L’ancien président tchadien Hissène Habré pourra être maintenant jugé au Sénégal. Le Parlement a voté hier, en fin de matinée, le projet de loi constitutionnelle modifiant les articles 9 et 95 et complétant les articles 62 et 92 de la constitution. Cette modification dispose : ‘(…) Nul ne peut être condamné si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis. Toutefois, les dispositions de l’article 9 ne s’opposent pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre’. En clair, les tribunaux sénégalais sont maintenant compétents pour juger l’ancien président tchadien Hissène Habré, réfugié au Sénégal depuis 1992 et poursuivi pour crime de guerre et crime contre l’humanité.
Pour les partisans de cette loi, notamment le ministre de l’Intérieur et précédemment ministre de la Justice qui représentait le gouvernement, ‘cette loi est impersonnelle et ne vise en aucun cas Hissène Habré’. Mais pour le député Seydou Diouf, cette loi a pour but de lever tout obstacle contre l’irrecevabilité d’une plainte contre Habré : Elle ‘vise à garantir la recevabilité par les juridictions sénégalaises des infractions non prescriptibles comme les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité’.
Pour sa part, le ministre Cheikh Tidiane Sy a souligné que le vote de ce projet de loi répond, d’abord, à une demande de l’Union africaine et à une volonté de se conformer au droit international. Mais, il permet surtout aux tribunaux sénégalais d’être compétents pour juger l’ancien président tchadien. Car ‘nos magistrats sont aussi compétents que les occidentaux’, a déclaré l’ancien Garde des Sceaux. Selon lui, le Sénégal refuse d’humilier Habré, en l’extradant vers la Belgique. Donc, il fallait faire un choix : soit le juger au Sénégal, soit l’extrader vers la Belgique. Or pour le ministre, il n’est plus question d’extrader les dirigeants africains pour qu’ils soient jugés en Occident, alors que nous avons des magistrats compétents. En conséquence, conclut-il : il fallait se conformer au droit international résultant ‘du statut de Rome qui définit des infractions intégrées dans notre Code pénal’.
Cependant, les députés qui ont voté contre la modification de l’article 9, dénoncent le caractère rétroactif de ce projet de loi, car les faits reprochés à Habré datent de bien longtemps. D’ailleurs, martèlera le député Me El Hadj Diouf, par ailleurs avocat d’Habré, la loi votée par l’Assemblée nationale n’existe nulle part au monde. ‘Aucun pays au monde n’a modifié sa constitution pour juger Habré’. C’est pourquoi, cela lui ‘donne envie de rire’ quand les députés et le ministre invoquent la nécessité de se conformer au droit international, en votant la loi. D’autant, s’offusque le député Samba Diouldé Thiam, la loi ne peut pas juger des actes commis avant sa promulgation. Car ‘avec cette rétroactivité, on risque de juger des mort ’, a-t-il ajouté. Et, poursuit-il, ‘si le jugement exige qu’on modifie la constitution, autant expulser Habré au lieu de modifier la constitution’.
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