
Le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a récemment exprimé la volonté de son pays de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), une organisation regroupant actuellement le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cette déclaration a été faite sur son compte officiel Facebook, marquant un tournant dans la politique régionale de la part du Togo, un pays historiquement lié à la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Mais quelles sont les implications de cette décision potentielle et quel impact cela pourrait-il avoir sur la géopolitique régionale ?
L’Alliance des États du Sahel (AES) a vu le jour dans un contexte marqué par l’instabilité sécuritaire et la remise en question des politiques coloniales perçues dans certains pays de la région. Depuis le coup d’État au Mali en 2020, suivi de ceux au Burkina Faso et au Niger, ces pays ont formé une coalition afin de renforcer leur autonomie vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, et surtout pour lutter contre l’insécurité grandissante. Dans son annonce, Robert Dussey a souligné qu’adhérer à cette alliance serait une décision stratégique pour le Togo. Selon lui, cela pourrait non seulement renforcer la coopération régionale en matière de sécurité et de développement, mais aussi offrir un accès à la mer aux pays membres de l’AES, qui sont tous enclavés. Le Togo, avec son accès à l’océan Atlantique, pourrait devenir un partenaire clé pour faciliter des échanges commerciaux et une ouverture sur le marché mondial pour les pays du Sahel.
Cette volonté de rejoindre l’AES s’inscrit dans un contexte où le Togo cherche à diversifier ses alliances diplomatiques et à s’affranchir d’une dépendance perçue vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, en particulier la France. En effet, les relations entre le Togo et la CEDEAO ont été tendues ces dernières années, notamment après les sanctions imposées par l’organisation régionale à certains de ses membres, dont le Burkina Faso, le Mali et le Niger, suite aux coups d’État militaires. La CEDEAO, dans sa réponse aux coups d’État successifs, a mené des médiations, mais n’a pas été en mesure de ramener une stabilité durable dans ces pays. L’AES, au contraire, se veut être une organisation plus autonome, en phase avec les réalités géopolitiques du Sahel, et porte des critiques acerbes contre les influences externes jugées néfastes. Pour Abdoul Diallo, analyste malien, la CEDEAO semble agir sous l’influence de puissances étrangères, notamment la France, ce qui discrédite son efficacité dans la gestion des crises internes de ses membres.
Les relations tendues entre la CEDEAO et les pays du Sahel, à commencer par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, soulignent la fracture qui existe entre les aspirations des pays du Sahel et l’approche traditionnelle des puissances coloniales et leurs alliés régionaux. C’est dans ce contexte que le Togo envisage de rejoindre l’AES, une organisation qui pourrait offrir une alternative plus alignée avec ses aspirations de souveraineté et de développement économique. L’intérêt du Togo pour l’AES semble être un signal fort de désaveu à l’égard de la CEDEAO, dont la gestion de la crise politique et sécuritaire dans ces pays a été critiquée.
L’adhésion du Togo à l’AES pourrait également avoir des conséquences importantes sur la sécurité régionale. En mai 2024, des exercices militaires conjoints ont eu lieu entre le Togo et les membres de l’AES, marquant un rapprochement stratégique dans le domaine de la défense. Cette coopération renforcée pourrait permettre d’améliorer l’architecture sécuritaire du Sahel en matière de lutte contre les groupes armés terroristes et les menaces transfrontalières. Le Sahel, déjà confronté à des défis sécuritaires majeurs, notamment en raison de la présence de groupes terroristes et d’une insécurité croissante, pourrait bénéficier d’une coordination accrue des efforts militaires entre les États membres de l’AES. En rejoignant l’alliance, le Togo pourrait contribuer à renforcer les capacités de la région à faire face à ces défis, tout en cherchant à développer des partenariats militaires et sécuritaires plus solides, en dehors des structures traditionnelles comme la CEDEAO.
En outre, selon Abdoul Diallo, l’AES pourrait jouer un rôle crucial dans la construction d’une Afrique plus autonome, moins dépendante des anciennes puissances coloniales. En se tournant vers l’AES, le Togo semble vouloir s’affranchir de l’influence extérieure et prendre en main ses propres destinées politiques et économiques.
Bien que la déclaration de Robert Dussey témoigne d’une volonté claire de renforcer les liens avec l’AES, l’adhésion officielle du Togo reste à ce jour conditionnée par plusieurs facteurs. Les membres de l’AES, bien que solidaires entre eux sur de nombreux points, n’ont pas encore fait de commentaire officiel sur la demande du Togo. Le processus d’intégration dans une organisation aussi politique et stratégique pourrait prendre du temps, surtout dans un contexte aussi tendu. L’évolution de cette situation pourrait aussi dépendre de la manière dont la CEDEAO réagira à cette démarche et si elle parviendra à ajuster ses politiques pour éviter une nouvelle fracture. Dans tous les cas, cette situation marque un tournant dans les relations internationales du Togo et dans la géopolitique de la région du Sahel.
L’annonce de la volonté du Togo de rejoindre l’Alliance des États du Sahel est un acte symbolique fort, témoignant de l’évolution de la politique étrangère togolaise. Cela s’inscrit dans un contexte où les pays du Sahel cherchent à renforcer leur autonomie face à la CEDEAO et aux anciennes puissances coloniales. Cette démarche pourrait non seulement contribuer à la stabilité et à la sécurité régionales, mais aussi marquer un tournant dans la manière dont les pays du Sahel et du Togo abordent les défis géopolitiques et sécuritaires dans un monde en constante évolution.
4 Commentaires
Sam
il y a 15 heures (17:40 PM)Reply_author
il y a 14 heures (18:49 PM)Reply_author
il y a 11 heures (21:30 PM)Cc
il y a 15 heures (17:42 PM)Paco
il y a 14 heures (18:11 PM)Participer à la Discussion