Quels sont les pays sur le continent où il fait bon travailler ? Réponse en demi-teinte, en fonction du point de vue que l’on adopte sur les pays de forte tradition syndicale, les économies les plus performantes, celles où des filets de sécurité sociale ont été posés, ou encore les nations qui luttent le plus efficacement contre la fuite des cerveaux…
Où en Afrique la fête du 1er-Mai sera-t-elle une vraie occasion de réjouissances ? Les situations s’avèrent si contrastées à travers le continent qu’aucune exception ne saute aux yeux – hormis l’Afrique du Sud, qui reste le seul marché émergent du continent et qui offre dans ses industries des conditions de travail surveillées de près par de puissants syndicats.
Ce qui n’a pas empêché le drame de Marikana de se produire, lorsque la police a ouvert le feu en août 2012 sur des mineurs en grève, faisant 34 morts sur le site d’une mine de platine. En Afrique du Sud, comme partout ailleurs en Afrique, un large secteur informel échappe par ailleurs à toute réglementation. Et des immigrés venus du Zimbabwe, du Malawi ou du Mozambique sont prêts à travailler pour des salaires bien plus modestes que les Smig âprement négociés, secteur par secteur, par les syndicats noirs sud-africains…
Parmi les pays à forte tradition syndicale, il faut citer le Sénégal où la ville de Thiès a été le berceau de la lutte ouvrière, mais aussi le Mali où les syndicats étudiants sont montés en puissance après la chute du régime de Moussa Traoré en 1991. Sans oublier le Niger où le socialiste Mahamadou Issoufou, président depuis 2011, a mené un front pour la restauration de la démocratie qui a rassemblé forces politiques et centrales syndicales. Mais la puissance des syndicats n’est pas synonyme de bonnes conditions de travail ni même d'emploi dans ces pays sahéliens où la jeunesse est prête à risquer sa vie pour aller gagner son pain en Europe…
Les économies les plus performantes
Faut-il se précipiter vers les économies les plus performantes du continent pour voir ses conditions de travail s’améliorer ? Selon le rapport global de la compétitivité publié en 2014 par le Forum économique mondial, et qui tient compte du PNB par habitant, mais aussi des infrastructures, de l’éducation et de l’innovation, Maurice reste en tête au sud du Sahara, suivie par l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Botswana, la Namibie, le Kenya, les Seychelles, la Zambie, le Gabon et le Lesotho.
Ce qui ne veut pas dire que les conditions de travail soient partout idéales : le droit du travail prévoit des conditions spéciales pour les jours de cyclone à l’île Maurice où les ouvriers agricoles de la filière sucre se sont battus depuis les années 1930 pour améliorer leur sort sur les plantations. Ce qui n’empêche pas les immigrés bangladais d’être exploités, aujourd’hui encore, dans certaines des industries de confection qui ont fait le succès de Maurice à l’export. Ces ouvriers ont négocié en 2013 de « meilleures » conditions de travail – à savoir, 60 heures de travail par semaine pour un salaire de 205 euros !
Le Rwanda, un pays qui s’est professionnalisé et sait faire de la place aux jeunes, attire désormais des cadres de toute l’Afrique – jusqu’au Sénégal. En Zambie en revanche, les conditions de travail n’exercent pas le même attrait… On a vu dans ce pays des responsables de sociétés minières chinoises tirer sur des mineurs en grève en Zambie et inversement, des mineurs zambiens tailler en pièces un contremaître chinois.
Au Lesotho, un royaume de montagnes enclavé en territoire sud-africain, les usines de confection chinoises, principal employeur du pays, sont connues pour le mauvais sort qu’elles réservent à leurs effectifs. Ces derniers, composés à 80% de femmes, travaillent à la chaîne par rotations de neuf heures par jour pour quelque 100 dollars par mois.
Les filets de sécurité sociale
Mais les syndicats veillent au grain, là aussi, et les ouvrières du Lesotho ont obtenu en 2011 le droit à des congés maternité qui paraissent sous d’autres cieux parfaitement normaux. En Afrique, rappelle l’Organisation internationale du travail (OIT), seulement 5% à 10% de la population active bénéficie d’une couverture sociale et la situation va plutôt en s’aggravant, même si les Etats font de plus en plus d’efforts pour mettre en place des filets de sécurité. Alors que les pays peinent à mettre en place des systèmes d’assurance maladie, s’y prenant parfois de manière coercitive comme au Rwanda où tout le monde doit cotiser, les systèmes d’assurance chômage restent largement inexistants sur le continent, à quelques exceptions près comme la Côte d’Ivoire.
En matière de sécurité sociale, c’est la Tunisie qui donne l’exemple en se rapprochant de la couverture universelle, selon l’OIT. Le pays est passé, en matière de santé et de pensions, d’une couverture de 60% en 1989 à 84% en 1999. En Afrique du Sud, le régime public de retraite financé par l’impôt atteint près de 2 millions de bénéficiaires, auxquels elle a permis de sortir de la pauvreté. Les autorités se refusent cependant à accorder un « revenu minimum d’insertion », réclamé à cor et à cris par la société civile. « Nous n’allons pas subventionner des alcooliques et des joueurs de loto », avait répondu l’ancien ministre des Finances Trevor Manuel quand les manifestants demandaient quelque 12 euros par mois pour les 42% de Sud-Africains qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Les pays qui luttent contre la fuite des cerveaux
Enfin, toujours plus agréable quand on est un cadre bien formé de travailler dans des pays où les salaires ne se réduisent pas à de simples bols de cacahuètes – comme en Gambie, un pays qui propose 700 euros par mois à un professeur d’université expérimenté. Le Sénégal a revalorisé les salaires de ses professeurs dans l’enseignement supérieur sous Abdoulaye Wade, au début des années 2000. Il est redevenu décent d’enseigner à Dakar, avec des salaires qui vont de 1 000 à 2 000 euros en fonction de l’ancienneté et des grades, sans avoir à faire un autre métier le soir ou le week-end pour payer ses factures. La Côte d’Ivoire a, elle aussi, revalorisé les salaires de ses enseignants.
Au Bénin, la paie des personnels de santé a été revue à la hausse en 2008, faisant passer le traitement d’un médecin spécialiste, professeur agrégé de l’université, de moins de 500 euros à plus de 1 800 euros. L’objectif : fidéliser ces docteurs à leur poste, dans les hôpitaux publics les mieux équipés, pour réduire leur tentation d’avoir une seconde activité plus lucrative dans le système de santé privé.
En Afrique du Sud, le salaire des médecins les moins bien payés – les internes des hôpitaux publics – a été augmenté de 53% en une seule fois en juillet 2009, passant de 1 300 à 2 000 euros par mois, tandis que les spécialistes gagnent désormais 6 200 euros par mois. L’objectif : pallier la fuite des cerveaux dans le domaine de la santé, un véritable exode s’étant produit à la fin des années 1990, de la simple aide-soignante au chirurgien chevronné. La pénurie de médecins est telle en Afrique du Sud que des juniors sont nommés à des postes de spécialistes, sans pour autant en avoir les compétences…
4 Commentaires
C'est Quoi Ce Monde?!
En Mai, 2015 (17:31 PM)Personne ne veut d'eux en Afrique et personne ne veut d'eux en Occident! Voilà la vérité! Cette société moderne ne leur laisse que l'informel, les trafics ou le suicide!
Anonyme
En Mai, 2015 (17:45 PM)Fdf
En Mai, 2015 (17:46 PM)Har.
En Mai, 2015 (20:30 PM)Participer à la Discussion