leur sécurité n’est pas feinte. Cette
fois, il pèse sur Noël une menace que les auteurs des jérémiades de 2019 n’avaient pas vu venir : la pandémie.
Bien sûr, comparé aux autres parties du monde, le continent africain est le moins touché par le Covid-19 : 3,5% des décès avec 15% de la population mondiale.
Bien sûr, la résilience et une appétence quasi idéologique pour les traditions n’ont pas empêché les autorités de déployer les décorations publiques kitsch, les jeunes filles de faire le pied de grue devant des tailleurs toujours débordés et les enfants de concevoir des crèches de Noël qui ne ressemblent guère à Bethléem.
Toutefois, en plus des baisses de revenus induites par de simili-confinements, de nombreux pays ont décrété des conditions de réveillon draconiennes.
L’Afrique du Sud a fermé ses plages. Le Tchad, qui a reconduit son couvre-feu jusqu’en janvier, ne le repoussera qu’à 1 heure du matin pour la nuit du 24 au 25 décembre. La RD Congo exige que ses citoyens soient rentrés à la maison à 21 heures et proscrit les cérémonies festives de plus de dix personnes. La Mauritanie interdit de se déplacer entre 18 heures et 6 heures du matin.
Au Sénégal, on ne danse plus dans les restaurants et les bars de la région de Dakar qui, de toute façon, baissent le rideau au plus tard à 23 heures. Au Maroc, c’est carrément l’état d’urgence sanitaire qui est prolongé jusqu’au 10 janvier 2021 avec « interdiction des fêtes et des rassemblements publics ou privés, ainsi que la fermeture des restaurants, cafés, commerces et grandes surfaces à 20 heures ».
Même si les traditionnelles messes de minuit ont depuis longtemps trahi leur appellation sous la pression de la bombance païenne, les sermons des prêtres – qui seraient bien avisés de rappeler quelques gestes barrière – seront débités au pas de course.
La tendance n’est pas au relâchement des mesures sanitaires pour Noël car plusieurs pays du continent voient le nombre des infections augmenter. Le 17 décembre 2020, déjà, le docteur Nsenga Ngoy, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), indiquait, depuis Brazzaville, qu’« au moins vingt-cinq pays africains » avaient connu « une augmentation de plus de 20% des cas » en novembre.
Une tendance qui ressemble à s’y méprendre à une deuxième vague, laquelle inquiète légitimement ceux qui connaissent l’état du secteur hospitalier africain et ceux qui ont écouté avec scepticisme l’incantation du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat : « La vaccination contre le covid-19 doit passer en premier lieu par l’Afrique ». A-t-il rédigé une lettre au Père Noël en bonne et due forme ?
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