Candidat à la présidentielle de 2018, le président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage (PCC) serait retenu par les services de renseignement maliens.
Dans un Mali toujours en crise sécuritaire et politique, le professeur Clément Mahamadou Dembélé est une personnalité qui dérange, une voix qui, par ses dénonciations des turpitudes financières des puissants, attise les désirs de changement d’une partie de la population.
A 45 ans, le président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage (PCC) entend incarner une alternative à ce qu’il nomme « la mafia » des dirigeants qui se sont succédé au pouvoir depuis la vague démocratique apparue en 1991. Depuis samedi 9 mai, cette figure de la société civile à Bamako serait détenue par la Direction générale de la sécurité d’Etat (DGSE), les services de renseignement maliens. Le conditionnel s’impose encore, car aucune confirmation officielle n’est venue expliquer cette arrestation. « Il a été enlevé en plein jour, aux environs de 14 heures, alors qu’il venait de quitter son domicile. D’après des témoins de la scène, ce sont six hommes cagoulés circulant à bord de deux véhicules banalisés qui l’ont emmené vers une destination inconnue », raconte Youssouf Sanogo, le coordonnateur national de la PCC. « La famille et les collaborateurs ont cherché à savoir où il est détenu, mais la seule information que nous avons reçue [sur sa détention par la DGSE] nous a été donnée par Radio France internationale. Il n’y a rien d’officiel ! », poursuit ce proche de M. Dembélé.
Pour quel motif, le militant, éphémère candidat à l’élection présidentielle de 2018, serait alors retenu ? Officieusement, il lui serait reproché d’avoir appelé à la déstabilisation des institutions en publiant sur les réseaux sociaux une vidéo, vendredi 8 mai, dans laquelle il déclarerait que « l’armée ne doit en aucun cas tirer sur le peuple ». Cette phrase aurait été prononcée après que six manifestants ont été blessés par les forces de l’ordre, la veille à Sikasso, dans le sud-est du pays, lors des protestations ayant suivi la publication des résultats des élections législatives. « On l’accuse d’inciter à la désobéissance civile, de pousser les soldats à ne pas respecter leur hiérarchie, mais c’est faux ! Et, selon notre Constitution, un soldat a le droit de refuser d’exécuter un ordre illégitime », réplique Youssouf Sanogo.
« Faire réfléchir les gens sérieux »
Depuis que le militant est porté disparu, les soutiens ont fleuri. Tout d’abord sur les réseaux sociaux où, par exemple, le Club des amis du professeur Clément Dembélé promet que « le terrorisme d’Etat ne taira pas les Clément ». Ceux-ci se sont élargis à des cercles qui pourraient paraître inattendus, comme celui du Conseil national du patronat malien, dont le président, Mamadou Sinsy Coulibaly, un pourfendeur affiché de la corruption, participe activement à la mobilisation en faveur de la libération de celui qui se bat pour plus de transparence financière dans les affaires publiques maliennes.
« On entend qu’il sera bientôt libéré, que c’est le “Patron” [le président de la République] qui a demandé à ce qu’il soit interrogé, mais nous croyons que c’est son combat contre la corruption au plus haut niveau qui a motivé son arrestation », juge l’un de ses soutiens. Depuis 2014, plusieurs proches du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, sont soupçonnés d’avoir profité d’un système de surfacturation dans l’affaire dite de « l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires ». Des inculpations ont été annoncées, mais aucune condamnation n’a été prononcée. L’affaire avait pourtant valu une suspension de la coopération entre le Mali et les institutions de Bretton Woods, le Fonds monétaire international (FMI).
« Les dirigeants maliens ne peuvent aller dans tous les forums internationaux parler du respect de la bonne gouvernance et dans le même temps arrêter des militants anticorruption, s’agace Serge Michaïlof, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques et ancien directeur régional de la Banque mondiale. Les patrons du FMI et de la Banque mondiale ont été saisis. On va voir jusqu’où les deux institutions sont prêtes à aller, mais il faut menacer le Mali de suspendre certains programmes afin de faire réfléchir les gens sérieux de son gouvernement. » Dans l’attente, les soutiens de Clément Dembélé ont lancé pour le 19 mai un appel à la mobilisation devant la Bourse du travail.
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