AMA BALDÉ, ÉCURIE PIKINE FALAYE BALDÉ : «Ce que je voulais, c'était la bagarre, mais tous les anciens de Pikine m'avaient dit que la clé du combat se trouve dans la lutte pure»

«On m'avait prévenu que si je lui fais une prise pareille en le soulevant, il allait me bloquer la jambe. Je m'étais par conséquent bien préparé à cette réaction de sa part quand je le prenais» 

«Cela m'a fait frémir quand j'ai vu ces foules immenses qui se sont mobilisées» 

Je laisse à mon staff le soin de s'acquitter du choix de mon futur adversaire, comme ils l'ont toujours fait. Toute direction qu'ils vont m'indiquer, je vais la suivre. Qu'importe laquelle et quelle qu'elle soit 

«Ce que j'ai comme supporters en Guinée, je ne l'ai pas au Sénégal» 

C'est hier, dimanche, très tôt le matin, que nous avons trouvé Ama Baldé chez lui à Pikine, dans la maison d’un de ses amis d'enfance, juste en face de son domicile familial. Entouré de toute une bande d’amis, en dépit de l’heure matinale – il était à peine 7 heures – Ama Baldé de l’écurie Pikine Falaye Baldé est revenu sur sa victoire de la veille, au stade Demba Diop, face à Balla Diouf. Un combat remporté de fort belle manière qui consacre le retour au-devant de la scène du fils de Falaye Baldé. Entretien… 

Qu'est-ce que vous ressentez au lendemain de cette confrontation victorieuse avec Balla Diouf de Fass ? 
Au sortir de ce combat, je ne peux que rendre grâce à Dieu, prier sur son prophète Mouhamed (Psl) et remercier ma mère et mon père d'abord, mes amis et particulièrement tous mes amis d'enfance ensuite, toute la population de Pikine et de la banlieue de manière générale. Tout le monde s'est mobilisé comme un seul homme derrière moi. Je ne saurais les citer de nom, tant ils sont nombreux. Et j'ai mesuré à sa juste valeur la mobilisation qu'ils ont faite, hier (samedi), pour me soutenir. Je ne les remercierai jamais assez pour cela. 

On a vu, contrairement à votre adversaire qui a initié la bagarre, que vous aviez opté pour la lutte pure, n’est-ce pas ? 
Moi, ce que je que je voulais, c'était de me bagarrer avec lui. Mais il y a tous les anciens de Pikine qui m'avaient dit que la clé du combat se trouvait en bas, dans la lutte pure. La bagarre ne servirait pas à grand-chose et que je devais privilégier la lutte pure et dure pour le saisir et le terrasser. Comme j'ai voulu être respectueux des conseils de ces aînés, j'ai appliqué ce qu'ils m'ont tous dit et je n'ai pas été déçu. Mais si ça ne dépendait que de moi, je me serais bagarré avec lui d'abord, avant de faire de la lutte pure. 

L'option de privilégier la bagarre, n’était-ce pas pour répondre à ceux qui disent qu’Ama n'excelle pas dans ce domaine qui est le fort de son adversaire ? 
Effectivement, c'était pour répondre à ceux qui disent que Ama ne peut pas se bagarrer et que c'était à ce niveau que mon adversaire risquait de me malmener. Je voulais le trouver sur ce terrain pour montrer à ceux qui disent cela qu'ils se trompent, avant de le battre dans la lutte pure. 

Mais n’a-t-il pas prouvé ses talents de bagarreur en vous touchant ? 
C'est vrai qu'il m'a touché. Mais mon entourage m'avait clairement fait comprendre qu'il fallait que j'accepte de prendre des coups pour pouvoir le tromper et le saisir. Le coup que j'ai pris n'est pas lié à une mauvaise garde, c'était juste une stratégie pour se donner les moyens de le saisir pour pouvoir faire le nécessaire et le terrasser. Et puis, il ne faut pas se voiler la face, quand on lutte, on est obligé de prendre des coups pour pouvoir appliquer sa stratégie. 

Après avoir soulevé Balla Diouf, vous l'avez reposé avant de le soulever de nouveau. Était-il trop lourd ou quoi ? 
Non ! Ce n'est pas parce qu'il était lourd. Quand je l'ai soulevé, il avait mis son pied entre mes deux jambes pour me bloquer. Il fallait donc que je le repose pour pouvoir débloquer cette clé, avant de le soulever à nouveau pour le propulser à terre. On m'avait prévenu que si je lui fais une prise pareille en le soulevant, il allait me bloquer la jambe. Je m'étais par conséquent bien préparé à cette réaction de sa part quand je le prenais. 

