Et de deux pour la Cour d’assises de Dakar. Elle a condamné en deux jours de suite des accusés aux travaux forcés à perpétuité. Hier, était jugé El Hadji Diagne dit Forman pour le meurtre d’un soldat.
DAKAR - El Hadji Diagne dit Forman passera le restant de sa vie en prison. Ainsi en a décidé la Cour d’assises de Dakar qui l’a condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité. Ce jeune homme a commis l’irréparable en agressant mortellement le soldat de première classe Ismaïla Camara. Un fait qui lui vaut d’être renvoyé devant la Cour d’assises de Dakar. Le 28 août 1993, alors que le soldat se rendait au camp Leclerc, il est suivi et attaqué à hauteur du carrefour situé entre la caserne Sékou Mballo, le marché Grand Yoff et Liberté 6 prolongée. Evacué à l’hôpital, la victime décède trois jours après des suites de sa blessure à la nuque. El hadji Diagne est arrêté le 12 septembre 1993, à la suite d’une opération de sécurisation et identifié formellement par les témoins oculaires Sidy Keita et Dame Niang. L’affaire est jugée une première fois et El Hadji écope la peine de mort. Il se pourvoit en cassation. La décision est cassée et le dossier est renvoyé devant la Chambre d’accusation qui, après délibération, renvoie l’affaire devant la Cour d’assises pour y être jugée à nouveau.
Hier, les débats à la barre ont permis à la Cour et au public d’en savoir plus sur l’accusé. El Hadji Diagne dit Forman, né le 17 juillet 1968 à Thiès, a vu ses parents divorcer, mais il reste avec son père jusqu’au décès de celui-ci. Son papa, maître tailleur, l’envoyait pendant les vacances auprès d’un de ses apprentis qui s’était mis à son propre compte. Après l’obtention de son certificat d’études primaires, il quitte les bancs et s’essaie successivement au métier de tailleur, d’électro-froid et d’artiste. L’examen de son dossier a montré que l’accusé a eu maille avec la justice à trois reprises : en 1988 pour détention et usage de chanvre indien ; en 1991 et en 1993 pour la mort suspecte d’un de ses amis dans sa chambre. Mais, lorsque le président l’a interpellé sur ces faits, il a nié en bloc, reconnaissant seulement, sous le feu des questions du juge, son incarcération pour détention de drogue. Décrit par ses voisins comme un personnage bagarreur et belliqueux, il s’est inscrit en faux. « Je réagissais aux agressions dont j’étais victime et non le contraire, parce que mon grand père, très versé dans l’enseignement du Coran, m’a bien éduqué et il ne tolérait pas que je m’écarte du droit chemin », sert-il comme réponse. Mais, 15 ans de prison laissent des traces. D’un air serein, El hadji Diagne dit avoir appris l’anglais grâce à des codétenus anglophones, approfondi son enseignement religieux et perfectionné son métier d’artiste. En 1995, il s’évade, mais est finalement repris. En prison, il a perdu son œil droit à cause d’une cataracte.
Sidy Keita, l’un des témoins des faits, est revenu sur le déroulement de l’agression mortelle. Il dit avoir vu l’agresseur attendre la victime à la devanture de la boulangerie pour ensuite la poursuivre et l’agresser. Après l’arrestation de l’accusé, il l’avait formellement identifié à la gendarmerie et devant le juge d’instruction. A la barre, hier, le témoin déclare ne pas pouvoir reconnaître l’agresseur. Car les faits se sont déroulés il y a plus de quinze ans.
Un passé pénal chargé
Après l’audition du témoin Sidy Keita, l’avocat général Ndiaga Yade a laissé entendre que l’accusé s’était emparé du sac d’Ismaïla Camara contenant une tenue treillis et un ceinturon. L’agresseur avait aussi fait main basse sur la somme de 6000 francs de sa victime, ajoute M. Yade. Continuant son réquisitoire, il déclare : « les faits de vols sont constants, l’accusé était porteur d’une arme et il a fait usage de celle-ci ». Il précise : « si les violences ont entraîné la mort, la peine capitale est prononcée. Heureusement, souligne-t-il, la peine de mort est abolie au Sénégal. Evoquant le passé pénal de l’accusé, l’avocat général a insisté sur le dossier chargé de l’accusé, arrêté en 1988, 1991 et 1993 avant ce meurtre. « L’accusé n’est pas blanc comme neige. C’est un délinquant notoire connu des services de gendarmerie et de police et qui a eu à purger six mois de prison ferme », observe M. Yade. Sous le bénéfice de ces observations, il a requis à son encontre la peine des travaux forcés à perpétuité.
Me Adama Fall, avocat de l’accusé, a fait savoir que le témoin Dame Niang s’est rétracté. Ensuite, il s’est interrogé sur la sincérité du témoignage de Sidy Keita. « Est-ce que le témoignage a été spontané, libre et désintéressé ? », s’est-il demandé. Il répond par la négative, car Sidy n’a daigné répondre à l’invite du juge d’instruction après moult convocations. Cela montre, dit-il, que Sidy Keita n’a pas témoigné de son plein gré d’autant plus que le jour des faits, il faisait nuit et une fine pluie tombait. Comment, dans un environnement obscur, le témoin a pu identifier formellement l’accusé, alors qu’aujourd’hui celui-ci placé devant lui, dans une salle éclairée, dit ne pas pouvoir le faire. C’est en tout cas bizarre, relève-t-il. Mieux encore, poursuit Me Fall, la victime, avant son décès, avait confié à son supérieur, le capitaine Lamine Seck, qu’il a été agressé par plusieurs personnes. Pour toutes ces raisons, l’avocat a confié le sort de son client à la Cour en espérant sa libération après quinze ans de détention. La Cour, après délibération, a condamné El Hadji Amadou Diagne aux travaux forcés à perpétuité.
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