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Afrique

En Afrique du Sud, une xénophobie largement banalisée

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En Afrique du Sud, une xénophobie largement banalisée
Sa présence aurait valu tous les démentis. Lui qui dénonçait une « distorsion délibérée » de ses propos. Pourtant, au milieu des quelques milliers de manifestants, ce jeudi 16 avril, dans les rues de Durban, dans l’est de l’Afrique du Sud, point de roi des Zoulous. Entre les nombreux drapeaux de pays africains, personne n’a vu Goodwill Zwelithini brandir une pancarte « Phansi nge Xenophobia » (« A bas la xénophobie ») ou crier « Hlanganani maAfrika » (« Africains unis »).


Cette foule continuera donc de retenir que le chef traditionnel des 12 millions de Zoulous, ultramajoritaires dans cette région côtière, est à l’origine de cette nouvelle flambée xénophobe. En zoulou dans le texte, c’est lui qui a demandé fin mars aux « étrangers de faire leurs bagages et de retourner dans leurs pays ».


S’ensuivirent deux semaines de confrontations avec les étrangers dans la cité portuaire et ses banlieues pauvres. Bilan officiel à ce stade : cinq morts. Davantage selon les associations locales d’immigrants. Et plus de 1 500 d’entre eux – Mozambicains, Malawites, Somaliens, Zimbabwéens… – ont dû fuir leurs maisons ou leurs magasins pillés, obligés parfois de trouver refuge dans des camps montés à la va-vite. Quelques incidents à Johannesburg faisaient craindre une propagation de l’intolérance meurtrière. En janvier, c’est d’ailleurs dans la banlieue de Soweto qu’une précédente vague antiétrangers avait tué au moins six personnes.


Inégalités criantes


Accabler un monarque aux pouvoirs diminués, qui a réussi à faire oublier sa proximité avec le régime oppresseur sous l’apartheid, serait pourtant lui donner beaucoup d’influence et d’importance. Si le feu se propage si bien, c’est que le terrain est propice. Les inégalités criantes, le chômage massif d’une jeunesse sans espoir nourrissent les frustrations des déshérités.


Mais il flotte aussi dans l’air une petite musique officielle troublante. N’est-ce pas la ministre de l’eau qui, en début d’année, assurait « ne pas être xénophobe », mais jugeait que le fait d’avoir « autant de petits commerces » tenus par des étrangers ne pouvait mener qu’à un « désastre » ?


Dans la foulée des violences de janvier, c’est la ministre des petites entreprises qui s’engageait à renforcer la réglementation à l’encontre de ces commerçants accusés de pratiquer une concurrence déloyale. « Les étrangers doivent comprendre qu’ils sont ici grâce à notre bonne volonté » et que « notre priorité, c’est d’abord et avant tout notre peuple », insistait-elle.



Cette semaine, le secrétaire général de l’ANC, le parti au pouvoir, encourageait le gouvernement à « durcir l’application des lois sur l’immigration », ce qui fut déjà fait l’an dernier. Gwede Mantashe proposa même l’établissement de camps de réfugiés pour mieux contrôler les étrangers illégaux.


Ce n’est plus seulement l’homme de la rue du township qui voit en l’immigré, légal ou pas, une menace et non pas un atout. C’est aussi désormais l’élite au pouvoir. Cette perception transparaît dans les propositions du programme de l’ANC défini en 2012. La lutte contre la xénophobie n’est par ailleurs qu’effleurée, alors que quatre années plus tôt le pays avait vécu à Johannesburg les pires émeutes xénophobes de son histoire (une soixantaine de morts).


« Certains viennent armés »


A l’époque, le président Thabo Mbeki avait pris la parole avec un retard jugé coupable. Son successeur a cette fois fait un peu mieux. Jeudi 16 avril, devant les parlementaires, Jacob Zuma a qualifié de « choquantes et inacceptables » les attaques xénophobes et a appelé au calme. Mais pas un mot pour dénoncer les propos du roi Goodwill Zwelithini, ni même ceux de son propre fils, Edward Zuma, qui avait appelé à déporter les étrangers, jugés dangereux. « Certains viennent dans ce pays armés et contribuent aux problèmes de drogue », affirmait-il.


« On ne vole pas le travail des Sud-Africains, on en donne ! »


Ambiguë, la parole officielle alimente le soupçon permanent à l’encontre des étrangers africains. Dans cette atmosphère, les auteurs de violences, que des chercheurs disent bien organisés, ne se sentent-ils pas plus libres de laisser cours à leur intolérance ? En janvier, à Soweto, des policiers furent surpris en train d’encourager des habitants à dévaliser une échoppe. Et les condamnations sont rarissimes.


« On ne vole pas le travail des Sud-Africains, on en donne ! », insiste l’Ivoirien Marc Gbaffou, président du Forum de la diaspora africaine en Afrique du Sud. L’an dernier, une étude sur l’économie informelle dans la province de Johannesburg établissait que les immigrants jouaient un « rôle positif » dans le pays « en créant de l’emploi, en payant des impôts et en fournissant des biens à bon marché ».


Dans le centre-ville de Johannesburg, un Ethiopien préfère répondre en tendant son passeport. « C’est celui que mon gouvernement a offert à Nelson Mandela quand il est venu se réfugier en Ethiopie pour lutter contre le régime de l’apartheid. »



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