Cinq condamnations à mort ont été prononcées, lundi, pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné en octobre 2018 au consulat saoudien d'Istanbul, selon le procureur du royaume. Pour l'ONG Reporters sans frontières, "la justice a été bafouée".
Selon Chalaan al Chalaan, procureur d'Arabie saoudite, cinq personnes ont été condamnées à mort, lundi 23 décembre, dans le procès des meurtriers du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en octobre 2018 au consulat du royaume à Istanbul, en Turquie.
"Le tribunal a condamné à mort cinq hommes qui ont directement participé à l'assassinat", a indiqué le procureur, qui ajoute que deux des principaux suspects ont été disculpés.
En effet, aucune accusation n'a été retenue contre Saoud al-Qahtani, proche conseiller du prince héritier Mohammed ben Salmane. L'ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, a lui aussi été acquitté, faute de preuve.
Au total, onze suspects étaient poursuivis dans le cadre d'une procédure tenue secrète. Sur ces onze personnes, cinq ont été condamnées à mort, trois à des peines de prison totalisant 24 ans, et les autres ont été acquittées.
"Ni justice ni vérité"
Pour l'ONG Reporters sans frontières, "la justice a été bafouée". Le procès n'a pas respecté "les principes internationalement reconnus de la justice" et cette condamnation pourrait être "un moyen de faire taire à jamais des témoins de l'assassinat", selon Christophe Deloire, secrétaire général de l'ONG.
"On peut s'interroger sur le caractère discrétionnaire de ces décisions", a-t-il poursuivi. "On espère bien que l'Arabie saoudite va se rattraper avec un procès en appel public, et des preuves. Ce n'est pas en rendant la justice de cette manière que le royaume va reconstruire son image".
De son côté, Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions sommaires, a jugé lundi que le verdict est "l'antithèse de la justice".
"La justice a été rendu aux enfants"
De même, la Turquie a vivement critiqué ces décisions : "Elles sont loin de répondre aux attentes de notre pays et de la communauté internationale pour éclairer tous les aspects de ce meurtre et pour la manifestation de la justice", a affirmé le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
Pour Amnesty International, ce verdict "sert à blanchir et n'apporte ni la justice ni la vérité pour Jamal Khashoggi et ses proches", a dénoncé dans un communiqué Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient pour l'ONG.
Le fils de Jamal Khashoggi a pour sa part salué le verdict, estimant sur Twitter que "la justice a été rendu aux enfants" du journaliste saoudien. Le Washington Post avait affirmé que les enfants de l'éditorialiste avaient reçu des compensations financières de la part du régime saoudien, ce que la famille de Khashoggi avait démenti.
"Les verdicts d'aujourd'hui sont un pas important pour faire payer tous ceux qui sont responsables de ce crime terrible", a pour sa part affirmé à des journalistes un haut responsable américain. "Nous avons encouragé l'Arabie saoudite à engager un processus judiciaire juste et transparent et nous continuerons à le faire", a-t-il ajouté.
Le meurtre "n'a pas été prémédité"
Critique du régime saoudien après en avoir été proche, le journaliste a été étranglé et son corps découpé en morceaux par une équipe de 15 hommes venus de Riyad dans le consulat du royaume à Istanbul, selon les responsables turcs. Ses restes n'ont jamais été retrouvés.
Après de multiples déclarations contradictoires, les autorités saoudiennes ont reconnu que Jamal Khashoggi, qui s'était exilé aux États-Unis, avait été tué et démembré le 2 octobre 2018 par des agents saoudiens ayant agi, selon elles, de leur propre initiative.
Selon le communiqué du procureur général d'Arabie saoudite, le tribunal de Riyad chargé de l'affaire a tenu au total neuf audiences en présence de représentants de la communauté internationale ainsi que de proches de Jamal Khashoggi. "Nous avons conclu que le meurtre de Khashoggi n'a pas été prémédité", indique le communiqué.
En juin, une commission d'enquête de l'ONU annonçait détenir des preuves de l'implication personnelle du prince héritier, que la CIA et plusieurs pays occidentaux considèrent comme le commanditaire du meurtre.
Le prince a admis fin septembre porter la responsabilité du meurtre, mais sans reconnaître en avoir donné l'ordre. "C'est arrivé sous ma direction. J'assume toute la responsabilité, parce que c'est arrivé sous ma direction", a-t-il déclaré dans un documentaire diffusé à l'occasion du premier anniversaire de la mort du journaliste saoudien.
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