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Les Camerounais de Garoua-Boulaï, victimes collatérales de la crise centrafricaine

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Les Camerounais de Garoua-Boulaï, victimes collatérales de la crise centrafricaine
"Être dans la zone frontalière, c'est prendre le risque de prendre une balle": depuis un an Bachirou, comme d'autres commerçant camerounais, n'ose plus traverser le poste-frontière de Garoua-Boulaï (Cameroun) pour aller faire des affaires en Centrafrique.

Le long de la zone tampon matérialisant la frontière entre les deux pays, les boutiques de Garoua-Boulaï ont été saccagées et pillées.

"J'allais souvent vendre divers produits vers la frontière. Lorsque les Séléka ont pris le pouvoir, les balles tombaient dans notre secteur lorsqu'ils pourchassaient les ex-soldats de (l'ex-président François) Bozizé. Nous avions déserté la zone en attendant que ça se calme", explique Bachirou.

Victimes collatérales de la crise centrafricaine, les habitants de Garoua-Boulaï ont vécu au rythme du crépitement des armes lorsque les ex-rebelles Séléka (à dominante musulmane) qui avaient pris le pouvoir à Bangui en mars 2013, ont pris le contrôle de Cantonnier, ville jumelle située de l'autre côté de la frontière.

Depuis l'affaiblissement des Séléka, lié à l'intervention militaire française en Centrafrique, les acteurs ont changé mais la peur, elle, reste. Ce sont désormais les milices chrétiennes anti-balaka, des groupes d'"autodéfense" créés en réaction aux exactions commises par les Séléka sur une population majoritairement chrétienne, qui sèment à leur tour le chaos, attaquant des véhicules, et tuant en toute impunité les civils musulmans.

"Nous pensions que la situation allait redevenir normale, mais les anti-balaka ont pillé les boutiques de ceux qui sont restés sur place", témoigne le commerçant camerounais.

"J'ai la chair de poule rien qu'à l'idée de me rapprocher de la zone frontalière vu ce qui s'est passé comme catastrophe de l'autre côté", affirme Calvin, un habitant de Garoua-Boulaï.

"Certaines populations installées à proximité de la frontière sont descendues plus à l'intérieur de la ville parce qu'elles redoutent les balles perdues lors des échanges de tirs entre les anti-balaka et les (soldats de la force africaine) Misca comme c'était le cas récemment", explique un militaire camerounais sous couvert d'anonymat.

Mi-février, un violent accrochage à la frontière entre des anti-balaka et des soldats de la Misca a fait 11 morts.

- La kalachnikov à 6 euros -

Depuis leur arrivée, la Misca et la force française Sangaris ont repris le contrôle de Cantonnier, et ont entrepris de désarmer les anti-balaka. "Lorsque le désarmement de ces gars a commencé, vous pouviez acheter une kalach à 4.000 FCFA (6,10 euros). On en trouvait même abandonnées dans les plantations situées vers la frontière. Nous sommes obligés d'être vigilants, sinon l'insécurité peut s'installer dans la ville", poursuit le militaire camerounais.

En attendant, les miliciens sont toujours présents dans la zone, créant une psychose chez les Camerounais. "Je ne peux pas m'avancer davantage. C'est très dangereux d'aller vers la frontière centrafricaine", explique Oumarou Bello, un habitant de Garoua-Boulaï qui attend près du poste-frontière camerounais pour accueillir un parent arrivant de Centrafrique, parmi des centaines d'autres réfugiés qui fuient les violences.

"Je suis musulman et je ne suis pas différent de mes frères centrafricains. Si je vais de l'autre côté de la frontière, les anti-balaka peuvent me découper à la machette en me confondant" avec un musulman centrafricain, assure-t-il.

Pour lui, les anti-balaka "sont des gens très mauvais, c'est à cause d'eux que mon frère a fui (...) On ne comprend pas pourquoi ils coupent les gens comme des animaux", alors que les communautés chrétiennes et musulmanes de Centrafrique avaient toujours vécu en bonne entente, déplore Oumarou Bello.

M. Bello rêve du jour où les armes cesseront de crépiter de l'autre côté de la frontière, mais il ne se fait pas trop d'illusion car, estime-t-il, "cette violence ne va pas s'arrêter tout de suite".



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