Avec son troisième roman, Confidences, Max Lobe vient de remporter le prestigieux prix Ahmadou Kourouma au Salon du livre et de la presse de Genève qui a fermé ses portes ce week-end. A 31 ans, cet écrivain talentueux s’est imposé comme l’un des auteurs africains les plus prometteurs de sa génération.
Le romancier camerounais Max Lobe est le lauréat 2017 du prixAhmadou Kourouma, dont les précédents récipiendaires ont pour nom Scholastique Mukasonga, Tierno Monenembo, Mutt-Ion, Mohamed Mbougar Sarr et Beyrouk. Attribué tous les ans dans le cadre du Salon du livre et de la presse de Genève, cette récompense a pour objectif de distinguer les écrivains africains reconnus, mais aussi de faire émerger de nouveaux talents tels que Max Lobe.
Ce dernier n’est, toutefois, guère un inconnu dans le monde littéraire francophone où ses premiers romans (La Trinité bantoue et 39 rue de Berne), qui croquent les bizarreries des « Helvètes », mêlant des éléments autobiographiques et observation ethnographiques, ont connu un succès certain. Ils ont fait connaître l’auteur à la fois des Africanistes, mais aussi du grand public. Pour l'écriture de son troisième roman Confidences, qui a valu à Max Lobe le prix genevois, l’auteur est retourné dans son pays, puisant sa thématique dans les violences coloniales jamais éclaircies par les pouvoirs publics duCameroun indépendant.
L’événement autour duquel Max Lobe a construit son nouveau récit concerne l’assassinat par les autorités coloniales françaises de Ruben Um Nyobé, leader et porte-parole des résistants camerounais dans les années 1950. « Le 13 septembre 1958, il y a cinquante ans, était tué Ruben Um Nyobé, écrit l’historien Thomas Deltombe, coauteur de Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971). C’est une forêt de Sanaga Maritime dans le sud du Cameroun, qu’une patrouille française qui traquait depuis des mois le secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (UPC) repérera son objectif. Et l’abattit comme un animal sauvage. Son corps fut traîné jusqu’au chef-lieu de a région, où il fut exhibé, défiguré, profané. « Le Dieu qui s’était trompé » est mort, annoncera triomphalement un tract tiré à des milliers d’exemplaires. Le corps de Ruben Um Nyobé fut coulé dans un bloc de béton. »
Le sort inhumain réservé à ce héros révolutionnaire camerounais fait encore aujourd’hui l’objet de silences embarrassés. Même après l’indépendance du Cameroun, toute évocation de Ruben Um Nyobé et du massacre de ses partisans, qui fit entre 60 000 et 100 000 morts, était sévèrement réprimée. C’est ce parcours du héros opprimé que restitue dans son récit Max Lobe: pas en historien mais en homme de fiction qui sait que si le fond détermine la forme, l’efficacité de la narration dépend entièrement de l’économie de la forme. En l'occurrence, elle est plus proche de l’épopée et du théâtre, l'auteur donnant la parole aux hommes et femmes qui avaient connu Ruben et avaient cru à ses promesses de liberté et de fraternité. La geste historique du héros est racontée par la bouche et à travers la mémoire chancelante de Ma Malinga, une grand-mère alerte qui fut une des porte-paroles de Ruben. La narration est d’autant plus touchante qu’elle est assurée par des personnages qui ont traversé les turbulences de l’époque mise en scène.
Le jury du prix Ahmadou Kourouma a sans doute été sensible à la très grande originalité de l’écriture de Max Lobe. Mais le juy genevois n’a pas été le seul à apprécier Confidences, un roman profondément engagé qui s’appuie sur le mythique et l’épique pour rendre au réel son épaisseur et son autheticité. «Si ce livre m’a beaucoup « parlé » c’est parce qu’il est à la fois un chant d’amour et une quête de soi, et c’est peut-être en cela qu’il a un caractère universel très manifeste, » a écrit Alain Mabanckou dans la postface qu’il a donnée au roman de Max Lobé, félicitant son jeune auteur d’avoir réussi à donner à voir son héros révolutionnaire sous un angle humain et intime, mettant « à nu les failles et les complicités des uns, le courage et l’héroïsme des autres ».
A 31 ans, Max Lobe fait partie de la nouvelle génération d’écrivains africains qui sont en train de renouveler en profondeur l’écriture littéraire africaine. Né au Cameroun, il a fait le choix de vivre à Genève depuis plus de dix ans. Ses modèles en écriture sont d'abord africains et ils s’appellent Calixthe Beyala, Ahmadou Kourouma, Alain Mabanckou, mais aussi Dany Laferrière (Haïti), Sefi Atta (Nigeria) et C. F . Ramuz (Suisse).
1 Commentaires
Anonyme
En Mai, 2017 (21:08 PM)Participer à la Discussion