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[Découverte] Grand-Bassam : Trésors architecturaux et histoire coloniale

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[Découverte] Grand-Bassam : Trésors architecturaux et histoire coloniale

 

Ville historique, sise sur la côte ivoirienne, Grand-Bassam a été inscrite au panthéon mondial du patrimoine par l'UNESCO, le 29 juin 2012. Cette décision émanant du Comité du patrimoine mondial, honore la richesse culturelle et architecturale de cette cité. Sa valeur “universelle exceptionnelle” s'appuie sur une urbanisation méticuleuse et une qualité architecturale riche en héritage.

 

Se lancer à l'assaut des ruelles de cette enclave sans un guide reviendrait à une flânerie superficielle. Une telle démarche vous ferait certes contempler le panorama, mais passerait à côté de l'âme, l’essence, l’histoire de cette localité. Chaque année, des milliers de visiteurs convergent vers Grand-Bassam. Très souvent, ils optent pour les services d'une boussole humaine. Parmi elles, Antoine Seka, guide conférencier de renom, se distingue. Arborant un sourire chaleureux, notre interlocuteur nous accueille avec l'expression ivoirienne emblématique “Akwaba”(bienvenue chez les Baoulés et les Agnis), popularisée lors de la 34e édition de la Coupe d'Afrique des Nations. Il convient de préciser que ce patrimoine, inscrit au registre de l'UNESCO, se divise en quatre zones distinctes : le quartier résidentiel, le quartier administratif, le quartier commercial et le village N'zima. Notre périple inaugural à travers cette cité historique nous conduit dans le quartier résidentiel, notamment à la rue Marcel Monnier, où se dresse avec l'un des symboles architecturaux les plus remarquables : la maison Diaw. Édifiée au début des années 1900 par un citoyen américain, cette demeure changea de main en 1910 et trouve acquéreur en la personne de Monsieur Diaw, un douanier sénégalais établi à Grand-Bassam. Près d'un siècle plus tard, la maison Diaw, toujours dans le giron familial, demeure un joyau architectural, qualifié de “bâtiment exceptionnel”.

 

Antoine Seka nous éclaire davantage sur les particularités de cette habitation : “La maison n’est pas à étage comme les autres bâtiments mais cette maison bénéficie de toutes les caractéristiques des maisons à étages. Il y a une galerie interne qui permettait la circulation de l’air, une ouverture faite de tuiles et des fenêtres à persiennes. Même quand la maison est fermée continue de laisser passer l’air. Ce qui a été formidable, c’est que cette maison bénéficie d’un sous-sol qui était une prouesse architecturale parce que ce site avant l’urbanisation était une zone marécageuse”

 

Berceau historique de la Côte d'Ivoire, Grand-Bassam a été la première capitale du pays sous le joug de l'occupation française de 1893 à 1900. C'est dans cette ville que perdure l'héritage architectural des anciens colonisateurs. Parmi les vestiges remarquables, l'ancien mess des officiers apparaît comme un témoignage immuable du passé colonial. Autrefois, ce bâtiment servait de cantine-restaurant aux officiers militaires français, arborant une architecture à étages d'une rare élégance. Construite entièrement en bois, cette structure est une illustration de l'ingéniosité des artisans locaux, utilisant le précieux bois d'acajou de la localité pour ériger cet édifice qui vit le jour en l'an 1897.


Après le retrait des forces militaires vers Abidjan à partir de 1950, l'ancienne messe des officiers entama une nouvelle phase de son histoire. Transformée en résidence, elle devint le logement des directeurs de la première école régionale de Côte d'Ivoire, fonctionnant ainsi jusqu'à l'aube de l'année 1998.

 

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Au cœur d'une végétation luxuriante, où l'herbe ondule et les bananiers s'entremêlent, se dresse l'ancienne demeure des résidents français, jadis le consulat de France. Érigé en 1870, ce bâtiment historique demeure figé dans le temps, n'ayant jamais été restauré ce qui justifie son délabrement avancé marqué par l’épanouissement de bananier autour de ses murs décrépis. 

