Il était accusé «d'incitation à attroupement non armé» et «d'atteinte à l'unité nationale» après avoir couvert une manifestation du «Hirak».
Le journaliste algérien Khaled Drareni, en détention provisoire depuis la fin mars, a été condamné lundi 10 août à trois ans de prison ferme, une peine très sévère, a annoncé à l'AFP Me Nouredine Benissad, un avocat de son collectif de défense.
«C'est un verdict très lourd pour Khaled Drareni. Trois ans ferme. On est surpris. Le dossier est vide», a déclaré l'avocat aussi président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADH). Ses deux co-accusés, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du mouvement de contestation antirégime «Hirak», ont quant à eux été condamnés chacun à deux ans de prison, dont quatre mois ferme.
Âgé de 40 ans, Khaled Drareni est accusé «d'incitation à attroupement non armé» et «d'atteinte à l'unité nationale» après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation du «Hirak», le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an jusqu'à sa suspension il y a quelques mois en raison de la pandémie de Covid-19. Incarcéré depuis le 29 mars au centre pénitentiaire de Kolea, près d'Alger, il a été jugé en compagnie de deux figures du «Hirak», Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche.
Sous le coup des mêmes chefs d'accusation, ces deux derniers ont bénéficié le 2 juillet d'une remise en liberté provisoire, alors que M. Drareni a été maintenu en prison. Lors de l'audience par visioconférence, au cours de laquelle il est apparu amaigri, Khaled Drareni a rejeté les accusations.
Il a assuré n'avoir fait que son «travail en tant que journaliste indépendant» et avoir exercé «son droit à informer». Au cours du procès, il lui a été reproché d'avoir critiqué sur Facebook le système politique et d'avoir publié le communiqué d'une coalition de partis politiques en faveur d'une grève générale, selon RSF.
«Dérive autoritaire »
Les appels à libérer le journaliste se sont multipliés ces dernières semaines. «Les autorités algériennes doivent relâcher immédiatement et sans condition Khaled Drareni, d'autant qu'il n'existe aucune preuve qu'il ait fait autre chose que son métier de journaliste», a plaidé dans un communiqué le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), ONG basée aux États-Unis.
Pour RSF, qui mène une campagne internationale en sa faveur, «une condamnation à une peine de prison serait la preuve d'une dérive autoritaire du pouvoir algérien». «Elle confirmerait que le pouvoir algérien a tourné le dos aux idéaux de l'indépendance du pays», estime RSF.
Le verdict sera «un test majeur pour le pouvoir politico-judiciaire actuel», selon le quotidien francophone El Watan. «Soit il manifeste une volonté franche d'ouvrir une nouvelle ère d'apaisement politique, soit il reste figé dans le mauvais statu quo actuel, dont la principale marque est l'atteinte à la liberté d'expression», estimait le journal dans un récent éditorial.
De nombreux journalistes poursuivis
La justice algérienne a multiplié les poursuites judiciaires et les condamnations de militants du «Hirak», d'opposants politiques, de journalistes et de blogueurs. Certains journalistes ont été accusés de semer la discorde, de menacer l'intérêt national et d'être à la solde de «parties étrangères». Plusieurs sont en prison et des procès sont en cours.
Abdelkrim Zeghileche, militant du «Hirak» et directeur d'une radio algérienne diffusée sur Internet, Radio-Sarbacane, a été à nouveau incarcéré le 24 juin à Constantine (nord-est). Un autre journaliste proche du «Hirak», Ali Djamel Toubal, correspondant du groupe de médias privé Ennahar, a lui été condamné le 14 juillet à 15 mois de prison ferme par la cour d'appel de Mascara (nord-ouest) pour avoir notamment diffusé des images montrant des policiers malmener des manifestants antirégime.
Egalement derrière les barreaux, Belkacem Djir, journaliste de la chaîne d'information privée Echourouk News, a écopé le 28 juin d'une peine de trois ans de prison dans une affaire de droit commun liée à son travail d'investigation.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a perdu cinq places par rapport à 2019 (141e) et 27 par rapport à 2015 (119e).
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