L’ancien colonel, à la tête de l’archipel depuis 2016, obtient 57,2 % des suffrages et un troisième mandat de cinq ans.
L’annonce sera-t-elle suivie, comme la semaine précédente, d’émeutes soutenues par les opposants du président Azali Assoumani ? Mercredi 24 janvier, dix jours après l’élection présidentielle, les juges de la Cour suprême ont validé la réélection du dirigeant sortant dès le premier tour. L’ancien colonel, à la tête des Comores depuis 2016, obtient 57,2 % des suffrages et un nouveau mandat de cinq ans. Une victoire rejetée « en bloc » par l’opposition.
Les résultats définitifs tranchent avec les chiffres provisoires livrés mardi 16 janvier par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui avait désigné Azali Assoumani vainqueur avec 62,9 % et avancé un surprenant taux de participation de 16,3 % – rectifié ce mercredi à 56,44 %. Ce chiffre, peu vraisemblable, avait mis le feu aux rues de la capitale Moroni, théâtre d’affrontements mercredi 17 et jeudi 18 janvier.
Samedi 20 janvier, trois candidats de l’opposition avaient porté des recours devant la Cour suprême pour rectifier des résultats qu’ils qualifient de « mascarade électorale ». Ce mercredi, l’instance a « rejeté [ces] demandes d’annulation du scrutin ». Les cinq candidats, qui bénéficiaient d’une immunité pendant la campagne mais pourraient désormais être arrêtés par les forces de l’ordre, n’étaient pas présents lors de l’audience.
Après avoir été secouée par deux jours d’émeutes, Moroni était calme mercredi. « Tout le monde est resté chez soi et attend les résultats, confie un diplomate présent sur place. Les gens ont peur » que la décision des juges provoque une nouvelle vague de violence, qui a déjà fait un mort la semaine passée et a paralysé l’archipel pendant soixante-douze heures. « Il faut absolument que les résultats définitifs soient le plus transparents et détaillés possibles au risque de créer de nouvelles émeutes », continue-t-il.
De nombreuses irrégularités
Les cinq candidats de l’opposition ont dit craindre, mercredi matin, « que [le] pays soit pris en otage » par le président de la République. Dans une déclaration commune, ils ont réitéré leur demande d’annulation des élections et de la tenue d’un nouveau scrutin, évoquant « la voix du peuple », en d’autres termes des manifestations si ces demandes étaient refusées.
La réélection d’Azali Assoumani passe d’autant moins bien que les candidats du parti présidentiel aux élections au poste de gouverneur des trois îles de l’archipel sont également passés dès le premier tour. Un « Gwa Ndzima » (« d’un seul coup » en langue shikomori) que le camp présidentiel avait promis de longue date et dans lequel l’opposition voir une manipulation « grossière ».
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Comme le précédent scrutin de 2019, les élections ont été émaillées de nombreuses irrégularités, telles que des bourrages d’urnes, l’intervention de l’armée dans des bureaux de vote ou encore le manque de transparence dans la compilation des résultats. L’opposition pointe du doigt le manque d’indépendance des institutions nationales, au premier rang desquelles la CENI, dont presque tous les membres ont été nommés par le parti présidentiel, tout comme les juges de la Cour suprême. Deux magistrats, en charge du processus électoral au sein de l’instance, ont été limogés à quelques semaines du scrutin.
Le président comorien, également président en exercice de l’Union africaine, fait désormais tout pour éviter de nouveaux troubles post-électoraux. La police, dont les membres sont souvent cagoulés, a renforcé sa présence dans la capitale Moroni ainsi que sur l’île d’Anjouan, traditionnellement acquise à l’opposition. Dans la matinée de mercredi, les forces de l’ordre ont dispersé un rassemblement des « grands notables », des sages comoriens, à Moroni.
Des détentions arbitraires
« Il y aura probablement des troubles à Anjouan, mais seulement quelques actions sporadiques sur l’île de Grande Comore », suggère, sous couvert d’anonymat, un ancien ministre aujourd’hui du côté de l’opposition. La semaine passée, les émeutes avaient pris fin, selon des journalistes comoriens, après la distribution dans plusieurs quartiers de la capitale d’importantes sommes d’argent par le pouvoir à destination des leaders de la révolte.
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Du reste, la répression a vu l’arrestation de plus de deux cents manifestants à Moroni. « Ils sont détenus de manière arbitraire », dans une caserne militaire au sud de la ville, précise Mohamed Daoud alias « Kiki », le candidat du parti Orange, arrivé en troisième position. Si aucun des candidats n’est sous les verrous, une dizaine de leurs proches collaborateurs ont été appréhendés, sans motif, par la police. Alors que la levée de leur immunité fait craindre leur arrestation, Moussa Ibrahim, candidat indépendant au poste de gouverneur de Grande Comore, vient d’être arrêté.
« Une détention provisoire ne peut pas dépasser 48 heures. Ces arrestations sont de facto illégales. Sur l’île d’Anjouan, Saïd Ali Ibouroi, un leader d’opinion très suivi sur Facebook, a été arrêté par les autorités depuis douze jours », indique Fahmi Saïd Ibrahim, un ancien ministre de la justice. Selon Ibrahim Abdourazak, coordinateur du front de l’opposition, « l’objectif était d’intimider les contestataires avant la validation de la Cour suprême ».
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