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Juste en face, se profile la première école régionale transformée en établissement exclusivement réservé aux filles.

 

A une minute de marche trône fièrement le premier hôpital moderne édifié par la colonie française, aujourd'hui connu sous le nom de dispensaire urbain. Son inauguration remonte à l'année 1905, et depuis lors, cet établissement de santé demeure un pilier essentiel de la communauté locale. À l'origine réservé exclusivement à la population européenne, cet établissement a traversé les décennies, témoignant de l'évolution historique et sociale de la région. Il convient de noter que cet hôpital a également joué un rôle significatif dans la formation médicale de personnalités notables. En effet, il fut le lieu où le premier président de la Côte d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, exerça en tant que médecin-stagiaire avant d'être assigné à des fonctions à l'intérieur du pays.

 

À la lisière du quartier résidentiel et administratif, une boutique d'objets d'art offre une immersion dans la richesse culturelle de la région. Tenue par des ressortissants Burkinabés, elle expose une variété de tableaux, colliers, bracelets africains, ainsi que des sculptures traditionnelles. Malgré cette diversité artistique, l'affluence peine à se matérialiser.


Au cœur des parcelles, les édifices, souvent de style colonial, conférent à l'ensemble une impression de grandeur. Leur silhouette s'élève sur un ou deux niveaux, déployant parfois des volumes centraux ceinturé de galeries. Ces dernières, pensées pour réguler la chaleur et assurer une ventilation adéquate, encadrent harmonieusement l'architecture. La disposition des bâtiments suit une trame orthogonale, ponctuée par des façades offrant une certaine uniformité. Dans une démarche historique, les premières constructions étaient élevées sur pilotis, éloignant ainsi les habitations de l'humidité du sol et des élévations thermiques, tout en favorisant la circulation d'air. C'est le cas de l'actuelle préfecture de Grand-Bassam ex-bureaux des gouverneurs. Érigé en 1897, ce bâtiment imposant a servi de siège administratif où se côtoyaient les plus hauts représentants de l'autorité coloniale.

 

Le Musée National du Costume, abrité dans ce qui fut jadis le premier palais des gouverneurs de la colonie de Côte d'Ivoire, s'inscrit comme un témoignage architectural prégnant au cœur du quartier administratif. Érigé le mardi 18 avril 1893, cet édifice s'entoure de la verdure florissante et de canons hérités du fort Nemours, premier comptoir commercial et militaire ivoirien. Ces canons, jamais déployés dans un conflit, demeuraient des instruments de dissuasion. La construction du palais s'appuie sur des éléments préfabriqués, livrés en avril 1893, incluant des poutres et poutrelles métalliques, sur le fondement d'une structure préexistante datant de 1849. En 1895, l'édifice revêt une architecture caractéristique : un soubassement de deux mètres, dévolu à des fonctions d'entrepôt, soutient un rez-de-chaussée surélevé et un étage, ceints d'une véranda à la structure métallique. Les façades latérales comptent quatre travées de colonnes métalliques, tandis que celles orientées nord et sud en accueillent six. Les escaliers droits, insérés dans l'épaisseur de la véranda, relient les étages.


 Durant la période allant de 1893 à 1900, quatre gouverneurs se succèdent à la tête de la colonie ivoirienne : Louis-Gustave Binger, Eugène Bertin, Louis Mouttet et Henri-Charles Roberdeau. En 1980, ce témoin historique connaît une transformation majeure, se métamorphosant en Musée National des Costumes, un espace dédié à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine vestimentaire ivoirien.

