Togo, Guinée, Côte d’Ivoire, Niger… Les manifestations se multiplient ces dernières semaines contre les régimes ouest-africains en place. Pour cet éditorialiste guinéen, c’est le signe d’une exigence plus grande des citoyens.
Depuis quelques semaines, la météo sociopolitique de la sous-région ouest-africaine est particulièrement agitée. Les manifestations aux relents contestataires s’y multiplient.
Tantôt il s’agit d’activistes de la société civile qui sont mécontents de la gestion de la chose publique, et donc de la répartition des ressources du pays. Tantôt ce sont des opposants politiques qui n’apprécient pas la conduite d’une consultation électorale ou qui s’élèvent contre les outrances ou l’agenda caché du pouvoir en place.
Ainsi, du Togo à la Guinée en passant par la Côte d’Ivoire et le Niger, les régimes respectifs font face à des turbulences auxquelles chacun essaie d’appliquer son propre remède. Mais il n’est pas exclu que l’on soit en face d’une tendance d’ensemble, et plutôt marquée, d’éveil de conscience de la part de citoyens plus exigeants. Ceux-ci portent sur leurs gouvernants un nouveau regard.
Exemples sénégalais et burkinabè
Pendant longtemps, des analystes et autres chroniqueurs ont regretté que le continent ne se soit pas suffisamment inspiré des exemples sénégalais et burkinabè contre respectivement les régimes d’Abdoulaye Wade [2000-2012] et de Blaise Compaoré [1987-2014].
Mais ces mouvements contestataires ayant déboulonné des dirigeants réfractaires à toute idée de départ du pouvoir ne sont visiblement pas restés sans conséquences, tout au moins dans la région ouest-africaine.
L’explosion du phénomène des réseaux sociaux aidant, on assiste en effet, dans cette partie du continent, à une dynamique de contestation qui augure d’un bond qualitatif dans la gouvernance tant politique qu’économique des différents pays. Déjà, on a assisté à la chute inespérée de Yahya Jammeh [en Gambie, au pouvoir de 1994 à 2017].
Ancrage des valeurs démocratiques
Bien entendu, à court terme, les différents soulèvements, qu’ils soient politiques ou sociaux, menacent la stabilité des pays, font peser des risques sécuritaires sur les personnes et leurs biens et mettent en péril l’exercice des libertés.
Mais si l’on se place sur une perspective plus longue, l’on se rend compte que toutes ces contestations, mêmes quand elles sont réprimées, sont les ferments de l’optimisme que bien d’analystes nourrissent pour la sous-région. Pour l’ancrage de la démocratie et l’institutionnalisation des valeurs de la bonne gouvernance, de la justice et de la liberté.
Ainsi, que le veuillent ou non [le président togolais] Faure Gnassingbé et les siens, à défaut d’être contraints de rendre le pouvoir à l’horizon 2020, ils devront consentir une large ouverture du régime et accepter un meilleur partage des ressources du pays. [Au pouvoir depuis 2005, Gnassingbé est contesté dans la rue depuis plusieurs mois.]
Contre un troisième mandat
De même, en Guinée, avec la grève syndicale qui s’est récemment terminée et les manifestations qu’elle avait suscitées, [le président] Alpha Condé, qui a désormais une idée plus précise du degré de malaise et de ras-le-bol de ses compatriotes, a dû promettre un remaniement ministériel. [Élu en 2010, puis réélu en 2015], le chef d’État, qui continue d’entretenir un flou contre-productif autour du troisième mandat [interdit par la Constitution], sait à quoi s’en tenir de la part des Guinéens.
Cette même idée de troisième mandat que le président ivoirien Alassane Ouattara [au pouvoir depuis 2011] ramène curieusement, et à la surprise générale, dans le débat, donne à ses opposants, jusqu’ici divisés et plutôt inefficaces, l’occasion de s’unir et de rebondir. Une démarche particulièrement risquée quand on sait que, dans ce pays, le feu couve encore sous la cendre. Comme l’ont démontré du reste les nombreuses mutineries que le pays a enregistrées durant toute l’année dernière. [La Côte d’Ivoire a été meurtrie par une décennie de crise politico-militaire qui s’est terminée par une guerre civile en 2010-2011.]
Répression vs revendications
Enfin, au Niger, [le président] Mahamadou Issoufou, tardant à combler les attentes, doit faire face à une société civile plus hargneuse et surtout désireuse de combler le vide laissé par l’opposition, que le régime a décapité. Et cela dans un contexte de fréquentes attaques terroristes et de menaces contre l’exercice des libertés dont celle d’expression, ainsi que dans une situation où les populations sont confrontées à la sécheresse, aux inondations et à la faim.
Bien entendu, dans chacun de ces cas, les pouvoirs en place ont essayé de répondre par la répression via les forces de l’ordre, toujours acquises à la cause des maîtres du moment. Mais aucun pouvoir ne peut rester indéfiniment sourd aux revendications des populations. Et c’est cela qui constitue le motif d’espoir dont tous ces mouvements sont porteurs.
3 Commentaires
Anonyme
En Mars, 2018 (09:55 AM)Junior Analyst
En Mars, 2018 (11:24 AM)Anonyme
En Mars, 2018 (11:40 AM)Participer à la Discussion