RETRO SOCIETE : En 2010, le Sénégal a vécu les pieds dans l’eau et l’électricité dans l’air

Les manifestations contre les coupures d’électricité et leurs conséquences ont sans conteste marqué l’année 2010, avec notamment mort d’homme et le départ de Samuel Sarr de la tutelle et son remplacement par Karim Wade. Le rappel à Dieu du Khalife général des Mourides Serigne Bara Mbacké occupe également une bonne place dans les faits saillants de l’année qui vient de s’achever.

Les expressions collectives de colère contre les coupures d'électricité et les inondations se posant chaque année avec plus d'acuité dans la banlieue depuis 2003, elles occupent ainsi une bonne place parmi les faits qui retiennent les attentions au cours de cette année 2010 finissante. 

Mais ce sont sans conteste les manifestations contre les coupures d'électricité et leurs conséquences qui auront marqué l'année 2010. Les émeutes contre les privations d'électricité par la Senelec ont éclaté dès l'amorce de la période de chaleur, c'est-à-dire en juin, se poursuivant jusqu'au mois d'octobre 2010. Ayant pris naissance dans la banlieue, elles n'ont pas tardé à faire effet boule-de-neige et embraser les autres quartiers de Dakar et une bonne partie du reste du pays. Les jeunes prenaient d'assaut les rues et barraient les routes, incendiaient des pneus et bacs à ordures, érigeaient des blocs de pierre, s'attaquaient parfois à des édifices publics et perturbaient constamment la circulation. Un spectacle qui était quotidien. 

Des actions qui se menaient à un moment où le Collectif des imams s'imposait dans la banlieue, dans la prise en charge des préoccupations des populations. Les thèmes de lutte des imams, une électricité disponible et pas chère accessible aux populations, de l'eau de qualité et des solutions radicales face à la lancinante question des inondations. 

Après Pikine, Guédiawaye, Fass, Médina, Parcelles assainies, Hlm, Thiaroye, Ouakam, Rufisque, Khar-Yalla, Nietty-Mbar, Thiès, Sokone, Diourbel Mbour, Kaolack, Saint-Louis, Ziguinchor, ont pris le relais des contestations. Un phénomène qui n'avait même pas épargné la ville sainte de Touba. 

La police accusée d'avoir tué le jeune Abdoulaye Wade Yinguou à Bène Barack 

Le secteur informel qui a le plus à pâtir de ces coupures s'était mobilisé dans beaucoup de localités avec des marches de protestation. Cela a été le cas au niveau du marché central de Rufisque, de ceux de Thiès, Mbacké, Kaolack, Touba, Saint-Louis, Hlm, Yeumbeul, Diourbel. Certains ayant même brandi la menace de ne plus payer les factures d'électricité. 

Des manifestations qui vont dégénérer, comme cela a été le cas à Gounass (Guédiawaye), avec la mairie qui a été attaquée. Mais la plus lourde conséquence de ces actions a été la mort du jeune Abdoulaye Wade Yinguou à Bène Barack, tué au cours des manifestations, le 14 juillet. La police est pointée du doigt. Des jeunes se feront également arrêtés à Mbour, au cours de manifestations contre les coupures. La Convention des jeunes Mbourois avait organisé une grande marche le 9 juillet pour dénoncer cette situation. Une manifestation qui avait vu la participation d'organisations de la société civile, de politiques, de syndicalistes et du journaliste écrivain Abdou Latif Coulibaly. 

Manifestations contre les inondations 

En ce qui concerne les manifestations contre les inondations, elles ont également marqué l'année. Dans la banlieue, les populations avaient réagi à travers des marches, des casses etc. C'était le cas du marché Boubess de Guédiawaye, où des commerçants protestaient à cause des eaux du bassin de rétention, qui se déversent jusque dans leurs commerces. Les jeunes de Médina-Gounass qui battaient le macadam pour marquer leur opposition à tout déplacement dans des tentes à Sangalkam, tel qu’annoncé par l'Etat, avait aussi vu leur manifestation dégénérer et se traduire par la mise en sac de la mairie et l'arrestation de plusieurs d’entre eux par la police de Guédiawaye. Des manifestants qui ont été libérés après avoir été auditionnés. Ce qui n'a pas fait baisser la tension avec les populations qui ont fait clairement comprendre qu'ils ne vont jamais plus accepter de revivre ce qu'ils ont enduré sous les tentes en 2005-2006. 

Samuel Sarr viré, Karim Wade hérite de l'énergie 

Une cristallisation de la colère par ces deux questions des inondations et de l’électricité qui a amené l'Assemblée nationale à convoquer en session extraordinaire le ministre de l'Energie, Samuel Sarr, et les ministres Bécaye Diop de l'Intérieur et Omar Sarr de l'Habitat et de la Construction, respectivement ministre en charge de l'organisation des secours en cas de sinistre et ministre en charge de la gestion des inondations. 

Passant à l’Assemblée quelques jours après le Conseil interministériel sur les inondations, Bécaye Diop avait annoncé le recasement de sinistrés à Tivaouane Peulh, avec la construction de 600 logements préfabriqués. 

Longtemps réclamé par les populations, le départ de Samuel Sarr de la tête du département de l'Energie interviendra finalement le 4 octobre. Une décision qui est intervenue quelques jours après que le président de la République a félicité M. Sarr en Conseil des ministres. Et c'est à Karim Wade, déjà appelé Super ministre à cause de la taille de son département, d’hériter du secteur de l’énergie. 

17 policiers blessés après la mort du pêcheur Mamadou Sarr 

Au moment où les manifestations contre les coupures d'électricité faisaient rage, le quartier de Soumbédioune vira également aux émeutes. Les jeunes pêcheurs de Soumbédioune réagissaient contre la mort d'un des leurs, Mamadou Sarr, tué par les gardes forestiers. Les policiers qui étaient venus rétablir l'ordre se sont retrouvés avec 17 blessés dans leurs rangs, un commissaire de police ayant frôlé la mort pour avoir reçu au visage une grosse pierre. Des voitures de la police également endommagées. 

Rappelé à Dieu, Serigne Bara Mbacké est remplacé par Serigne Cheikh Maty Lèye Mbacké 

Le mois de juillet 2010 a débuté avec une triste nouvelle pour la communauté mouride, mais aussi pour tous les musulmans du pays, avec le rappel à Dieu du Khalife général, Serigne Bara Mbacké, décédé le mercredi 30 juin 2010. Âgé de 85 ans, il s’est éteint à Alieu, une banlieue proche de Touba. Il est enterré dans l’enceinte de la Grande mosquée de la ville quelques heures plus tard. Serigne Bara Mbacké avait succédé à Serigne Saliou Mbacké, après la mort de ce dernier le 28 décembre 2007. Il était le plus âgé des petits-fils du fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba. 

Serigne Cheikh Maty Lèye Mbacké qui lui succéda, est âgé de 86 ans. Ce petit-fils de Cheikh Ahmadou Bamba est réputé pour son engagement dans l’Islam en général et la voie du mouridisme en particulier. De son vrai nom Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké, Serigne Cheikh Maty Lèye Mbacké est petit-fils de cheikh Ahmadou Bamba Mbacké par son père Serigne Bara ibn Khadim Rassoul. Serigne Cheikh Maty Lèye est venu au monde en 1924, à Mbacké Kadior (arrondissement de Darou-Mouhty).