Le
chemin du retour définitif à une vie institutionnelle normale en Guinée
est encore parsemé d'embûches, pour dire le moins. Les décideurs de
notre sous région Ouest Africaine sont gravement interpellés. Les
contradictions qui travaillent non seulement la classe politique
guinéenne mais aussi, en raison de sa texture, la société guinéenne
toute entière, s'exacerbent en dépit des efforts et des bonnes
intentions clamées ici et là.
Le
Président Abdou DIOUF a offert les services de l'OIF pour rapprocher
les positions des acteurs de la mouvance présidentielle et ceux de
l'Opposition. Récemment à Nouakchott, le Président Sall a réuni le
Président Alpha Condé et le leader de l'Opposition Cellou Dalein Diallo.
Ces deux initiatives sont à saluer au motif que le Sénégal ne peut être
en paix si la Guinée n'est pas en paix.
Ayant
suivi d'assez près la situation en Guinée ces dernières années, je dois
cependant indiquer qu'un autre danger gît dans le dispositif électoral
guinéen qui pourrait demain surprendre de façon désagréable les acteurs
et les observateurs, et installer le pays dans de grosses difficultés.
Il s'agit de la présence des partis politiques dans la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI) : 80% des effectifs contre 20%
pour la société civile et l'Administration.
En
côte d'Ivoire, la présence des partis dans la CENI était passé
"inaperçue" jusqu'au jour où les télévisions du monde entier passèrent
en boucle cette image montrant le représentant d'un parti politique (le
FPI) dans la commission électorale nationale indépendante entrain de
déchirer le procès verbal notifiant la défaite de son candidat". Dans
l'article 5 de la loi portant création de la CEI (Commission Electorale
Indépendante), il est précisé, concernant sa composition, que parmi les
membres figurent "deux représentants de chaque Parti ou Groupement
politique ayant au moins un député à l’Assemblée nationale ou ayant
remporté au moins une élection municipale, de Conseil régional, de
Conseil général ou de District ;" fin de citation.
Ici
au Sénégal, après le fameux code consensuel de 1992 parrainé par le
juge Kéba Mbaye et salué par tous les acteurs politiques sans aucune
exception et toutes les autorités de notre pays, l'élection
présidentielle de février 1993 a mis à jour un énorme hiatus de ce code
qui a failli faire basculer le pays dans l'inconnu. En effet, comme en
Côte d'Ivoire et en Guinée aujourd'hui, le code de 1992 prévoyait la
présence des partis politiques dans l'instance délibérative de la cour
d'Appel chargée de décider des recours des commissions départementales
et de proclamer les résultats provisoires des Elections. Ainsi, pendant
ces élections de 1993, la commission nationale de recensement des votes
n'a pu, pendant vingt trois (23) jours de délibération, proclamer les
résultats provisoires. Les délais étaient largement dépassés. Pourquoi ?
Parce que les décision de la commission devaient être prises de façon
consensuelle, les partis bloquèrent la commission incapables qu'ils
étaient de trouver un consensus. C'est en ce moment que le juge Keba
Mbaye provoqua une secousse tellurique sur le champ politique en
annonçant sa décision de démissionner de son poste de Président du
Conseil constitutionnel au motif qu'il se considérait comme responsable
de cette faille en tant que "père" du code électoral. En fait le juge
Kéba n'avait rien à voir avec cette disposition qui avait été imposée
par les partis lors des négociations. Toujours est-il que les autorités
de l'époque, à leur corps défendant, prirent sur elles de faire
proclamer les résultats provisoires tels qu'ils ressortissaient des
procès verbaux des commissions départementales et de transférer ces
résultats au conseil constitutionnel pour la phase des recours et de
proclamation définitive des résultats. Il aura fallu de peu que le pays
ne passât à la confusion institutionnelle et au désordre. Et dès que le
calme revint, le code, vite fait, sera revu et la présence des partis
politiques dans la commission nationale de recensement des votes sera
encadrée et les délibérations furent exclusivement réservées aux
magistrats membres de la commission. Plus tard, avec l'avènement de
l'Onel et ensuite de la CENA, il sera définitivement mis fin à la
présence des partis politiques dans les instances de supervision des
élections. Même les personnes simplement soupçonnées de sympathie pour
tel ou tel parti ou candidat sont systématiquement écartées ou invitées à
démissionner si elles avaient déjà été cooptées. Il est clair qu'une
implication des partis politiques dans les décisions qui concernent les
résultats des élections auxquels ils sont parties, aurait pu avoir les
mêmes conséquences désastreuses qu'elle a eues ailleurs.
