Au moins cinq personnes ont été tuées mardi au Kenya lors de manifestations antigouvernementales qui ont viré au chaos dans la capitale Nairobi, où des protestataires ont forcé les barrages de police et pénétré dans le Parlement.
Selon un communiqué de plusieurs ONG, dont Amnesty Kenya, "moins cinq personnes ont été tuées par balles (...) Trente et une ont été blessées" lors de cette journée de mobilisation à travers le pays contre les projets de nouvelles taxes du gouvernement actuellement débattus au parlement.
Ces organisations de défense des droits humains évoquent des tirs à balles réelles, de tirs de balles de caoutchouc et des blessures par des cartouches de gaz.
Elles indiquent également avoir relevé au cours des dernières 24 heures 21 cas d'enlèvements de personnes par des "officiers en uniforme ou en civil".
Des journalistes AFP présents sur place ont vu trois personnes inanimées, gisant dans des mares de sang, aux abords du Parlement, où un bâtiment a été brièvement en feu.
Après quelques dizaines de minutes, la police a repris le contrôle des lieux. Des images de la télévision y montraient des salles saccagées, tables renversées, fenêtres brisées et du mobilier fumant jonchant des jardins.
Trois camions de l'armée ont acheminé des renforts pour sécuriser les abords du parlement, où des dizaines de manifestants faisaient face aux forces de police, ont constaté les journalistes de l'AFP.
A quelques centaines de mètres du parlement, la police utilisait un canon à eau pour éteindre un incendie dans les bureaux du gouverneur de Nairobi, selon des images diffusées par la chaîne Citizen TV.
La principale coalition d'opposition, Azimio, a accusé le gouvernement d'avoir "déchaîné sa force brute contre les enfants de notre pays" qui manifestaient mardi.
"Le Kenya ne peut pas se permettre de tuer ses enfants simplement parce qu'ils demandent de la nourriture, un emploi et une oreille attentive. La police doit donc immédiatement cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés", a souligné Azimio dans un communiqué.
Par ailleurs, selon NetBlocks, organisme de surveillance du réseau de télécommunications dans le monde, le réseau internet au Kenya était perturbé de manière "importante" mardi, au moment où la police "réprime les manifestations".
L'organisme précise que les autorités avaient affirmé la veille qu'elles ne bloqueraient pas internet.
La tension était montée dans la journée dans le centre d'affaires (CBD) de Nairobi pour cette troisième manifestation en huit jours d'un mouvement baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement") opposé au projet de budget 2024-25 et à ses nouvelles taxes.
De premiers heurts ont éclaté vers la mi-journée après que des manifestants ont progressé dans une zone abritant plusieurs bâtiments officiels (Parlement, Cour Suprême, mairie de Nairobi...). Des manifestants sont ensuite entrés dans l'enceinte du Parlement, où les députés venaient d'approuver des amendements au texte, qui doit être voté d'ici le 30 juin.
- "Peur de rien" -
D'autres manifestations se sont tenues dans plusieurs autres villes du pays, notamment dans les fiefs de l'opposition de Mombasa (est) et Kisumu (ouest), ainsi qu'à Eldoret (ouest), grande ville de la vallée du Rift, région d'origine du président William Ruto, Nyeri (sud-ouest) et Nakuru (centre).
"Occupy Parliament" a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant l'instauration de nouvelles taxes, dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Pour le gouvernement, les taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté.
Après un début de contestation, le gouvernement a annoncé le 18 juin retirer la plupart des mesures, mais les manifestants ont poursuivi leur mouvement, demandant le retrait intégral du texte.
Initialement porté par la "Génération Z" (jeunes nés après 1997), le mouvement s'est transformé en une contestation plus large de la politique du président Ruto, qui s'était dit prêt à dialoguer dimanche.
"Nous n'avons peur de rien", lançait Stephanie Wangari, sans-emploi, 24 ans: "Ruto n'a jamais tenu ses promesses, même de fournir du travail aux jeunes. Nous sommes fatigués. Qu'il parte".
Avant la journée de mardi, cette mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d'arrestations.
La police n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP sur ces accusations.
Le Kenya, pays d'Afrique de l'Est d'environ 52 millions d’habitants, est une locomotive économique de la région.
Il a toutefois enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants de respectivement 6,2% et 7,8%, selon la Banque centrale.
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En Juin, 2024 (17:15 PM)Reply_author
En Juin, 2024 (17:18 PM)Participer à la Discussion