Le Président Macky Sall, qui l'a inscrit dans la constitution depuis trois ans, semble avoir freiné des quatre fers à propos de la désignation du chef de l'opposition. Les critères de choix ainsi que les prérogatives du futur heureux élu restent un mystère. Ils font débat, divisent.
Le chef de l'opposition est un fantôme. Il est né en mars 2016 en septième position de la réforme constitutionnelle qui a accouché de quinze points. Mais on ne le voit nulle part. Il n'a pas une existence physique. Il n'a ni nom ni visage.
Son avènement, par un statut officiel, est une vieille revendication des adversaires du pouvoir. La satisfaction de cette doléance, par le Président Macky Sall, à la suite d'un référendum où le Oui a nettement triomphé (62,64%), est saluée par presque l'ensemble des acteurs et observateurs du jeu politique.
"Le chef de l'opposition est consulté sur des questions d'intérêt national, profile le journaliste et analyste politique Ibrahima Bakhoum. Partant de cela, il se concerte avec ses pairs pour exposer les souhaits du président (de la République). Cela va faciliter les rencontres et le dialogue entre le pouvoir et l'opposition."
Mais si la Constitution pose les principes généraux de l'existence d'un chef de l'opposition officiellement reconnu, il manque jusqu'à présent une loi organique qui fixe les critères de désignation et les prérogatives de celui-ci.
S'il juge la question incontournable dans les discussions avec ses adversaires politiques, le Président Macky Sall ne semble pas en faire une fixation.
"Si l'opposition n'est pas prête pour cela et si son adoption doit poser problème pour elle, ça peut attendre", indiquait le Président Macky Sall, en novembre 2016, dans un entretien accordé à Azactu. L'attente dure depuis trois ans.
Un an après cette sortie du chef de l'État, le ministre de l'Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, dans Le Quotidien, donnait des indications plus précises sur le timing pour le choix du chef de l'opposition. Sans se mouiller à propos de son mode de désignation.
Il dit : "Si nous décidons que le chef de l'opposition, c'est la coalition ou le parti arrivé deuxième à l'Assemblée nationale, oui on peut statuer sur ça. Mais cela ne devrait s'appliquer qu'en 2022 (année des prochaines législatives). Mais si nous retenons que le chef de l'opposition doit être celui qui sera deuxième derrière celui qui sera élu (chef de l'État), la loi devrait s'appliquer en 2019 (année de la présidentielle qui a suivi cette déclaration)."
Wade ou Karim contre Idy
Dans le premier cas, le titre de chef de l'opposition irait au Pds et ses alliés, deuxième force à l'Assemblée nationale avec quinze députés. Dans le second, la tête de file des opposants serait le président de Rewmi, Idrissa Seck, arrivé deuxième de la dernière présidentielle avec 20,50% des voix.
Seulement aucune de ces deux options ne fait l'unanimité. Ni auprès des états-majors politiques ni chez les experts (voir vidéo).
Dans un récent entretien, le secrétaire général adjoint du Parti démocratique sénégalais (Pds), Oumar Sarr, soutenait qu'on ne peut pas déterminer le statut du chef de l'opposition à partir de la présidentielle. Il dit se fonder sur le fait que cette élection s'est tenue sans Karim Wade et Khalifa Sall, deux ténors de l'opposition recalés par le Constitutionnel.
Le premier était le candidat du Pds, deuxième parti à l'Assemblée nationale. Le second, celui de Taxawu Senegal, troisième force parlementaire.
Porte-parole du Parti socialiste (Ps), Abdoulaye Willane se dit d'accord avec Oumar Sarr. Pour lui, le titre doit revenir au Pds.
Ibrahima Bakhoum est du même avis : "Certains estiment que cela devrait être Idrissa Seck, mais moi, je n'en suis pas certain. En terme de représentation populaire, la présidentielle ne peut pas être considérée comme la représentation nationale car c'est la rencontre d'un homme avec son peuple. Si on devait choisir un chef de l'opposition sur cette base on va complètement fausser le jeu."
Pour Bakhoum, la tête de file des opposants doit être cherchée parmi les députés. Il explique : "Le chef de l'opposition est supposé être une personnalité régulièrement consultée sur des questions stratégiques, des questions de souveraineté nationale. On ne peut pas aller chercher un candidat à la présidentielle, il ne sera pas là au moment où on vote les lois."
À Rewmi, on reste convaincu qu'Idrissa Seck, deuxième de la dernière présidentielle, présente le profil de l'emploi. Mais pour les Orange, la priorité est ailleurs. Avant d'aborder la question, il y a des préalables à évacuer.
"La première chose à régler, c'est la légalité de ce Président. Et comme la définition du chef de l'opposition est liée au résultat de ce scrutin, on ne peut rien dire, indique le secrétaire national en charge des élections du parti d'Idrissa Seck, Ass Babacar Guèye. Nous attendons de voir ce qu'il (Macky Sall) fait, les actes majeurs qu'il pose. Tant que l'accusé n'a pas encore parlé de façon claire, on ne peut pas parler de statut du chef de l'opposition."
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