‘Très jeune, mon père est décédé. Quelques années après, ma mère s'est remariée avec un gars qui n'était pas riche. Ma mère s'est décarcassée pour le soutenir et le faire voyager en Europe. Quelques années plus tard, il est revenu très riche, mais a beaucoup changé. Il n'a plus aucune considération pour ma mère qui, pourtant, nous a privé de tout pour lui permettre d'aller faire fortune en Europe. Quand, je me suis rendu compte de sa traîtrise, j'ai juré de venger ma mère. C'était en 2003.
‘L'année suivante, j'ai décidé de me rendre au Sénégal. Je faisais du petit commerce avec un de mes cousins. Au bout de quelque temps, je me suis rendu compte que cela ne peut pas me permettre de régler le problème de ma famille. Je suis l'aîné et j'ai six frères et sœurs (quatre garçons et deux filles).
Alors, avec les économies que j'avais, je me suis décidé à venir en Mauritanie. On me disait qu'il y était plus facile d'aller en Europe. Mais, très vite, j'ai déchanté. Je me suis rendu compte que les choses n'étaient pas aussi faciles que les gens le disaient. Mais il me fallait aller jusqu'au bout. Ainsi, je faisais du bricolage avant que l'on ne me souffle l'existence des réseaux de clandestins qui peuvent m'aider à rejoindre l'Europe via Nouadhibou. J'ai commencé alors à doubler d'efforts pour avoir la somme demandée.
‘Quand j'ai eu 150 000 Ouguiyas, je suis allé voir quelqu'un qui m'a mis en rapport avec quelqu'un d'autre qui ne fait que ce trafic. Je lui ai remis l'argent et nous nous sommes donnés rendez-vous. A la date et à l'heure indiquée, nous étions quelque 70 clandestins. La plupart étaient des Sénégalais. A Nouadhibou, le gars nous a dit que l'on n'a rien à craindre, car il bénéficie d'appui de hauts cadres. Malheureusement, ce fut un échec. Une patrouille de la gendarmerie mauritanienne nous a repérés et nous a capturés, avant de nous placer dans un centre d'accueil. Les conditions étaient inhumaines. Nous étions mal traités et nous avions souvent des prises de gueule avec les gardes. Et c'est là-bas où j'ai eu cette blessure à la tête (il baisse la tête pour nous permettre de mieux voir la cicatrice). Des gardes m'ont cogné et m'ont blessé.
‘Au bout de quelques jours, ils nous ont embarqué pour nous conduire à Nouakchott. Ici (dans la capitale mauritanienne), les conditions de détention, sont plus humaines. Après Nouakchott, nous sommes acheminés à Rosso avant d'être refoulés vers le Sénégal. En fait, nous n'avions pas de papiers sur nous. A Rosso Sénégal, nous étions laissés à nous-mêmes. Sans assistance.
Mais, quand on a eu vent que l'on peut repartir sans grand souci jusqu'à Nouakchott, la plupart d'entre nous ont repris espoir et ont commencé à faire du petit boulot pour rassembler une somme conséquente. Quand je l'ai eu moi, je n'ai pas hésité. Je me suis engagé et cela a réussi. Je suis à Nouakchott et d'ici peu, je progresse sur Nouadhibou pour essayer un coup. J'ai la conviction que je vais réussir.
‘Ma mère a souffert à cause de cet homme et je me dois de la venger. Et ma vengeance passera par ma richesse. Une richesse qui sera connue de tout le monde. Tant que je ne serai pas riche, je ne retournerai pas. Pour le moment, je l'appelle de temps en temps, mais je ne lui envoie rien. C'est difficile, mais je pense qu'elle va comprendre’.
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