
Il y a huit jours, le 11 avril 2011, le régime de Laurent Gbagbo tombait au prix de plusieurs centaines de morts. Quelles priorités pour la reconstruction ? Quels sont les pièges à éviter ? La tâche est d’autant plus difficile que le président Ouattara n’est pas en état de grâce.
C'est le cadeau empoisonné de Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara : une Côte d'Ivoire déchirée, et une ville, Abidjan, dévastée par la guerre. La capitale économique est aujourd'hui livrée aux pillards de tous poils : les combattants pro-Ouattara, les évadés de la prison de la Maca, la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Des pillards bien armés entrent dans les maisons sous les yeux des habitants et vont jusqu'à desceller les lavabos.
Pas d'état de grâce, donc. Les PME sont fermées, quand elles n'ont pas été pillées. Et leurs patrons se cachent ou sont partis en exil. Jean-Louis Billon est le président de la Chambre de commerce d'Abidjan. Il dirige le groupe agro-industriel Sifca. Pour lui, il y a trois priorités : rétablir la sécurité, en redonnant la main aux forces régulières, rouvrir l’école et mettre fin à l’anarchie dans les grandes écoles et l’université, restructurer les grandes filières (café, cacao, hévéa, etc.). Sous-entendu : traquer la corruption qui gangrène ces filières.
La France débloque 400 millions d'euros
Depuis quelques jours, les taxis roulent à nouveau sur les grands axes d’Abidjan. Quelques bus également. Des journaux reparaissent. Pour le président Ouattara, la priorité est de rétablir l'électricité partout, de faire rouvrir les banques et de les approvisionner en billets. Il lui faut du cash.
La France, via l’AFD, l’Agence française de développement, vient de débloquer 400 millions d'euros pour aider le nouveau régime à payer les arriérés de salaires des fonctionnaires et les dettes de l'Etat à l'égard des PME. L’Union européenne s’est engagée sur 200 millions d’euros et la Banque mondiale sur 100 millions. « Cette aide d’urgence, ça amorce la pompe, mais ce n'est pas assez, affirme Jean-Louis Billon. La Côte d’Ivoire a arrêté son processus de développement il y a quinze ans. Il nous faudra beaucoup plus d’aide, et des abandons de dette. Les institutions de Bretton Woods doivent aider la Côte d’Ivoire à atteindre le point d’achèvement des PPTE (pays pauvres très endettés, ndlr) ».
« Notre plus grosse difficulté, c’est de reconstruire notre cohésion sociale »
Le piège serait de croire que la reprise n’est qu’une affaire de gros sous. La guerre civile est passée par là. L'élection aussi. Ouattara : 54%, Gbagbo : 46% (28 novembre 2010). La Côte d'Ivoire est coupée en deux. D'où cet avertissement de Jean-Louis Billon : « Aujourd’hui, notre plus grosse difficulté, ce n’est pas de relancer notre économie, c’est de reconstruire notre cohésion sociale, car beaucoup d’hommes politiques ont soufflé sur les braises de la division ».
Cela dit, le pire a peut-être été évité. La bataille d'Abidjan n'a duré que dix jours, il n'y a pas eu de tueries à caractère ethnique et Laurent Gbagbo n'a pas été tué lors de l'assaut de sa résidence, le 11 avril. Il n'y a donc rien d'irréparable entre les deux camps. Et lorsque le président Ouattara lance l'idée d'une Commission vérité et réconciliation, beaucoup d'Ivoiriens tendent l'oreille dans l'espoir qu'il y aura, comme disait hier le journal Fraternité Matin, « le pardon et la paix ».
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