Alors que la relance de la Bundesliga n'est plus qu'une question d'heures, le monde du sport professionnel scrutera cette grande première, entre inquiétude et espoir. Même son de cloche du côté de l'opinion publique, plus que sceptique sur le timing de ce retour au terrain.
Jamais une journée de Bundesliga n'avait autant cristallisé l'attention. Le championnat d'Allemagne, première compétition majeure de football à redémarrer samedi 16 mai, doit prouver au monde entier que le sport professionnel peut vivre avec le coronavirus. Mais les pièges sont nombreux et les certitudes rares.
À 15 h 30 locales, samedi, les coups d'envoi des cinq premiers matchs de cette nouvelle ère de l'histoire du ballon rond seront donnés simultanément dans cinq stades vides de tout spectateur. Ils auront été précédés, à 13 h, par d'autres rencontres mettant aux prises des clubs de deuxième division.
Beaucoup de pays dont l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre, les trois autres grands championnats qui envisagent de reprendre avant l'été, scruteront avec espoir mais aussi appréhension l'expérience allemande. Un échec hypothéquerait fortement leurs propres chances de convaincre leurs gouvernements de leur donner le feu vert.
Un coup de projecteur historique
L'affiche de cette 26e journée oppose le Borussia Dortmund, deuxième du classement, à son voisin Schalke, dans le très prestigieux "derby de la Ruhr", à huis clos pour la première fois de l'histoire. Le leader Bayern Munich et ses stars entreront en piste dimanche à 18 h à Berlin, sur la pelouse de l'Union.
De quoi régaler les fans de foot du monde entier sevrés de ballon depuis début mars. "Si la Bundesliga est le seul championnat retransmis à la télé dans le monde, je suppose que nous allons compter les téléspectateurs par milliards", s'enthousiasme le patron du Bayern Munich Karl-Heinz Rummenigge, qui y voit une formidable opération de promotion.
"Je peux vous garantir que depuis 20 ans, je n'ai jamais ressenti cet intérêt (du public) pour la Bundesliga", expliquait cette semaine à l'AFP Adolfo Barbero, commentateur sur la chaîne espagnole Movistar+ et expert du football allemand.
Huis clos et distanciation sociale
Pour autant, le spectacle de samedi s'annonce étrange, dans le silence et l'écho angoissant des enceintes désertes. Les joueurs sur la pelouse n'auront plus le droit de s'embrasser pour célébrer leurs buts. Remplaçants et entraîneurs porteront des masques et tout le protocole convivial d'avant-match, l'accompagnement par des enfants, les poignées de mains, les photos et échanges de fanions sera supprimé.
Mêmes les acteurs vont devoir se surveiller, toutes leurs paroles étant désormais audibles par les téléspectateurs. "Je vais essayer de me parler à moi-même et de me comporter de façon socialement acceptable", a reconnu le bouillant coach de Leipzig Julian Nagelsmann, inquiet de lâcher quelques-unes de ces bordées de jurons qui se perdent d'ordinaire dans le fracas du stade.
Pourquoi donc, demandent certains supporters "ultras", reprendre dans ces conditions qui tuent tout ce qui fait le charme du football ? La Ligue allemande de football ne l'a jamais caché, il s'agit de sauver un secteur économique sinistré par l'arrêt des compétitions. En jouant les neuf dernières journées de la saison, les clubs vont récupérer 300 millions d'euros de droits TV, qui permettront à plusieurs d'entre eux d'éviter la faillite.
L'objectif affiché est de terminer le championnat le 27 juin. Mais la Ligue n'exclut pas de devoir prolonger en juillet, si jamais certains clubs étaient victimes de contamination massive au coronavirus et contraints de se mettre en quarantaine pour 14 jours.
Plus de la moitié des Allemands opposés à la reprise
Pour l'heure, un seul club est dans cette situation, le Dynamo Dresde en deuxième division. En première division, plusieurs cas de contamination ont été rendus publics et les personnes touchées placées à l'isolement, mais toutes les équipes continuent de s'entraîner sur la base des tests réalisés régulièrement.
Cette reprise, qui suscite un immense espoir dans le monde du football, ne fait pas l'unanimité en Allemagne. Vendredi matin, la chaîne publique ARD a fait état d'un sondage indiquant que 56 % des Allemands y étaient défavorables. Le reflet d'un scepticisme propagé par certains médecins ou hommes politiques.
Car les risques ne sont pas mineurs. Pour les joueurs d'abord : certains dommages causés par une infection pulmonaire "peuvent être irréversibles", voire provoquer la fin de carrière d'un sportif de haut niveau, fait valoir le docteur Wilhelm Bloch, médecin à l'École supérieur du sport de Cologne.
Quarantaine stricte
Pour limiter les risques, les clubs sont soumis à des mesures sanitaires draconiennes et les équipes ont été contraintes de s'isoler du reste du monde cette semaine. Jeudi, l'entraîneur d'Augsbourg Heiko Herrlich a été exclu du groupe pour être sorti acheter du dentifrice en violation des règles de quarantaine. Il ne sera pas autorisé à entrer dans le stade samedi.
Une autre inquiétude concerne l'attitude des supporters, qui pourraient être tentés de se rassembler par centaines autour des stades, ou de faire fi des consignes de prudence en se massant dans des bars pour suivre les matches.
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