RAPPEL DES FAITS - Après les révélations sur une affaire de 100 millions : Quand le Garde des Sceaux paie la caution du prévenu
Dans sa livraison d’hier, le quotidien L’Observateur a fait état, avec des détails extrêmement précis, de la prise en charge par le ministre de la Justice, de la caution payée naguère par Massata Diack, agent marketing des Lions du football. Mis en prison par le juge Moustapha Sèye, ce dernier n’a dû son salut qu’à l’intervention particulière de Cheikh Tidiane Sy. Enjeu : un titre foncier à ne pas perdre. Un moyen pour y arriver : le non-lieu pour Diack. Mais, c’était sans compter avec un magistrat aux certitudes affirmées.
Dans son édition d’hier, le journal L’Observateur a révélé une sombre histoire d’argent reliée à une opération immobilière d’envergure qui met en scène le ministre d’Etat, Garde des Sceaux, et l’agent marketing de l’Equipe nationale de football du Sénégal. En dessous de l’instruction du dossier de participation du Sénégal à la Coupe du monde en 2002, s’est jouée une partie plus affairiste que sportive. Les faits rapportés par notre confrère semblent têtus.
Un magistrat, le juge Moustapha Sèye, inculpe le patron de la société Pamodzi pour abus de confiance et pour faux et usage de faux dans les comptes financiers de l’opération Coupe du monde. L’interrogatoire dure plusieurs heures ; le mandat de dépôt s’ensuit et Pape Massata Diack, ledit patron de Pamodzi, est incarcéré à la prison de Rebeuss. Il est l’une des premières victimes du juge. Le scandale sénégalo-sénégalais de l’épopée asiatique des Lions prend forme.
Mais, comme en pareille situation, la loi a sa part de clémence. Après avoir subi de fortes pressions pour l’amener à faire un geste à l’endroit du «monsieur marketing» de l’Equipe nationale, le juge Sèye accorde la liberté provisoire au sieur Massata Diack contre le versement d’une caution de 100 millions de francs Cfa, exactement le montant du préjudice que le peuple du foot aurait subi dans l’affaire. Apparemment, et au vu de la situation de prisonnier dans laquelle il se trouve, le patron de Pamodzi n’a pas les moyens de réunir une telle somme, même si sa solvabilité ne fait pas de doute pour certains dont le ministre d’Etat, ministre de la Justice. C’est ici que Cheikh Tidiane Sy entre en action.
En réalité, selon L’Obs, c’est le Garde des Sceaux lui-même qui s’est fait un devoir de verser le montant de la caution, soit donc 100 millions, dans le compte bancaire identifié (0400 2076215/Sgbs) comme appartenant à Pape Massata Diack, après que la transaction a été conclue devant notaire. Diack quitte le calvaire de Rebeuss et retrouve les siens, plus ou moins tranquille.
Le garde des Sceaux, lui, est dans un état psychologique particulier : il tient à ce que son «protégé» lui rembourse ses 100 millions, mais un écueil de taille empêche la ristourne : Massata Diack n’est qu’en liberté provisoire. Il lui faut donc un «non lieu» que seul le juge est capable de délivrer. Le ministre d’Etat est d’autant plus pressé de rentrer dans ses fonds que la somme versée pour la caution n’est que la moitié d’un emprunt bancaire garanti par l’hypothèque de sa maison du Point E, «une demeure d’une superficie de 2033 mètres carrés (...) immatriculée Tf/7524/Dg». Une crainte, toute humaine, l’habite, selon notre confrère : celle de perdre le titre foncier au profit de sa banque.
Moustapha Sèye, de son côté, fait prévaloir ses certitudes sur la pleine culpabilité de l’agent marketing. Le non-lieu est impensable. On pouvait penser que son parachutage au siège n’était qu’un acte administratif normal et banal qu’un garde des Sceaux est souvent appelé à prendre dans l’exercice de ses prérogatives. La caution de 100 millions de francs Cfa versés dans le compte bancaire d’un inculpé pour une transaction bien ciblée, change bien des données dans cette affaire.
0 Commentaires
Participer à la Discussion