Le criminologue canadien Maurice Cusson, en collaboration avec d’autres chercheurs, s’est intéressé aux homicides au Burkina, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Niger.
Professeur émérite à l’Ecole de criminologie de l’Université de Montréal, Maurice Cusson est l’auteur de nombreuses publications sur la délinquance, la sécurité ou les homicides. Il a codirigé l’écriture de Mille Homicides en Afrique de l’Ouest, qui vient de paraître aux Presses de l’Université de Montréal.
Fruit d’une collaboration entre chercheurs africains et canadiens, l’ouvrage s’est donné pour but d’analyser les meurtres commis dans quatre pays d’une région où les homicides sont de moins en moins nombreux : la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso et le Niger. Pour les répertorier, les chercheurs ont « dépouillé systématiquement les journaux locaux » à la recherche de faits divers, jusqu’à arriver au nombre rond de « 1 000 cas d’homicides », qui ont donné son titre au livre.
Pourquoi s’être intéressé aux homicides en Afrique de l’Ouest ?
Nous avons collaboré avec le département de criminologie de l’université Houphouët-Boigny d’Abidjan, avec qui nous avions déjà des liens. Le taux d’homicide est un bon indicateur de la violence criminelle grave dans un pays et, en Afrique, ce taux est plus élevé qu’ailleurs. Mais l’Afrique de l’Ouest était une région sur laquelle nous avions très peu de connaissances.
Y a-t-il des types d’homicides spécifiques à la région ?
Il existe en effet une minorité de crimes qu’on ne trouve plus dans nos pays occidentaux. Il y a bien sûr les meurtres liés à la sorcellerie. C’est ce qui fascine le plus, mais ce n’est pas très différent de la chasse aux sorcières qu’on pouvait trouver en Europe à une époque. Le lynchage par la foule, les fusillades policières, ce sont des choses qui arrivent aussi beaucoup en Afrique de l’Ouest. Cela dit quelque chose, d’ailleurs, sur le niveau de violence et sur la formation des policiers dans la région. Enfin, il y a les meurtres perpétrés par les « coupeurs de route ». C’est un phénomène similaire aux bandits de grand chemin du Moyen Age : des gens qui se planquent au bord de la route et interceptent ceux qui y passent. Même si leur objectif principal est de voler, cela finit parfois en homicide.
Qu’en est-il des meurtres liés à la politique ?
Il existe trois catégories universelles d’homicides : familial, querelleur – c’est-à-dire consécutif à une altercation – et politique. Beaucoup d’écrits journalistiques, et même de rapports officiels, de l’ONU par exemple, insistent beaucoup sur cette violence politique, au sein de laquelle on inclut le terrorisme. En réalité, elle n’est pas si importante. Quand un pays n’est pas en guerre civile, les meurtres politiques représentent une faible part des homicides, souvent autour de 5 %. En fait, la violence privée est bien plus fréquente et plus mortelle que la violence politique.
Notez-vous des différences importantes entre les pays étudiés ?
Oui, la Côte d’Ivoire, par exemple, est le pays avec le plus fort taux d’homicide parmi les quatre. C’est bien sûr lié à la grave crise qu’a connue le pays, avec des conflits qui ne sont pas encore réglés. Ce genre de conflits facilite la circulation des armes. Au Sénégal, en revanche, le taux est très bas, presque aussi bas qu’en France ou au Canada. Pourtant, la population sénégalaise est bien plus pauvre que celle de Côte d’Ivoire. Ce qui contredit l’idée reçue que la pauvreté et le meurtre sont forcément liés. Il y a un lien, mais il n’est pas systématique.
Comment a évolué le taux d’homicide dans la région ces dernières années ?
Les chiffres des Nations unies montrent qu’entre 2008 et aujourd’hui, le taux a diminué à peu près de moitié dans les pays d’Afrique subsaharienne. Mon hypothèse pour expliquer cela – je peux l’argumenter, mais pas la prouver –, c’est le téléphone portable. Il y a quelques années encore, personne n’en avait. Aujourd’hui, pratiquement tout le monde en possède un. C’est frappant quand on marche dans les rues d’Abidjan. Le téléphone portable est un objet qui apporte beaucoup de sécurité. Il a amélioré la communication entre les habitants et la police, entre la police et les autres forces de sécurité, entre les parents et leurs enfants… Enfin, il ne faut pas nier le rôle des acteurs informels de la sécurité, les veilleurs de nuit, les « gros bras », qui sont nombreux et qui peuvent apporter une grande contribution.
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1 Commentaires
Anonyme
En Juin, 2017 (15:53 PM)Participer à la Discussion