 

 

Juste en face l’on retrouve dans une broussaille dense l’ex-palais de justice.Construit en 1911, le tribunal de première instance, emblématique de l'architecture en béton armé émergeant dans les années 1910, trône sur une superficie imposante d'environ 650 m², faisant de lui le plus vaste édifice du quartier France. Jadis le siège principal de l'administration judiciaire de la colonie, ce monument, opérationnel de 1911 à 1954, incarne un vestige historique majeur de la Côte d'Ivoire. Sa construction titanesque s'est étalée sur une décennie, de 1900 à 1910, avant de devenir le premier palais de justice du pays. Les dimensions colossales de l'édifice (41,30 m de long sur 15,60 m de large, et une hauteur avoisinant les 9 mètres), ornées de colonnes à l'allure classique, ainsi que son majestueux perron couvert confèrent une allure de balcon à l'étage. Aujourd'hui, le tribunal repose dans un état d'abandon, mettant de côté son rôle de gardien de la loi pour devenir un symbole de déclin.

 

À quelques encablures, dans un état plus reluisant, s’élève la Maison des Arts, dans laquelle s’activent des artistes peintres de la ville. Jadis cercle des chargeurs réunis, il servait de bureaux pour les agents du Wharf. Leur logement était à proximité du Wharf maritime qui est désormais le Wharf Hôtel. Cet établissement historique est désormais l’une des destinations privilégiées des touristes. Sa plage fut le théâtre d'une escale marquante : celle de Cheikh Ahmadou Bamba, en 1895, lors de son passage à Grand-Bassam durant son exil forcé pour le Gabon. La visite s’achève à l’ancien bâtiment de la poste des douanes qui a subi une cure de jouvence. A l’initiative d’une banque de la place, cet édifice devrait abriter dans les prochains mois une maison de l’art.

 

La ville de Grand-Bassam, autrefois capitale de la Côte d'Ivoire de 1893 à 1900, témoigne d'un passé marqué par des événements tragiques et des décisions historiques. Le déplacement de la capitale vers Bingerville fut engendré par des fléaux qui frappèrent durement la région. En effet, Grand-Bassam a été le théâtre de trois épisodes dévastateurs de fièvre jaune, lesquels ont jeté une ombre  sur son histoire. La première de ces épidémies remonte à 1862, suivie de près par une deuxième vague en 1898. Cependant, c'est la troisième et la plus dévastatrice de ces épidémies, survenue en 1899, qui a scellé le destin de la ville. Cette dernière décima les deux tiers de la population européenne présente à Grand-Bassam, représentant environ 400 à 450 individus, sur une population totale estimée à 600 habitants. Face à ce désastre humanitaire, les autorités coloniales furent contraintes de prendre des mesures radicales. Leur décision de délocaliser la capitale à Bingerville, nommée en l'honneur du premier gouverneur de la colonie française, Louis-Gustave Binger, fut l'aboutissement d'une série de réflexions. Cette migration administrative représente un tournant majeur dans l'histoire de la Côte d'Ivoire et marque la fin d'une ère pour Grand-Bassam. Un fléau que le colon européen aurait pu prévenir mais les relations très souvent conflictuelles avec les populations autochtones ne plaidaient pas en leur faveur.





5 Commentaires

  1. Auteur

    En Février, 2024 (11:33 AM)
    On dit "UN MESS DES OFFICIERS"...Ce n'est pas la messe des prières...la culture ça s'acquiert......

    Sinon bel effort, instructif et imagé.. 
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  2. Auteur

    En Février, 2024 (11:37 AM)
    "Malgré cette diversité artistique, l'affluence peine à se matérialiser"......bledards : des muscles autour d'un tube digestif...qui même ici à mis les pieds dans un musée de son propre chef ?
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    Auteur

    En Février, 2024 (11:40 AM)
    Aucun cliché n'apparaît....
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    Auteur

    Mouride

    En Février, 2024 (12:22 PM)
    Il fallait evoquer Serigne TOUBA au Senegal quand on parle de grand Bassam on fait allusion à Khadimou Rassoul 💡 right 
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    Auteur

    André

    En Février, 2024 (12:29 PM)
    Avant même la colonisation française des missionnaires capucins bretons se sont établis à Grand Bassam en 1686. Des dominicains suivront au siècle suivant. Puis ce seront les spiritains avec Monseigneur Barron un américain en 1844. Victimes de maladies et de décès ils continueront ensuite vers le Gabon avec Monseigneur Bessieux, adjoint de Monseigneur Kobès évêque de Dakar
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