Cette
mesure fut salutaire à tous égards et, si notre pays est aussi sécurisé
en matière électorale, il le doit entre autre, à cette réforme
courageuse que le pouvoir de l'époque avait prise en dépit des réserves
et autres récriminations de l'Opposition.
En
Guinée, L'article 6 de la loi qui la régit dispose qu'au niveau
central, la CENI est composée de représentants des partis politiques à
raison de 10 provenant la mouvance présidentielle et 10 de l'opposition
et seulement 5 membres issus de la société civile (3) et de
l'Administration (2).
L'article
8 du texte de la CENI dispose : Les membres de la CENI sont nommés par
décret, pour un mandat de sept (07) ans non renouvelable. D'autres
articles leur confèrent une certaine immunité et d'autres encore leur
allouent des indemnités mensuelles et des avantages assez consistants.
En somme de bonnes conditions de travail leur sont octroyées. et
d'importantes fonctions dans l'organisation matérielle des Elections
leurs sont directement confiées.
En
2010 déjà, les tensions internes préoccupaient au plus haut point les
observateurs et les simples citoyens. Cyril Bensimon de RFI relatait
ceci, à propos du second tour qui tardait à être organisé : "A quand le
second tour de la présidentielle ? A Conakry, faute d’information
officielle, chacun y va de sa petite spéculation. «Techniquement, on a
les moyens d’organiser l’élection dans deux semaines », expliquent
plusieurs sources bien informées. Selon elles, ... il est tout à fait
possible de régler les problèmes dus à la création de plus d’un millier
de nouveaux bureaux de vote, de distribuer quelques 460 000 nouvelles
cartes alphanumériques ou d’acheminer l’ensemble du matériel électoral à
l’intérieur du pays."
"Actuellement,
en fait, le blocage ne vient pas des contingences techniques, mais des
querelles politiques à l’intérieur de la CENI. La Commission électorale
est devenue un théâtre où chaque camp manœuvre plus ou moins ouvertement
pour faire prévaloir ses intérêts".
« Dans
les réunions, on s’insulte régulièrement et par deux fois, on a failli
venir aux mains » raconte un observateur averti. Par exemple, ces
derniers jours, les membres de la CENI, favorables à Cellou Dalein
Diallo, et ceux favorables à Alpha Condé, s’écharpent sur le nom du
futur président de la Commission, même si celui-ci n’a qu’un pouvoir
très limité.
Pessimiste, une bonne source
estime que les tensions à l’intérieur de la CENI pourraient sérieusement
retarder le processus électoral, mais surtout, déboucher sur des
contestations après le scrutin... Je pense que nous ne méritons pas ça
parce que nous avons fait suffisamment de sacrifices pour être là où
nous sommes… il faut faire un peu d’efforts pour que le processus soit
achevé et que nous ne connaissions pas de violences. 18/09/2010 par
Cyril Bensimon
Il
est vrai que l'esprit de responsabilité de Cellou Dalein Diallo présent
au deuxième tour avec l'actuel Président de la République, le Pr Alpha
Condé, et le sens élevé de l'Etat de ses alliés comme Sidya Touré ont
permis à la Guinée de faire l'économie de convulsions terribles.
Aujourd'hui
que ce pays s'achemine vers des élections législatives à haut risque,
il ne serait pas de trop, dans le train des réformes à apporter, que le
ver soit extirpé du fruit ; autrement dit, que la présence des partis
politiques dans la CENI soit profondément revue et corrigée. Les
contradictions sociales en Guinée sont si exacerbées qu'un conflit de
dernière minute au sein de la commission électorale nationale
indépendante provenant de représentants des partis politiques pourrait
déboucher sur des surprises pour le moins désagréables.
Mamadou Diop "Decroix
Député à l'Assemblée nationale
Secrétaire Général de And-Jëf/Pads
3 Commentaires
Babacar B
En Avril, 2013 (23:08 PM)Dr. Keita Billy Allarynn
En Avril, 2013 (02:28 AM)Detrompez-vous. Le prof. Alpha Conde a bel et bien gagne la presidentielle de 2010. C'est la tricherie de certains membres de la CENI de l'epoque a la solde des autres candidats qui a empeche le prof Alpha de remporter le premier tour. Pratiquement il avait gagne. Il etait beaucoup plus populaire que tous les autres candidats a la presidentielle. Et aussi, les alies qui l'ont quitte etaient a vrai dire des faux alies. Certains etaient tres mal intentionnes. L'avenement du prof Alpha Conde au pouvoir est une reelle chance pour la Guinee de se developper. Et je souhaite que les guineens le comprennent, y compris l`opposition. Nous devons tous l`assister dans la realisation de son programme au service de la Nation si nous aimons notre pays.
Hammady
En Avril, 2013 (04:30 AM)Participer à la Discussion