Vous venez de signer une deuxième victoire devant un lutteur de Fass. Cela doit vous faire plaisir avec toute la rivalité qu'il y a entre Fass et Pikine. 
Balla Diouf, je le défie depuis des années et il me snobait tout le temps. Contre Bathie Seras, je l'ai défié et il m'a snobé. Donc ça fait longtemps que je voulais en découdre avec lui. Si cette volonté se concrétise aujourd'hui et par-dessus le marché que je le batte, je ne peux qu'en être très satisfait, et en remercier le bon Dieu. 

Pourtant, il vous avait clairement dit qu'il n’allait pas accepter de vous servir d'escalier pour monter vers le sommet de la lutte. 
Il avait clairement dit que c'est après le combat que je vais comprendre, mais tout le monde a vu l'issue. C'est vrai que chaque lutteur quand il part au combat, il est confiant. Lui aussi, il était confiant et était dans ses certitudes. Je le remercie, c'est mon grand, je suis son jeune frère. C’était à lui de me tendre la perche et de me servir d'escalier pour me laisser passer et continuer mon chemin. 

Vous sembliez sûr de votre victoire. Ne l'aviez-vous juré même sur Serigne Saliou ? 
C'est vrai que le jour de la signature, j'avais juré sur Serigne Saliou que j'allais le battre. Mais je n'en savais absolument rien. C'était juste la fougue de jeunesse et l’animation d'avant combat. En un moment donné, j'avais le corps chaud et j'ai dit ça, même si j'y croyais fort. Et quand on va vers un combat, on dit ce qu'on veut pour mettre toute la confiance de son côté et rassurer son public. Quand on prend l'avance d'un promoteur, on n’a en tête que la victoire. Mais seul Dieu donne la victoire. 

Des mobilisations, il y en a toujours eu dans vos combats, mais celle de ce samedi a été énorme. Est-ce que cela ne vous a pas mis une pression supplémentaire ? 
C'est vrai que cela m'a fait un peu frémir quand j'ai vu ces foules immenses qui se sont mobilisées. Mais la seule chose que je me dis, c'est que cette fois-ci, je n'ai pas fait d'erreur. Tout Pikine a fait ce qu'il devait faire et il ne me restait qu'à jouer ma partition. Et j'étais le barrage pour Pikine, si je tombais, ça allait être mauvais pour les autres lutteurs de Pikine qui suivent. Mon grand-frère, Eumeu Sène, je prie pour qu'il sorte victorieux de son prochain combat. J'en fais aussi de même pour mon frère Jaguar. 

C'est une autre écurie Fass qu'on a vue cette année. Depuis le début de la saison, elle n'a pas enregistré de défaite. Est-ce que cela ne vous a pas fait peur ? 
Tous les gens qui me conseillaient n'avaient que ça en tête. Tous les Pikinois me disaient que Fass de cette année est différent de celui de l'année dernière. Ils me répétaient qu'ils se sont remobilisés et ont mieux préparés tous leurs lutteurs. Les gens n'ont cessé de me répéter cela. Mais j'essayais toujours de les rassurer en leur faisant comprendre que tout ce que j'avais à faire dans la préparation, je l'ai fait. Que rien n'a été laissé de côté et il ne restait qu'à prier pour que le bon Dieu nous donne la victoire. Mais c'était quand même un souci de mes supporters. 

La défaite contre Ness était une pilule difficile à avaler, mais apparemment, la blessure a cicatrisé. Cela vous a-t-il servi de leçon ? 
La manière avec laquelle j'ai préparé le combat contre Ness, je ne l'ai fait pour aucun combat. J'y ai mis le sérieux et tous les aspects nécessaires. Mais c'est Dieu qui en avait décidé ainsi. Et puis, il arrive parfois qu'on perde le combat qu'on a le plus pris au sérieux et qu'on gagne celui qu'on a le moins pris au sérieux. 

Le mystique a été apparemment très prépondérant dans ce combat, n’est-ce pas, vu tout l'arsenal que vous avez amené ? 
Quand on va à la guerre, on doit tout prendre en compte et ne rien laisser au hasard. C'est fondamental. Rien ne doit être négligé. Il faut mettre tous les atouts de son côté. 

