Un dispositif juridique contre la mendicité des enfants existe au Sénégal, mais la plupart des personnes qui s’adonnent à cette pratique l’ignorent. Mais d’autres s’en accommodent encore, faute de trouver mieux.
est 13H au premier rond-point du Boulevard du Général De Gaulle, à un jet de pierres de la Bceao. A l’angle, trône majestueusement un grand panneau publicitaire. L’affiche qui y est collée attire l’attention des passants. «La place de l’enfant n’est pas dans la rue…» On aperçoit une affiche du Partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants de la rue (Parer). Là, il est écrit : «La place de l’enfant n’est pas dans la rue. L’article 3 de la loi n°2005-96 prévoit une amende allant de 500 mille à 2 millions de FCfa et 2 à 5 ans d’emprisonnement ferme» à ceux qui envoient les enfants mendier dans la rue. Le message est clair, mais pourtant, à quelque 300 m de cette affiche, à côté de la Grande Mosquée de Dakar, des mendiants sont assis sous les arbres, profitant de l’air pur. Il y en a de toutes les catégories. De l’enfant de 5 ans à la femme de 40 ans, en passant par les hommes parfois frappés par un handicap, ils cherchent tous la dépense quotidienne. Pour cela, tous les moyens sont bons pour faire cette quête perpétuelle. Ceux qui en souffrent sont les enfants. Ils sont tenus de collecter des sommes d’argent qu’ils doivent remettre à leurs parents qui devisent tranquillement sous les arbres. Pas de souci pour leur éducation.
Interrogée sur la question, Bineta Diallo, la trentaine bien sonnée, ignore l’existence de cette loi. «C’est vous qui me l’apprenez. Je n’étais pas au courant.» Elle commence à raconter son calvaire. «Je n’ai rien à faire à part mendier. J’ai quatre enfants à entretenir. Mon mari n’a pas les moyens de subvenir à mes besoins. Pour cela, je quitte chaque matin Colobane, vers 6h du matin, en compagnie de mes enfants. Je suis obligée de les amener, parce que ce sont eux qui m’aident dans le travail», confesse-t-elle.
De son côté, Adama Hawa, âgée de 25 ans et mère de 3 enfants, ne trouve pas non plus de solution. Cette dame logée à Guédiawaye, ignore aussi cette loi. «Je n’en suis pas informée. En ce moment, mes enfants sont encore jeunes. J’attends un peu, le temps qu’ils grandissent, pour les ramener au Mali.»
Demba Niarhé, un aveugle trouvé sur l’autre allée, marche en toute tranquillité. Cet homme accompagné de sa fille ainée âgée de 8 ans dit le contraire. «Je suis au courant de cette loi. Seulement, je ne peux pas tout abandonner subitement. C’est ma femme qui m’aidait auparavant. Mais aujourd’hui, elle vient d’avoir un bébé et n’a plus ce temps», regrette-t-il. Et d’ajouter : «Si on m’aide, je retourne définitivement au pays, le Mali.»
Du côté du Parer, «la campagne d’affichage s’inscrit dans une démarche globale de diffusion de la loi. Car, il y a des gens qui ignorent l’existence de ce dispositif juridique sur la mendicité des enfants», explique le chargé des programmes, Bamba Diaw. Outre l’affichage, il confie que d’autres moyens de communication sont aussi prévus, comme les sketchs, les émissions de radio. Cela est complété par une campagne de sensibilisation dans les régions pourvoyeuses d’enfants mendiants. Les localités les plus touchées sont Kolda, Ziguinchor, Thiès et Kaolack. Au sujet des affichages badigeonnés, M. Diaw déplore la méthode et invite tout le monde à la discussion.
SOUHAIT DE ALPHA DIALLO, ENFANT DE LA RUE : «Je veux aller à l’école»
Alpha Diallo est un jeune garçon, visage crispé, cheveux roux et crasseux. De teint clair, vêtu d’un pull-over jaunâtre bien serré, son pantalon gris est noirci par des taches. Il est à côté de ses parents, en face la Grande Mosquée de Dakar en train de mendier. A toutes les questions posées en langue nationale, c’est lui qui traduit en bambara, sa langue maternelle. Et pourtant, ses parents sont les premiers à être installés à Dakar. Très curieux de sa part, l’adaptation a été une chose facile. Son unique souhait, c’est d’aller à l’école tout comme les autres enfants de la ville. «Mon vœu le plus ardent, c’est de partir à l’école comme tous les enfants de mon âge. J’interpelle chaque fois ma mère, mais elle ne me répond pas. Cela n’empêche, si quelqu’un m’aide, je suis prêt à abandonner cette pratique.»
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