Je m’interroge. Depuis la révolution du jasmin, une accélération des événements a mis l’ensemble du monde politique international, des analystes et des médias dans la marmite. Quel repas est-on en train de nous servir ? Chacune des grandes ou petites puissances veut défendre ses intérêts dans la révolte populaire, à la recherche des dividendes post-révolutions. C’est ce que font les USA depuis vendredi en Egypte. C’est ce que font aussi nos amis iraniens. Le Maghreb et le Moyen Orient vivent des événements qui sont historiques. La réalité, c’est l’attente populaire de nouvelles réformes, de nouveaux avenirs possibles. Le fantasme c’est cette frénésie des médias à vouloir offrir en live à tout prix la tête d’un président. Et, parallèlement, à imposer un pseudo opposant, sorti du chapeau. Cela donne une vision pathétique du monde que nous vivons. Et de l’irresponsabilité des dirigeants: ONU, G20, G8, G77, etc. Chacun y va de sa petite implication, espérant y tirer profit lors de ses propres élections. Certes, il semble que les peuples du Moyen Orient et du Maghreb expriment une injustice légitime et, au-delà d’un changement profond, cherchent un projet de société pour leurs pays. Malheureusement, ils ne perçoivent pas les dangers de la récupération. La révolution ne garantit pas nécessairement le changement. La France de 1789 a accouché de la terreur puis de la restauration qui a abouti à la restauration, à l’empire, puis à cette Ve république qui ne rassemble pas, 200 ans après le premier cri du sans culotte, à la république idéale de Platon ou à celle de Rousseau. En Russie, le tsarisme a cédé la place à 70 ans d’une longue nuit de dictature stalinienne suivie aujourd’hui de l’autoritarisme poutiniste. En Iran, le Shah a été remplacé par les Ayottallah et le peuple s’est retrouvé au même point de départ…L’Egypte dont il est question aujourd’hui n’avait-il pas écarté son roi en 1952 dans une révolution qui se voulait avant-gardiste ? C’était pour se placer sous la botte militaire. Ces exemples montrent que le changement ne garantit pas la réussite du changement. Les comparaisons faciles ou les tentatives de globalisation ne font que renforcer notre sentiment quant à la volonté de l’Occident d’allumer un contre-feu d’une part pour faire oublier la crise économique mondiale et, d’autre part, pour nos amis iraniens de justifier leur course à l’armement nucléaire. Nous avons, citoyens du monde arabe, des idéaux qui puisent leurs fondements dans notre histoire. C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’avancer vers le progrès et la modernité. Mais ne soyons pas naïf. Ce n’est pas le progrès de l’Occident qui nous motive. Car nous sommes effarés du sort des homeless aux USA et des Roms en Europe. La crise financière mondiale a mis en exergue les dysfonctionnements et les inégalités de richesses d’un modèle qui se veut universel. Nous savons d’où nous venons et nous savons où nous voulons aller. Nos amitiés ne sont pas aveugles. L’aide au développement que nous sommes heureux de recevoir avec gratitude ne permet à aucun pays de s’ingérer aussi facilement dans les affaires d’un autre. Si le monde Occidental était heureux, nous le saurions et nous le suivrions. Et si leur bonheur était exclusif, nous frapperions à leur porte. Nous travaillons chaque jour dans ce laboratoire de la modernité, en puisant dans notre pensée arabo musulmane, n’en déplaisent aux donneurs de leçons. Il est choquant de voir chaque jour les dirigeants de ce monde violer les règles de l’ONU dans l’indifférence totale. Nos idéaux ne sont pas à vendre. Et puisque la réalité des faits fait le succès de l’information, je vous invite à venir parcourir la rue marocaine pour voir si vous y décèleriez le moindre parfum de jasmin. Vous n’y rencontrerez que vos propres mythes. Les fantasmes de certains analystes ou observateurs ne peuvent se substituer à la réalité des faits. Mettre le monde arabe dans une même camisole de force revient, toutes proportions gardées, à croire qu’une révolte dans une petite république baltique finisse fatalement au pied de la tour Eiffel.
ABDERRAZZAK SITAÏL, DIRECTEUR DE PUBLICATION
2 Commentaires
Balde
En Février, 2011 (01:16 AM)malheuresement nous avons le toupet d'epouser la culture des autres pour des raisons pecunieres
Smokey
En Février, 2011 (19:13 PM)Participer à la Discussion