Ton père a toujours été présent à tes combats pour te prodiguer des conseils et te faire les dernières prières. Qu'est-ce qui explique son absence cette fois ? Cela vous a-t-il déstabilisé ? 
Non. La raison de l'absence de mon père, c'est parce que tout simplement il est malade. Il voulait même venir, mais c'est moi qui l'en a dissuadé. Je lui ai demandé de rester à la maison et de prier pour moi. 

Mais contre toute attente, votre victoire, vous l'avez dédiée à la mère de Balla Diouf et à Fass, c'est curieux non ? 
Des gens se sont fâchés contre la mère de Balla Diouf pour des déclarations qu'elle a faites, mais ils ont tort. Balla Diouf est son fils et rien n'est plus normal qu'elle adopte une telle position. Balla Diouf, c'est son fils, c'est en lui qu'elle croit. C'est à lui qu'elle fait confiance et à qui elle souhaite la victoire. Mais moi, je considère que nous sommes tous ses enfants. C'est pourquoi je lui ai dédié la victoire ainsi qu’aux Fassois. 

Mais sa sortie était très mal perçue par vos supporters. Votre geste, est-ce pour faire retomber la tension ou tout juste pour la narguer ? 
Non ! Loin de moi l'idée de la narguer. Je le jure sur Dieu que ce n'est pour narguer personne. C'est un acte sincère. Je la considère comme ma mère. Je lui voue la même considération que je voue à ma propre mère. C'est le Sénégal. La victoire ne reste qu'au Sénégal. 

À qui pensez-vous maintenant comme adversaire ? 

Je m'en remets à mon entourage, à mon staff. Ce qui m'appartiens, c'est de bien m'entraîner et je le fais. Le reste, ça relève de mon staff et de mes frères, Jules, Pathé Baldé, Demba. Je leur laisse le soin de s'acquitter du choix de mon futur adversaire, comme ils l'ont toujours fait. Toute direction qu'ils vont m'indiquer, je vais la suivre. Qu'importe laquelle et quelle qu'elle soit. 

Pour rester à Fass, Papa Sow avait refusé de lutter avec vous, vous ne l'avez pas en ligne de mire ? 
Je suis à l'écoute de mon staff. 


Justement, parlant de votre staff, on a vu une touche nouvelle avec de nouvelles têtes. 
Ça, c'est le fruit de discussions qu'on a eues. On s'est bien parlé, entre nous. Chacun a dit ce qu'il pense. C'est pour la bonne marche de l'écurie. 

Avant le sifflet de l'arbitre, on vous a vu appeler votre coach pour lui demander quelque chose qu'il n'a pas eu le temps d'apporter. Ça a un peu inquiété les supporters. C'était quoi ? 
C'était dans le mystique, je le lui ai demandé. Malheureusement, le temps qu'il arrive l'arbitre a sifflé pour qu'on commence le combat. Mais le mystique, c'est juste un complément. C'est un truc que je devais utiliser en dernier ressort pour le jeter derrière moi, mais je n'ai pas pu le faire. 

C'était une recommandation du marabout ? 
Oui, mais comme le coach n'a pas eu le temps de revenir avant que l'arbitre ne siffle, j'ai fait abstraction de ça et j'ai dit que ce n'est pas grave. Tout dépend de Dieu. J'étais confiant, parce que tout ce qu'il fallait faire dans les entraînements, je l'ai correctement fait. 

Parmi vos supporters, il y a les enfants qui sont nombreux. Ils portent des T-shirts à votre effigie ou des médaillons. Malgré l'heure matinale, ils se sont massivement massés devant la porte. Qu'est ce qui vous lie aux enfants ? 
Les enfants sont trop liés à moi. Il arrive souvent qu'ils viennent me donner des pièces de 100 francs ou 50 francs qu'ils ont collectionnés et quand je ne les prends pas, ils se fâchent. Juste pour vous dire combien ils m'aiment et s'attachent à moi. Je les remercie beaucoup. Je remercie également mes supporters de Touba, de Tivaouane, tous mes parents, ceux de la Casamance, ceux qui sont venus spécialement de la Guinée pour me soutenir. Ce que j'ai comme supporters en Guinée, je ne l'ai pas au Sénégal. Je veux après aller jusqu'en Guinée, pour mieux les connaître et les remercier. 

Votre frère et ami Balla Gaye, on ne l'a pas vu lors du combat ? 
Il est aux Etats-Unis, mais on s'est bien parlé au téléphone. Je remercie ma famille maternelle, les Lébous, ceux de la Médina.