Le Gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli a dénoncé, mardi, un énième "coup d'État" du maréchal Khalifa Haftar, accusé de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire en Libye. La veille, l'homme fort de l'Est avait déclaré disposer d'un "mandat du peuple" pour gouverner seul le pays.
Le Gouvernement d'union nationale libyen (GNA) basé à Tripoli a dénoncé, mardi 28 avril, un énième "coup d'État" du maréchal Khalifa Haftar, au lendemain de la proclamation par l'homme fort de l'Est qu'il disposait d'un "mandat du peuple" pour gouverner seul la Libye, en proie au chaos.
Accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire en Libye, près d'une décennie après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le maréchal, qui contrôle l'Est mais aussi une partie du Sud, a annoncé lundi le transfert du pouvoir à son armée autoproclamée, disant avoir "accepté la volonté du peuple et son mandat".
Khalifa Haftar, qui tient sa légitimité d'un Parlement élu basé aussi dans l'est, n'a pas précisé auprès de quelle institution il avait reçu "mandat". Il n'a pas non plus expliqué les implications politiques de son annonce : le Parlement et le gouvernement parallèle dont il est issu vont-ils être dissous ? Selon une source proche du dirigeant libyen, il s'apprête, pour le moins, à annoncer un nouveau gouvernement.
Lundi soir, le maréchal Haftar a également annoncé "la fin de l'accord de Skhirat", signé en 2015 au Maroc sous l'égide de l'ONU et dont est issu le GNA, basé à Tripoli, dans le nord-ouest du pays.
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"Signe de désespoir"
En réaction aux propos du haut-gradé, le GNA de Fayez al-Sarraj a dénoncé une "farce et un nouveau coup d'État", "qui s'ajoute à une longue série".
En 2017, le maréchal avait déjà assuré que l'accord de Skhirat avait "expiré". En 2014, il avait affirmé dans un discours à la télévision qu'il allait prendre le pouvoir, mais son annonce était restée sans suite.
Khalifa Haftar, qui tente depuis un an de s'emparer militairement de Tripoli, veut par son annonce "dissimuler la défaite de ses milices et mercenaires" et "l'échec de son projet dictatorial", a argué le GNA, en allusion aux récents revers des pro-Haftar.
"La décision de Haftar d'officialiser son contrôle direct sur l'Est (...) est un signe de son désespoir croissant face aux succès du GNA dans l'ouest", juge aussi Hamish Kinnear, analyste pour la société de conseil Verisk Maplecroft.
Soutenues par Ankara, les forces du GNA ont repris il y a deux semaines aux pro-Haftar deux villes stratégiques de l'ouest et cernent Tarhouna, la plus importante base arrière du maréchal, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Tripoli.
Pas de solution avec des "décisions unilatérales", affirme Paris
Au fil des mois, les ingérences armées étrangères ont exacerbé le conflit libyen, avec les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Russie dans le camp Haftar, et de l'autre la Turquie et son aide croissante au GNA.
Mardi, Moscou a toutefois pris ses distances avec la démarche de l'homme fort de l'Est. "Nous n'approuvons pas la déclaration du maréchal Haftar selon laquelle il décidera unilatéralement de la façon dont le peuple libyen vivra", a réagi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse en ligne. Aucune des parties rivales "n'aide à trouver un compromis stable", a-t-il déploré.
La France, de son côté, a déclaré que le conflit libyen ne pouvait pas être résolu par des décisions unilatérales. "La solution au conflit libyen ne peut passer que par le dialogue entre les parties sous l’égide des Nations unies, et non par des décisions unilatérales", a déclaré le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères Olivier Gauvin dans un communiqué qui ne faisait pas directement référence au maréchal Haftar.
"Il n’y a pas d’alternative à une solution politique inclusive, dans le cadre des conclusions de la conférence de Berlin", a-t-il ajouté, rappelant que Paris était attaché à l’unité et à la stabilité de la Libye.
Les États-Unis et l'Union européenne ont aussi condamné l'annonce de l'homme fort de l'Est, Washington regrettant la "suggestion" de Khalifa Haftar, qualifiée de démarche "unilatérale".
"Pour nous, l'accord politique libyen, les institutions qui en découlent, restent le seul cadre de gouvernement internationalement reconnu en Libye", a déclaré de son côté à New York le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric. Cette position s'inscrit dans "la ligne des résolutions de l'ONU" adoptées à propos de la Libye, a-t-il rappelé.
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