Le président du Nigeria a décidé d’interdire le réseau social dans son pays après que ce dernier lui a supprimé deux de ses tweets. La population appelle à une mobilisation samedi pour dénoncer cette censure.
Twitter reste suspendu au Nigeria. Depuis vendredi, le pays n’a plus le droit d’utiliser la plateforme, ordre du gouvernement. Le réseau social a été restreint pour une durée indéterminée et l’utilisation d’un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner le blocage est considérée comme une infraction, a prévenu le ministre de l’Information et la Culture, Lai Mohammed. Des annonces faites alors qu’aucune loi n’a été votée par le Parlement.
Tout a commencé mercredi dernier, quand Twitter a supprimé deux messages du Président, Muhammadu Buhari, fortement décriés à travers le pays et jugés par le réseau social comme allant à l’encontre des règles d’utilisation. Ainsi dans l’un des tweets, le chef de l’Etat menaçait de «traiter avec un langage qu’ils comprennent» les indépendantistes biafrais, évoquant la guerre du Biafra (1967-1970) au Nigeria. Buhari, à l’époque général, avait violemment combattu la rébellion. Un million de personnes ont été tuées dans ce conflit qui avait provoqué une terrible famine. Le chef de l’Etat les accuse d’être aujourd’hui responsables des violences dans le sud-est du pays.
Contrôle des médias par l’Etat
La suspension nationale de Twitter a choqué la population. Le réseau social est très populaire dans le pays, où l’âge médian est de 18 ans, près de 40 millions d’habitants sur 200 millions ont un compte, selon un sondage du cabinet d’étude statistique NOI Polls. Il s’agit d’un moyen pour «donner une voix aux sans-voix» ou «interpeller le gouvernement sur ce qui ne va pas dans le pays», selon l’institut.
Ainsi, la jeunesse et le mouvement #EndSars, contre les violences de l’unité de police du même nom en octobre, se sont appuyés sur Twitter pour organiser les plus importantes manifestations de l’histoire moderne du Nigeria. Pendant deux jours, le hashtag était le plus partagé dans le monde. Mais sans surprise, la contestation a été durement réprimée. Néanmoins, elle a poussé l’Etat à dissoudre la force spéciale contestée.
Les défenseurs des droits humains et de la liberté de la presse dénoncent la suspension de Twitter et le contrôle des médias par l’Etat. Pour cause, lundi, l’organe national de régulation audiovisuelle (NBC) a demandé à toutes les radios et télévisions du pays de supprimer leur compte sur le réseau social. Il a indiqué considérer toute utilisation du réseau social comme étant «antipatriotique».
En réaction, le groupe de médias Daar Communications a annoncé porter plainte pour atteinte à ses intérêts économiques. Certains, comme Arise TV, continuent d’utiliser Twitter, mais depuis leurs bureaux anglais et américains afin de contourner la directive.
Manifestation sous la bannière #KeepItOn
La population, elle, s’organise sur d’autres réseaux sociaux, comme Clubhouse ou Facebook, sous le hashtag #KeepItOn. Une mobilisation est prévue samedi contre la suspension de Twitter.
De leur côté, l’Union européenne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Canada ont appelé le Nigeria à revoir sa position dans un communiqué conjoint. «L’interdiction de moyens d’expression n’est pas la solution», ont-ils déclaré. «La voie vers un Nigeria plus sûr passe par plus de communication, et non pas moins» ont-ils affirmé, insistant sur la nécessité d’un «dialogue inclusif» essentiel en période de «pandémie de Covid-19».
Leurs ambassadeurs ont été reçus lors d’une réunion à huis clos lundi par le ministre des Affaires étrangères nigérian, Geoffrey Onyeama. Mais rien n’y fait, le gouvernement du Nigeria n’a pas bougé d’un iota.
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